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Sans cesser de jacter, il s’assied à la table de la marquise, laquelle se fait de plus en plus complaisante et ravie. Il emballe sec, le Dodu.

— Comme un ouragan qui passait par là, susurre la môme Grimaldi ; qu’ son papa a eu tort de pas mettre en pension aux Zoiseaux, moi je dis ; mais ça me regarde pas, hein !

Chacun sa merde ! Je parle pour causer, façon pipelette.

— A propos, interpelle le Gravos, vous parlez-t-il le français, chère jolie médéme ?

— Comme tous les Italiens bien nés, répond la dabuchette, mi-crâneuse, mi-enjouée.

— En c’ cas d’alors, on va continuer d’jaspiner françouze, ma grande. Qu’autrement sinon, j’eusse fait un effort pour balancer en rital dont j’ connais les rudimentaires : spaghetti, chianti, polenta, tutti frutti et j’en passe.

Il m’interpelle sur un pivotement de siège :

— Viens nous rejoindre, Sana. Et si tu finirais pas les frites d’ ton steak, apporte-me-les !

J’obtempère. Il me présente :

— Vicomte Albéric de Saint-Antoine.

Je dois rendre cette justice au Mastard qu’il m’ennoblit souvent quant il a à me montrer. Et chaque fois je me demande si, ce faisant, c’est son propre blason ou bien le mien qu’il veut dorer en usant de ce mensonge.

La dame me donne sa main à baiser. Je m’en contente. Laissant volontiers la part du lion à mon pote.

— Je disais à maâme la marquise combien j’ sus facétiel et drôlatique, quand t’est-ce j’ m’y mets. Explique-z’y, c’t’ crise quand j’ m’en donne la peine ! Tenez, faut qu’ je vous bonnisse une histoire qu’ m’a racontée la comtesse de Paris à son dernier mâchon. C’est les fiançailles du grand Colas et de la Marie. Après la bouffe, à la ferme de la Marie, les deux amoureux vont se tripoter un chouïa déhors, tandis qu’ les vieux discutent lopins d’ terre en lichant la gnôle. Vous m’ suvez-t-il, marquise ? Moui ? Gigo ! Alors nos deux benêts se baladent dans un sentier. Ils passent d’vant un étron gros commak ! J’ vous mont’ regardez ! Commak ! Au moins !

« Y a le grand Colas qui fait : « Bongu ! pour un’ bell’ merde, c’t’ une belle merde ! » La Marie, elle, rougit et dit, toute confuse : « C’est moi qu’ j’ l’ai faite ! » Alors, le grand Colas s’écrille : « Bien chié pour un p’tit cul ! » Et il l’embrasse de fierté. » Ça n’ vous fait pas rigoler, marquise ? Pourtant, la comtesse d’ Paris, é s’étouffait en la racontant ! Ben, où qu’ tu vas, Sana ? J’ t’ai choqué ? Fais pas l’ bêcheur, j’ t’en prille : c’est pas la comtesse d’ Pantruche, c’est toi-même, personnell’ment, qui m’ l’a racontée. Souviens-toi-z’en ! La fois qu’on s’était fait tirer la tige par c’te soubrette de bistrot, en Sologne. Celle qu’avait des lunettes et un’ paire d’ miches larges comme un pétrin ! Bon, d’accord, écoute-moi pas, fais ton caprice ! Çui-là, quand le fichtre-foutre lui biche, j’ vous jure !

« Qu’est-ce que j’ voulais vous dire encore, marquise ? Ah ! oui. Un trognon d’ cervelas truffé, ça vous botterait-il-t-il ? Froid, bien sûr ! Mais je trouve qu’on s’anémite à claper leurs saloperies décalorifiées. J’ vous sens pâlichonne sous vos gravats, la mère ! V’nez donc jusque z’à mes appartes, que j’ vous r’fasse une santé. L’ corps, comme l’a dit Chose, c’t’ un instrument, quand t’est-ce y désaccorde, vous gadouillez dans la cacaphonie, ma pauv’ dame. Moi, voiliez-vous, j’ d’mande qu’à vous faire étinceler du trésor, s’l’ment je veuille qu’ vous soiliez t’apte à morfler les grands coups d’ rapière qu’ j’ mijote à votre attention. C’est pas av’c des cardons et des carottes à l’eau qu’ vous pouvez m’engranger l’ Nestor s’lon les règ’ de la bienaisance, ma chère. Moi, une bergère, faut du rend’ment. Les chipoteuses, cell’ qu’a d’ la peine à s’écarquiller les jambons, j’en fais cadeau aux moudubout… »

Le reste de cette puissante tirade m’échappe car je viens de quitter la salle à manger.

Pourquoi ?

Je vais t’y dire pour pas un franc de majoration, l’aminche : la demoiselle blonde et plate de la réception est venue parler aux deux monstres japonais, lesquels se sont dressés comme des pafs devant Raquel Welch.

Ils filent le dur à la donzelle, abandonnant leur jaffement pourtant odorant. Et moi, curieux comme un flic sioux sur le chantier de naguère, je filoche le duo à mon tour et à distance, ce qui est fort compatible.

Ces messieurs gagnent l’entrée (ce qui est un fort joli lot, une fois repeint et débarrassé des plantes vertes mélancoliques qui l’encimetièrent). Dans le hall se trouve une dame, peut-être pas japonouille en plein, mais qu’a vu le jour plus près de Tokyo que de La Varenne-Saint-Hilaire. Légèrement safranée, pommettes saillantes, yeux de constipée en plein effort. Cela dit, trêmement bioutifoule. Des formes, ce qui est rarissime chez les Asiates ; assez grande pour son âge, lingée d’un manteau de cuir noir à col de fourrure noir itou.

Les trois personnages s’abordent sans se saborder. Se mettent à se distribuer des courbettes. « Oh ! t’as de belles godasses ! » ; « Oh ! les tiennes sont pas dégueu non plus » ; « Mais c’est des Bally ! » ; « Non, c’est des Céline » ; « Elles sont en croco frileux ? » ; « Non, en autruche décapée » ;, etc. Quand ils se sont maté les pompes pendant lulure en vociférant des bouts de phrases, ils finissent par s’amorcer des lumbagos et se tiennent cois. Alors les lutteurs nippons entraînent la gosseline dans leur piaule, située à laitage du dessous. Bon, mézigue de foncer dans la crèche béruréenne. Je retapisse (contre le mur du voisin) un attaché-case noir, en matière plastique. Joue rapidos de la combinaison à chiffres, car je sais le code, qui est l’année de naissance de Line Renaud et, de ce fait, se termine par 89. L’open. Un écouteur est fixé au couvercle. Un magnéto vachement sophistiqué occupant la partie principale de la mallette, j’enclenche. Ça tourne. Je bitougne. La converse du trio se faufile dans mes cages à miel.

— Okika dékoné ! fait la fille.

— Bouré bouré rata tain ! répond l’un des lutteurs.

Qu’O.K., merci bien, m’sieurs-dames, je vais pas me farcir toute leur converse en jap, ce dialecte manquant à ma culture. Me contente de veiller au bon enregistrement de la chose. Ça tourne. Banco ! Je pressens que ça va être essentiel pour le développement de notre enquête.

Un mot au pesage, si tu es aux courses, ou au passage, si tu n’y es pas : un agent français du nom de Bambois[3] nous a avertis que deux terroristes nippons s’étaient glissés dans la troupe venue en France faire une exhibition de sumo, cet art plus ou moins martial et typiquement con et japonais. Bambois a indiqué à nos services la fausse identité des deux hommes en nous recommandant de les tenir à l’œil.

Or, quelle ne fut pas notre surprise de les voir quitter Paname, à peine qu’arrivés, pour ce canton suisse et venir se faire « soigner » dans un célèbre institut spécialisé dans la diététique de haut niveau.

Voulant en avoir le cœur net, nous y avons dépêché Béru sous prétexte d’une cure d’amaigrissement, tout à fait plausible dans son état. Mister Gras-Double s’est débrouillé pour poser un micro spécial, breveté par Mathias, dans la chambre des deux Japs. Le Gros a mené ses investigations avec la perspicacité que tu lui connais, et a appris que les deux monstres venaient à la clinique Rotberg non pas pour maigrir, comme leur effroyable obésité pourrait le donner à penser, mais pour engraisser ! Je répète, d’au cas qu’ t’aurais la berlue : pour en-grais-ser !

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3

Evidemment : l’agent Bambois ! Quel con, ce Sana !