Выбрать главу

— Arrête, Tam ! insista Elam.

— Mac, écoute. Tu t’en sors bien. Je sais que tu t’inquiètes, je sais que cela fait trop longtemps que tu es là, et je sais aussi que tu souffres. On va bientôt pouvoir te ramener à l’intérieur. Il faut juste que tu te détendes et que tu restes tranquille encore un moment. »

Il y eut une réponse, cette fois, qui parlait d’être « pris dans un putain de piège ».

« Écoute-moi », dit Hayes. Il s’avança avec précaution d’un pas, en prenant soin de rester dans le champ de vision de Mac et de garder ses mains ouvertes devant lui. « Je t’ai mis un corset, mais il n’est pas complètement verrouillé. Il faut que je termine la connexion avant qu’on puisse te ramener à l’intérieur. »

Elam continuait à le harceler : « Je ne peux pas garantir l’intégrité de ta combinaison si tu ne reviens pas maintenant ! »

Il fit encore un pas.

« Je crois que tu m’as cassé une côte, Mac. Vas-y mollo, d’accord ? Je sais que ça fait mal. Mais on est presque rentrés, mon vieux. »

Mac croassa quelque chose de répétitif en butant sur les mots.

« Tu as compris, Mac ? »

Il y eut un silence qu’il prit pour un consentement. Hayes saisit le jack de l’attache dans son gant, profitant de ce qu’il espérait être un moment de lucidité.

Mac se cabra à l’établissement de la connexion. Puis l’électronique de l’attache neutralisa ses fonctions volontaires, imposant à ses bras de se ranger le long du corps et de se bloquer dans cette position. Le mouvement avait dû être douloureux. Cette nouvelle et soudaine impuissance arracha un hurlement à Mac. Un bruit affreux.

Deux petits tractibles s’approchèrent. Ils s’emparèrent des ailes du corset et l’inclinèrent doucement en arrière. Mac n’était plus qu’un véhicule sur roues, qui se dirigeait déjà vers la chambre de décontamination externe du hangar des tractibles. Hayes ignora les injonctions d’Elam et marcha aux côtés de Mac, restant là où le blessé pouvait le voir, lui tenant compagnie jusqu’à ce que derrière eux les portes se ferment sur le bleu de plus en plus profond du crépuscule d’Isis.

Il amena son casque au contact de celui de Mac au moment où s’allumait l’éclairage cru de la station.

Mac murmura quelques mots. « Trop tard », crut comprendre Hayes.

Il laissa sa tête contre celle de Mac tandis que tombait du plafond une bruine d’antiseptiques caustiques vert pâle qui signalait le début de la décontamination. De l’autre côté de leurs visières humides, Mac lui rendit son regard.

Hayes lui adressa un signe d’encouragement de ses deux pouces levés. Il espérait que le manque de sincérité de son geste n’était pas d’une évidence trop ridicule.

Les yeux vides de Mac étaient injectés de sang. Du sang s’échappait en larmes rubis de ses pores. La déliquescence des tissus et l’hémorragie externe avaient déjà commencé.

Macabie Feya était en train de mourir, et Hayes ne pouvait rien y faire.

Trois

Comme s’il n’avait pas déjà assez de problèmes, Kenyon Degrandpré devait maintenant trouver le meilleur moyen de présenter ce malencontreux décès.

C’est ce qui le préoccupait lorsqu’il se présenta à son examen médical mensuel. Il avait hâte de parler au médecin. Non qu’il fût malade, mais il n’avait rien trouvé à bord de la station orbitale qui ressemblât plus à un ami que Corbus Nefford, le responsable du service médical – un médecin natif de Boston qui avait fait toute sa carrière dans les Trusts. À la différence de ces barbares des mondes glacés qui constituaient l’essentiel du personnel médical, Nefford comprenait les règles d’une conversation courtoise. Il se montrait amical sans perdre de vue les subtilités de la hiérarchie, révérencieux tout en ne versant presque jamais dans une flagornerie de mauvais goût. Son visage aristocratique et joufflu avait dû lui être très utile lors des loteries professionnelles, sur Terre : même vêtu de sa modeste blouse de médecin, il ressemblait à un cousin des Familles.

Degrandpré entra dans le petit poste médical et se déshabilla sans complexe. À l’instar de son uniforme, son corps exprimait son rang et sa classe. Il n’avait presque pas de poils, sa graisse corporelle excédentaire s’éliminait par chélation, sa musculature était marquée mais sans excès. Un tatouage du Trust des Travaux ornait son épaule gauche. Son fin pénis pendait par-dessus la légère cicatrice de son orchidectomie, encore une marque de son rang. Il s’introduisit sans attendre dans le compartiment à diagnostic.

Nefford, assis devant le moniteur, le consultait avec attention. Il n’avait jamais la maladresse de parler le premier.

Dans le dos de Degrandpré, la machinerie émit un bourdonnement, un murmure d’ailes d’oiseau-mouche. « Vous êtes au courant du décès, bien entendu. »

Le médecin hocha la tête. « Une brèche dans la combinaison, si j’ai bien compris. Une vraie tragédie pour l’équipe de Yambuku. J’imagine qu’ils devront remplacer l’armure.

— Sans parler de l’ingénieur.

— Macabie Feya. Arrivé il y a trente mois. Une santé de fer, comme tous ses collègues, du moins quand ils débarquent sur la station orbitale. Il a lui-même provoqué l’accident, m’a-t-on dit ?

— Il est sorti avec un matériel de protection mal préparé. En ce sens, oui, c’est lui qui l’a provoqué. Mais les fautes ont l’habitude de remonter la hiérarchie.

— Vous n’avez sûrement rien à vous reprocher, Directeur.

— Merci de cette manifestation de soutien si peu convaincante. Vous savez aussi bien que moi ce qu’il en est en réalité.

— La perfection n’est pas de ce monde.

— Nous venons de perdre deux avoirs dont le remplacement sera coûteux. Impossible de faire l’impasse là-dessus. Mais Yambuku est loin d’être paralysé : ils peuvent toujours utiliser leurs véhicules, la plupart de leurs tractibles sont dans un état acceptable, et ils ont au moins une bioarmure qui peut être assez rapidement remise aux normes. Les recherches fondamentales ne seront pas interrompues.

— Sans compter ce nouvel équipement apporté par cette Zoé Fisher, ajouta Nefford.

— Tout le monde est donc au courant ?

— Pour le meilleur ou pour le pire, la station est un village. Les gens parlent.

— Trop, et trop souvent. » Mais Degrandpré ne s’étonnait pas que Corbus Nefford lui fasse part de certains bruits de couloir. Sa position de médecin et de chef de section lui assurait pratiquement son bol de riz. Il pouvait se permettre de dire ce que d’autres auraient gardé pour eux. « Ce que Zoé Fisher a apporté est une technologie non certifiée qui nous a été refilée par une branche pourrie des Trusts. À peine arrivée avec un vade-mecum de Mécanismes & Personnel, elle se fourre dans des situations dangereuses. Ça m’inquiète. Une mort est déjà une attrition, deux ressembleraient à de l’incompétence… et on chercherait quelqu’un à blâmer. »

Occupé à murmurer dans son défileur, le praticien hocha distraitement la tête. « Diagnostic terminé. Descendez, je vous prie. »

Degrandpré se rhabilla tout en continuant à penser à voix haute. « Mécanismes & Personnel se comporte comme s’il pouvait réordonner à sa guise nos priorités. Je doute que les officiels des Travaux supportent encore longtemps une telle arrogance. D’ici là, j’aimerais que Zoé Fisher survive, au moins jusqu’à ce que je sois rentré sain et sauf à Pékin. Franchement, cette bataille ne me concerne pas. » N’était-il pas allé trop loin ? « Tout ceci est confidentiel, évidemment.

— Bien entendu.

— Autrement dit, ça ne doit pas sortir d’ici.