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— C’est ce que je pensais. Dites voir, la huitième môme est de vous. Non ?

— Non, de lui. Seruti a fait du zèle. Lorsque vous lui avez dit qu’une fille brune du salon de danse voisin vous avait fait certaines confidences, il a eu peur. Il m’a téléphoné, mais je n’étais pas chez moi, ce soir-là. Alors, il s’est occupé de ça tout seul.

— Seruti connaissait votre section stups ?

— Oui.

— Tous vos collaborateurs sont au courant ?

— Non, pas tous. Seuls les Siciliens.

— Bref, la Mafia ?

— On ne peut rien vous cacher.

— Et vous avez confiance en eux ?

— Une confiance totale.

— Jamais de… déceptions ?

— Rarement, et elles ont été sanctionnées.

— Vous n’avez pas votre idée personnelle au sujet du tueur ?

— Si j’avais mon idée personnelle, je ne ferais pas appel à votre sagacité.

— Bien sûr…

Je me frotte le crâne.

— Je boirais bien un verre de rye.

— Facile…

— Je veux vous dire quelque chose, Maresco.

— C’est le moment.

— Au sujet de mon retour ici ; je ne suis pas revenu pour vous emmerder personnellement, je n’ai rien contre vous, si ce n’est une certaine admiration. J’admire tous les types grand format.

— Merci.

— Je suis venu à cause de cette marotte dont je vous ai parlé : cette manie de la vérité. A part ça, je n’ai rien à voir avec le F.B.I.

— Tant mieux.

Il redevient bourru, lointain, froid.

Il a cet air des gens que vous emm… et qui sont trop polis pour vous le dire.

Je siffle un glass et je me lève.

Dick and Jo se lèvent aussi !

CHAPITRE XV

« Au dodo »

Dick et Jo sont ce qui se fait de mieux dans le style défonceur de portrait !

Des armoires de ce format, vous pouvez en chercher des mêmes pendant cent dix ans à la salle des ventes, vous ne réussiriez pas à en trouver. Ils ont des poitrines larges comme des portes de grange et des biscotos plus durs qu’un steak à bon marché.

Me voilà parti avec ces deux molosses sans un radis en poche, sans arme, sans papelards et, ce qui est plus grave, sans la moindre idée de l’endroit où je vais aller.

Maresco, c’est un drôle de vieux. Il doit croire au Père Noël à ses moments perdus. Parce que je lui ai prouvé que je n’avais pas la boîte crânienne fourrée aux amandes, il s’imagine que je vais dégauchir son tueur de souris en deux temps, trois mouvements. Décidément, j’aurais dû rester dans l’avion. Certes, j’ai fait un pas de géant en découvrant le trafic de noir du Rital, mais à quoi cela m’avance-t-il, je vous le demande ? Maintenant, je suis coincé. Maresco a une façon peu ordinaire d’utiliser les compétences. Ah ! La carne ! Ce vieux-là, quand il sera canné, faudra le faire naturaliser et l’exposer au musée de l’homme ; il vaut cinquante points d’entrée !

Dick me demande de son air le plus intelligent — ce qui est extraordinairement négatif :

— Où nous aller ?

— Nous coucher, je fais. Avec ce coup de téléphone sur la praline, maintenant, je suis bon à nib. Tant que j’aurai pas récupéré, il ne faut pas compter sur moi.

Il grommelle je ne sais quoi de pas gentil, gentil, certainement. Je m’installe à mon volant, lui à mes côtés, son autre portion derrière.

Et je reviens à l’hôtel où j’ai retenu ma piaulette, mais, comme je m’apprête à ralentir, je pense au petit Robert et je me dis que ce serait une sale blague à lui faire que de le colloquer dans ce bain. Si je descends à mon hôtel, il me rendra visite, les deux costauds le harponneront ; ils préviendront Maresco et il arrivera des choses pas gentilles au petit Belgicot.

Non, pas de ça, Lisette.

Je file un coup de seringue et le bahut fonce plus loin. A force de tourniquer, je finis par découvrir un autre hôtel.

— Dis donc, Dick, fais-je à mon convoyeur, je vais prendre une turne ici. C’est toi qui les allongeras, puisque je suis lavé de mornifle.

Il grogne.

Je considère que cette onomatopée est une approbation et je débarque dans l’hôtel.

C’est Dick qui va baratiner la séquelle de la réception. Moi, j’attends en compagnie de Jo, lequel ne me lâche pas d’un poil, comme s’il s’attendait à ce que je me déguise en trou de gruyère !

— Monter ! décide Dick.

On nous embarque dans un ascenseur. On nous conduit à deux chambres communicantes.

L’une a deux lits. C’est dans cette dernière que me fait entrer Dick.

— Déshabiller ! dit-il.

Je me déloque. Il prend mes fringues et va les planquer dans la piaule voisine. Ensuite de quoi, il tire une paire de menottes de sa poche. Il emprisonne mon poignet droit, me dit de me coucher et passe l’autre boucle de la poucette au lampadaire de fer forgé qui flanque le divan-lit.

Cela fait, il ôte sa veste, s’allonge sur le divan voisin après avoir fermé la porte à clé, glisse la clé dans sa poche et traîne son pieu devant la fenêtre.

Maresco savait ce qu’il faisait en me confiant à cette nurse. Voilà un chéri qui compte avec le hasard et ne lui laisse pas le moindre morceau de gâteau.

Il allume une cigarette et éteint.

Dans l’obscurité, je vois grésiller le bout incandescent de la cibiche.

Je me dis que mon but me fait mal, que la vie est moche et que le roupillon est une chose nécessaire. Je m’endors comme un petit ange !

Comme le disait avec pertinence Pierre Dac :

« Il ne faut jamais faire le jour même ce qu’on peut renvoyer au surlendemain matin. »

CHAPITRE XVI

« Des retrouvailles »

Il m’arrive souvent de rêver. Lorsqu’on mène une existence à grand spectacle, comme la mienne, c’est presque nécessaire. Un rêve, pour moi, c’est une soupape de sûreté.

Donc, je suis dans un avion. Et cet avion ronronne comme tous les avions en vol. Mais, soudain, la porte de l’oiseau s’ouvre, un gars me prend par les pieds et me jette dans le vide sans qu’il me soit possible de réagir.

Vache de blague ! Je fonce dans le vide comme un verre de vin blanc dans le gosier d’un ivrogne. Puis, soudain, je suis arrêté par le bras. Au passage, j’ai eu le temps de saisir une courroie qui pendait hors de l’appareil.

Je m’éveille et réalise la situation. Comme je fais un peu de température, because le coup de téléphone sur mon crâne, j’ai eu un saut de carpe qui m’a projeté hors du divan. Et mon bras reste suspendu par la menotte fixée au lampadaire.

Quant au moteur d’avion, il est merveilleusement imité par Dick, lequel ne s’est pas fait enlever les végétations et ronfle comme un bienheureux.

Je me remets sur mon pieu. Mais, pour la chose du sommeil, je suis chouravé. Maintenant, je vais me tortiller sur le duvet sans parvenir à en écraser.

Le mieux que j’aie à maquiller, c’est encore de gamberger à la situation. Je suis pris dans cette histoire comme un rat dans un piège. Pour s’en sortir, faut avoir de sérieuses accointances avec le petit Bon Dieu.

Maresco a l’impression que je peux découvrir le coupable. Il se carre le doigt dans l’œil jusqu’au gros côlon. L’affaire des stups, c’était pas marie à entraver à cause du clergyman qui ne passait pas inaperçu. Mais l’assassin, lui, ne s’est pas déguisé en lancier du Bengale pour bousiller les porteuses de noir. Pour le démasquer, il faudrait que je sois au parfum des us et coutumes de ce bon Chicago, que je connaisse au moins la langue à fond, que j’aie les mains libres et du pèze pour arroser les muets.