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— La nouvelle se répand très vite, affirma Malin, mais ils ne paniquent pas. » Il avait l’air pensif. « Peut-être est-il inopportun pour l’heure de soulever le problème des élections que la présidente Iceni et vous-même leur avez promises, s’agissant de pourvoir aux fonctions politiques subalternes…

— Fichtrement inopportun, le coupa Drakon.

— Mais, mon général, vous devez savoir qu’un grand nombre des candidats à ces postes ont contacté les autorités locales pour les prier de les aider à maintenir le calme dans la population. »

De surprise, Drakon fronça les sourcils. « Ils en assument la responsabilité ? Même s’ils n’ont pas encore été élus et ne le seront peut-être jamais ?

— Manifestement, bon nombre de ces postulants ont déjà commencé à jouer le rôle de cadres au sein de la population, encore que de manière clandestine et illicite, répondit Malin. La possibilité de participer à d’authentiques élections a convaincu ces gens qui ne sont pas encore officiellement des dirigeants de se montrer à visage découvert.

— J’aurais dû m’y attendre », déclara Drakon. Cela étant, l’« authenticité » de ces élections était un problème dont Iceni et lui débattaient encore, mais même un truquage massif des votes ne serait que l’ombre de la farce qu’avaient été les élections syndics.

Malgré tout, offrir aux citoyens une réelle participation au gouvernement, fût-elle infime, avait déjà porté ses fruits. Du moins quelques-uns. Drakon baissa la tête. Il réfléchissait. « Veillez à consigner les noms de tous ceux qui proposent leur aide et à vérifier par la suite, quand cette affaire sera réglé, dans quelle mesure ils ont remporté des succès. » Il y avait de bonnes chances pour qu’ils fussent tous morts une fois cette affaire « réglée », mais prévoir ne peut jamais nuire, même quand ça paraît d’un optimisme démentiel.

Du coin de l’œil, Drakon vit Togo s’éloigner d’Iceni à reculons, tandis que son visage d’ordinaire impassible affichait une satisfaction bien peu typique de sa part. Quoi qu’il en fût, Togo acquiesça d’un hochement de tête à l’instruction qu’on venait de lui donner et quitta le centre de commandement.

Iceni balaya les alentours du regard, concentra son attention sur Drakon et le rejoignit d’un pas vif. Il ne manqua pas d’admirer sa démarche, et pas seulement parce que tout homme aurait pris plaisir à la regarder. Elle savait aussi très précisément comment en contrôler l’allure. Juste assez rapide pour transmettre une impression d’assurance et de décision, mais pas assez pressée toutefois pour éveiller appréhension, crainte ou incertitude.

Elle s’arrêta devant lui. Il émanait toujours d’elle la même confiance en soi, cependant son regard était interrogateur. « Resterez-vous dans le centre de commandement, général ?

— Oui. Vous aussi, ou bien entendez-vous restructurer votre modèle commercial ? » C’était une vieille plaisanterie, peut-être aussi ancienne que les Mondes syndiqués, une façon plus ou moins courtoise de demander à quelqu’un s’il s’apprêtait à plaquer ses associés pour réduire ses pertes.

Le regard d’Iceni ne vacilla pas. « Je crois que je vais rester. La restructuration ne me semble pas l’option la plus rentable pour le moment.

— Tandis que rester vous serait profitable ? s’enquit Drakon. Étrange projet commercial.

— Je ne gère pas une entreprise, répondit-elle d’une voix plus dure. Je suis responsable de… bien d’autres choses. Nous sommes ici aux premières loges pour assister aux événements et transmettre nos instructions à la kommodore Marphissa, dont les vaisseaux défendent notre système. » Iceni lança un regard à l’écran comme si la situation qui s’y affichait, si elle n’était guère prometteuse, offrait malgré tout quelques chances de survie.

Drakon se rapprocha d’un pas. « Méfiez-vous. Vous êtes très douée, mais, si les travailleurs vous voient afficher une trop grande assurance dans cette mauvaise passe, ils risquent de vous croire cinglée.

— J’aimerais leur faire croire que j’ai une arme secrète dans ma manche, répondit Iceni d’une même voix sourde.

— Est-ce exact ?

— Non. Mais vous, général ? »

Disait-elle vrai ? « Aucune à ma connaissance. La seule mesure rationnelle que nous pourrions prendre semble nous échapper à tous les deux. »

Iceni coula un regard en biais dans sa direction. « J’ai mes raisons. Quelle est la vôtre ? »

Il marqua une pause. « Nous avons passé un marché. »

Cette affirmation fit fugacement fleurir un sourire moqueur sur les lèvres d’Iceni. « Même vous n’y croyez pas, alors vous ne me ferez jamais avaler que c’est pour cela que vous restez. N’est-ce pas ce que vous m’avez dit juste avant que nous ne renversions le pouvoir syndic à Midway ?

— Quelque chose d’apparenté, en effet, concéda Drakon. Même si je décampais maintenant, mon salut ne serait ni facile ni garanti. J’aime autant ne pas mourir en me carapatant.

— Compte tenu de tout ce que j’ai appris sur vous entre-temps, c’est une raison à laquelle je peux souscrire. On vous a pourtant pressé d’essayer, j’imagine.

— Vous imaginez bien. Je crois que vous et moi avons déçu quelques-uns de nos subordonnés, Gwen. » Drakon venait d’abaisser sa garde, mais peu importait. Si Iceni devait le trahir, elle disposait à présent d’assez de munitions contre lui.

Elle sourit encore brièvement. « Il n’est pas dommage que les gens qui travaillent pour nous n’aient pas encore décidé de prendre les commandes, n’est-ce pas ? » Son sourire s’effaça en même temps qu’elle pointait l’écran de l’index. « Où croyez-vous qu’iront d’abord les Énigmas ?

— À leur place, j’irais directement au portail de l’hypernet. Maintenant que nous connaissons les dommages que peut provoquer l’effondrement d’un portail, ils doivent nécessairement s’en inquiéter. » Drakon hocha de nouveau la tête, plus lentement cette fois. « Nous avons bel et bien une arme secrète, voyez-vous. Peut-être pas si secrète que cela, mais assez méchante pour que, si jamais nous perdions, nous pourrions aussi les empêcher de gagner.

— En provoquant son effondrement ? » s’enquit Iceni d’une voix aussi désinvolte que si Drakon avait parlé de la pluie et du beau temps. Elle leva la main et tapota un des bracelets qui ornaient ses poignets. « Je peux en donner l’ordre à tout moment.

— Je sais.

— Bien sûr que vous le savez. Consciencieux comme je vous connais, découvrir si j’en avais les moyens était la première chose à faire, avant même que nous n’entreprenions notre rébellion. » Elle baissa le bras. « Cette instruction désarmerait le dispositif de sauvegarde et provoquerait un effondrement du portail engendrant une décharge d’énergie maximale. Selon les spécialistes responsables, d’une hauteur de 7 sur 10 sur l’échelle d’une nova. »

À 0,7 sur l’échelle d’une nova, il ne resterait plus grand-chose de Midway. Les planètes, peut-être, mais désormais ravagées et privées de leur atmosphère. L’étoile elle-même serait fortement déstabilisée. Astéroïdes et comètes seraient vaporisés ou précipités dans l’espace interstellaire.

Rien d’humain ne survivrait.

Mais il ne resterait rien non plus des Énigmas.

« Pensez-vous qu’ils nous croiraient si nous les en menacions ? demanda Drakon. Déguerpissez ou nous anéantissons le système ?

— Je suis bien certaine qu’ils nous croiraient capables d’exécuter cette menace, répondit Iceni. Nous sommes humains, après tout, et les hommes réagissent ainsi quand ils sont acculés. Mais ils pourraient aussi nous en empêcher. Les informations que nous a données l’Alliance, selon lesquelles ces portails seraient une technologie Énigma qu’ils auraient délibérément laissée fuiter, laissent entendre qu’ils en savent bien plus long que nous sur l’hypernet. Nous avons appris à leur interdire de provoquer l’effondrement des portails et d’anéantir des systèmes colonisés par l’homme, mais ils disposent peut-être encore d’un moyen occulte de nous empêcher de faire de même. »