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Holly surgit en courant au bout du sentier.

« Dieu merci ! s’exclame-t-elle. Vous êtes là ! Où est Bellamy ?

— Là-bas, dans le sous-sol, répond Hodges. Et s’il est pas encore mort, il doit espérer l’être vite. T’as ton portable sur toi ? Appelle les pompiers.

— Est-ce que maman va bien ? demande Pete.

— Je crois qu’elle est tirée d’affaire », lui dit Holly en décrochant son téléphone de sa ceinture. « L’ambulance l’a emmenée à Kiner Memorial. D’après les médecins urgentistes, ses signes vitaux étaient bons.

— Seigneur, merci », dit Pete. Maintenant, c’est lui qui se met à pleurer, ses larmes traçant des sillons clairs sur ses joues barbouillées de suie. « Si elle était morte, je me serais tué. Parce que tout ça, c’est de ma faute.

— Non », lui dit Hodges.

Pete le regarde. Tina le regarde aussi, ses bras toujours refermés autour du cou de son frère.

« T’as trouvé l’argent et les carnets, c’est bien ça ?

— Oui. Par hasard. Ils étaient enterrés dans une malle au bord du ruisseau.

— Ce que tu as fait, tout le monde l’aurait fait, dit Jerome. C’est pas vrai, Bill ?

— Si, affirme l’intéressé. Pour sa famille, on fait tout ce qu’il est possible de faire. Comme tu l’as fait en prenant Bellamy en chasse lorsqu’il a enlevé Tina.

— J’aurais préféré ne jamais trouver cette malle », dit Pete.

Ce qu’il ne dit pas, ne dira jamais, c’est à quel point ça lui fait mal de savoir que les carnets n’existent plus. Ça le brûle comme du feu de savoir ça. Il comprend parfaitement ce qu’a pu éprouver Morris, et ça aussi, ça brûle comme du feu.

« J’aurais préféré qu’elle reste enterrée. Si seulement je l’avais jamais trouvée…

— Avec des si, dit Hodges, on referait le monde. Allons-y. J’ai besoin d’appliquer de la glace avant que ça n’enfle trop.

— Avant que quoi n’enfle ? » s’enquiert Holly.

Hodges passe un bras autour de ses épaules. Parfois, Holly se raidit quand il fait ça, mais aujourd’hui non, alors il pose aussi un baiser sur sa joue. Lequel baiser fait naître un sourire hésitant sur ses lèvres.

« Est-ce qu’il t’a frappé là où ça fait mal aux garçons ?

— Oui. Maintenant, chut. »

Ils marchent lentement, en partie pour ménager Bill, en partie pour ménager Pete. Sa sœur commence à peser mais il ne veut pas la lâcher. Il veut la porter jusqu’à la maison sans s’arrêter.

APRÈS

PIQUE-NIQUE

C’est le vendredi qui ouvre les festivités du long week-end de Labor Day[19]. Une Jeep Wrangler — plus de la première jeunesse mais toujours chérie de son propriétaire — entre sur le parking des terrains de Petite Ligue du stade McGinnis et s’arrête à côté d’une Mercedes bleu layette, plus toute jeune elle non plus. Jerome Robinson met pied à terre et descend la pelouse vallonnée en direction d’une table de pique-nique déjà garnie de nourriture. Il balance un sac en papier au bout de son bras.

« Hey, Hollyberry ! »

Elle se retourne.

« Combien de fois t’ai-je dit de ne pas m’appeler comme ça ? Cent ? Mille ? »

Mais elle sourit en disant ça, et, quand il la serre contre lui, elle lui rend son étreinte. Jerome n’insiste pas, cependant : il la relâche bien vite et demande ce qu’il y a à manger.

« Salade de poulet, salade de thon et salade de chou. J’ai aussi apporté un sandwich au rosbif. Pour toi. Si tu le veux. Moi, j’ai arrêté la viande rouge. Ça perturbe mon rythme circadien.

— Alors, si je peux t’éviter d’être tentée… »

Ils s’assoient. Holly leur sert du Snapple dans des verres en carton. Ils trinquent à la fin de l’été puis attaquent les victuailles, parlant de tout et de rien, de films et de séries télé, évitant pour le moment la raison qui les a conduits ici : ce n’est qu’un au revoir, temporaire certes, mais un au revoir tout de même.

« Dommage que Bill n’ait pas pu venir, dit Jerome alors que Holly lui tend un morceau de tarte au chocolat. Tu te souviens quand on s’est tous retrouvés ici pour pique-niquer après son audition ? Pour fêter sa relaxe par la juge d’instruction ?

— Je m’en souviens parfaitement bien, dit Holly. Tu voulais qu’on vienne en bus !

— Le bus c’était gwatuit, m’zel’ Holly ! s’exclame Tyrone Feelgood. Moi y en a vouloi’ tout ça là gwatuit !

— Change de disque, Jerome. Celui-là est usé. »

Jerome soupire.

« Ouais, c’est clair.

— Bill a reçu un appel de Peter Saubers, explique Holly. C’est pour ça qu’il n’a pas pu venir. Il m’a dit de te transmettre son amitié et de te dire qu’il te verra avant que tu repartes à Cambridge. Essuie-toi le nez. Tu as une tache de chocolat dessus. »

Jerome résiste à l’envie de lancer : Moi y en a pwéféwer couleu’ chocolat !

« Pete va bien ?

— Oui. Il avait une bonne nouvelle à annoncer à Bill de vive voix. J’arrive pas à finir ma tarte, j’en ai trop. Tu la veux ? Sauf si ça t’embête de manger mes restes. Je comprendrais très bien, mais je suis pas enrhumée, ni rien.

— J’utiliserais même ta brosse à dents s’il le fallait, lui dit Jerome, mais je suis repu.

— Beuuh, dit Holly. Moi, j’utiliserais jamais la brosse à dents de quelqu’un d’autre. »

Elle ramasse leurs verres et assiettes en carton et va les jeter dans la poubelle la plus proche.

« Tu pars à quelle heure demain matin ? demande Jerome.

— Le soleil se lève à six heures quarante-cinq. Je compte avoir décollé à sept heures trente au plus tard. »

Holly part en voiture à Cincinnati voir sa mère. Toute seule. Jerome a du mal à y croire. Il est content pour elle, mais il a peur aussi. Que se passera-t-il en cas de pépin, si elle panique ?

« Arrête de t’inquiéter, lui dit-elle quand elle vient se rasseoir. Tout ira bien. C’est que de l’autoroute, pas de conduite de nuit et la météo annonce un temps clair. Et puis j’emporte les CD de mes trois musiques de film préférées : Les Sentiers de la perdition, Les Évadés et Le Parrain 2. Cette BO étant la mieux, à mon humble avis, même si Thomas Newman est dans l’ensemble largement meilleur que Nino Rota. La musique de Thomas Newman est mystérieuse.

— John Williams, La Liste de Schindler, dit Jerome. Y a rien au-dessus.

— Jerome, je voudrais pas dire que tu dis que des conneries… mais je le dis. »

Jerome rigole, ravi.

« J’aurai mon portable et mon iPad, batterie chargée au max. La Mercedes sort de la révision. Et vraiment, ça fait que six cents kilomètres.

— Super. Mais surtout, appelle en cas de besoin. Moi ou Bill.

— Évidemment. Quand repars-tu à Cambridge ?

— La semaine prochaine.

— Tu as terminé sur les quais ?

— Terminé, et je suis bien content de passer à autre chose. Le travail physique, c’est peut-être bon pour le corps, mais je crois pas que ça ennoblisse l’âme. »

Holly a encore du mal à soutenir le regard des gens — même de ses amis les plus proches — mais aujourd’hui elle fait un effort et soutient le regard de Jerome.

« Pete va bien, Tina va bien, leur mère est de nouveau sur pied. Tout ça, c’est parfait, mais Bill, est-ce qu’il va bien, lui ? Dis-moi la vérité.

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19

Premier lundi de septembre aux États-Unis.