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au secours. Nous sommes le parti de l'honneur et de la propreté. Et DEUXIÈME s. : Que fais-tu là, sinon ? Il a couché avec ta femme, ce sont les principes sacrés de l'ordre et de la famille que nous avons à défendre. Conjurés, accepterez-vous enfin que les sénateurs soient je crois.

contraints chaque soir de courir autour de la litière de César?

CHEREA : Il n'y a pas grand mal. Elle m'a dit qu'elle y avait pris du plaisir. (Un temps.) Lui aussi, selon toute probabilité.

LE VIEUX S. : Permettrez-vous qu'on les appelle « petite femme »

LE CHEVALIER : Si tu n'es pas avec nous, va-t'en. Mais tiens ta et qu'avec le doigt...

langue.

UNE voix : Qu'on leur enlève leur femme?

CHEREA : Mais je suis avec vous. Moi aussi, je veux que Caligula UNE AUTRE : Et leur argent?

soit tué.

Clameur générale : « Non ! »

UNE voix : Assez de bavardages.

DEUXIÈME S. : Cherea, tu as bien parlé. Tu as bien fait aussi de CHEREA (se redressant, soudain sérieux) : Oui, assez de bavardages.

nous calmer. Il est trop tôt pour agir. Le peuple aujourd'hui encore Je veux que les choses soient claires. Si j'avais la puissance de serait contre nous. Il n'est pas nécessaire de faire périr un bourreau Caligula, j'agirais comme lui puisque j'ai sa passion. Mais sur un s'il faut ensuite payer cette exécution de sa propre vie. Veux-tu point, je ne suis pas d'accord avec vous. Si Caligula est dangereux, guetter avec nous le moment de conclure ?

s'il vous fait la vie insupportable, ce n'est point par ses gestes CHEREA : Oui. Laissons continuer Caligula. Poussons-le dans obscènes, ses cruautés et ses assassinats. (Ambigu.) Mais c'est par cette voie. Organisons sa folie. Un jour viendra où il sera seul une passion plus haute et plus mortelle [qu'il ne faut pas craindre devant un Empire plein de morts ou de parents de morts.

d'appeler poésie],

Clameur générale. Trompettes au-dehors.

UNE VOIX : Qu'est-ce que c'est que cette histoire?

Silence, puis, de bouche en bouche, un nom : CHEREA : Cette histoire, bel anonyme, la voici. Par Caligula et

« Caligula ».

pour la première fois dans l'histoire, la pensée [la poésie] agit et le rêve rejoint l'action. Il fait ce qu'il rêve de faire. Il transforme sa PRIÈRE D'INSÉRER (1944)1

Avec Le Malentendu et Caligula, Albert Camus fait appel à la technique du théâtre pour préciser une pensée dont L'Étranger et Le Mythe de Sisyphe — sous les aspects du roman et de l'essai — avaient marqué les points de départ.

Est-ce à dire que l'on doive considérer le théâtre d'Albert Camus comme un « théâtre philosophique » ? Non — si l'on veut continuer à désigner ainsi cette forme périmée de l'art dramatique où l'action NOTES

s'alanguissait sous le poids des théories. Rien n'est moins « pièce à thèse » que Le Malentendu, qui, se plaçant seulement sur le plan tragique, répugne à toute théorie. Rien n'est plus « dramatique »

que Caligula, qui semble n'emprunter ses prestiges qu'à l'histoire.

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Mais la pensée est en même temps action et, à cet égard, ces 1. Sur le premier état du texte (manuscrit 1) figurait le titre : pièces forment un théâtre de l'impossible. Grâce à une situation (Le Désespoir de Caligula.

Malentendu) ou un personnage (Caligula) impossible, elles tentent de donner vie aux conflits apparemment insolubles que toute pensée Page 67.

active doit d'abord traverser avant de parvenir aux seules solutions 2. Sur les premiers états du texte (manuscrits 1 et 2) figurait le valables. Ce théâtre laisse entendre par exemple que chacun porte titre : Jeu de Caligula.

en lui une part d'illusions et de malentendu qui est destinée à être tuée. Simplement, ce sacrifice libère peut-être une autre part de Page 107.

l'individu, la meilleure, qui est celle de la révolte et de la liberté.

Mais de quelle liberté s'agit-il ? Caligula, obsédé d'impossible, tente 3. Sur le deuxième état du texte (manuscrit 2) figurait le titre : Divinité de Caligula.

d'exercer une certaine liberté dont il est dit simplement pour finir

« qu'elle n'est pas la bonne ». C'est pourquoi l'univers se dépeuple Page 170.

autour de lui et la scène se vide jusqu'à ce qu'il meure lui-même.

On ne peut pas être libre contre les autres hommes. Mais comment 4. Cette dernière phrase ne figurait pas sur les premiers états du peut-on être libre? Cela n'est pas encore dit.

texte. Elle a été rajoutée pendant la guerre.

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5. Ces deux dernières phrases ont été également rajoutées pendant la guerre.

1. Pour l'édition conjointe du Malentendu et de Caligula. Texte écrit par Camus, mais non signé (note de Roger Quiliiot pour l'édition de la Pléiade, p. 1744-1745).

Résumé

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veut le tuer parce qu'il le juge nuisible; sous ses yeux, Caligula détruit la preuve matérielle du complot (5, 6).

Acte IV. — Scipion révèle à Cherea qu'il ne pourra participer au complot contre Caligula, parce qu'une même flamme leur brûle le cœur (1, 2). Deux des patriciens, convoqués par Caligula, croient leur dernière heure venue, mais l'empereur les a seulement conviés à communier dans une émotion artistique (3, 4, 5). Hélicon RÉSUMÉ

revendique auprès de Cherea sa fidélité à l'empereur (6). Pour éprouver les réactions de son entourage, Caligula fait annoncer son agonie, puis sa mort (7, 8, 9, 10). Pour Cœsonia, ce sont ceux qui manquent d'âme qui ne peuvent supporter que l'empereur en ait trop (11). Un concours de poésie, tourné au grotesque par Acte /. — Caligula a quitté Rome depuis la mort de sa soeur et l'empereur, permet pourtant à Scipion d'exprimer son ressentiment maîtresse Drusilla et cette disparition trouble les patriciens (se. 1 et (12). Troublé, Caligula, demeuré seul avec Cœsonia, entend ses 2). De retour, Caligula révèle à son confident Hélicon qu'il était paroles de tendresse avant de l'étrangler, puis de constater que parti chercher la lune (3, 4). Caesonia, la « vieille maîtresse », et le

« tuer n'est pas une solution » (13). Seul face à son miroir, Caligula jeune Scipion sont impatients de revoir l'empereur (5, 6). Caligula attend, malgré l'ultime mise en garde d'Hélicon, les coups que expose son plan : exécuter les patriciens les plus riches et s'emparer viennent enfin lui porter les conjurés (14).

de leur fortune (7, 8, 9). Il congédie Cherea et Scipion (10), puis confie ses rêves les plus fous à Cœsonia (11).

Acte Il. — Plusieurs patriciens expriment entre eux leur sentiment de révolte contre Caligula (1). Cherea se déclare à leurs côtés, mais au nom de raisons différentes. Il veut pousser au bout de sa logique la folie de l'empereur (2). Caligula ridiculise et brutalise les patriciens (3, 4, 5), puis ordonne qu'on organise la famine parmi le peuple (6, 7, 8, 9). Il exécute Mereia, soupçonné de l'avoir soupçonné (10, 11). Scipion, dont le père fut naguère exécuté par Caligula, confie à Cœsonia son dessein de tuer l'empereur (12). Seul avec lui, il se laisse pourtant attendrir, puis lui déclare l'horreur qu'il lui inspire (13).

Acte III. — Caligula se fait adorer en Vénus (1). Il explique à Scipion qu'il n'est pas un tyran : il s'est seulement, par goût de l'art dramatique, changé en une figure du destin (2). Hélicon tente de l'entretenir du complot qui menace sa vie, mais Caligula s'entête à ne parler que de la lune (3). Le « vieux patricien », à son tour, lui révèle par lâcheté l'existence du complot, mais Caligula tourne son aveu à sa confusion (4). Cherea lui annonce tranquillement qu'il Préface de Pierre-Louis Rey 7