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Et si on considère les dates, il faut se souvenir que c’est aux élections de 1948 qu’une majorité favorable à l’apartheid est arrivée au pouvoir, et que c’est de 1948 à 1952 que les mesures les plus contraignantes de l’apartheid ont été mises en place, ce que n’ignorait pas François Bordes.

Alors, Nérat = Afrique du Sud ?

IV. Conclusion

La réalité est, comme toujours, complexe. D’abord il ne faut pas oublier que Nérat, et la situation sur Nérat, sont une œuvre d’imagination. Mais, et c’est vrai, l’imagination se nourrit de ce qu’a vécu l’auteur, ou de ce qu’il connaît par ses lectures. Même quand un auteur de science-fiction pense créer un monde ex nihilo, il ne peut empêcher que son expérience passé l’influence.

Pour « Ce monde est nôtre », Indochine et Afrique du Sud ont joué un rôle majeur dans la construction de la situation sur Nérat. Mais ce ne sont pas les seuls événements de l’Histoire du Monde qui sont intervenus dans cette création. Actuellement, sur la planète Terre, il y a peu de peuples qui vivent sur un territoire dont ils peuvent dire qu’ils ont été « vraiment » les premiers occupants, dont leurs ancêtres lointains ou proches n’ont pas chassé, réduit en esclavage, exterminé ou assimilé une population qui les y avait précédé. Et les situations où plusieurs peuples revendiquent une même portion de la Terre, chacun clamant : « Cette terre est nôtre » en ayant des arguments non-méprisables à faire valoir, ne sont pas si rares que ça dans l’Histoire.

Francis Carsac n’a jamais nié que son roman a, en un sens, un rapport avec ces situations, toutes ces situation, passées, présentes et futures ; et donc qu’il a un rapport, « a à voir », en ce sens avec le drame algérien. Mais il « a à voir » avec ce que le drame algérien avait d’universel, et non de spécifique. Par contre, ce que Francis Carsac a toujours nié, parce que c’était faux et qu’il s’estimait bien placé pour savoir que c’était faux, c’est que le drame algérien ait inspiré « Ce monde est nôtre ». Ce refus, que certains ont pris pour une coquetterie, d’« admettre » que l’Algérie était à la source de « Ce monde est nôtre », c’était celui du scientifique qui ne peut pas admettre quelque chose qu’il sait faux ! Quand il a conçu le roman, quand il a commencé à l’écrire, il n’a pas une seconde pensé à l’Algérie. Bien sûr, quand en 1959 il écrivait la deuxième moitié, il a certainement pensé aux événements qui se déroulaient à ces moments mêmes de l’autre côté de la Méditerranée. Il lui eut été difficile de faire autrement ! Mais ces événements – ou plutôt la connaissance qu’il eût de ces événements – n’eurent aucune influence sur la transcription qu’il faisait du récit qu’il avait « en tête » depuis sa gestation, depuis 1952. Ils n’ont pas changé le cours de l’histoire qu’il écrivait, ni influé sur la conclusion.