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Me voici harnaché. Dûment.

Demande au portier où se trouve le quartier de Mandibüle Krackziboume. Puis vais dégager ma tire de location du parkinge de l’hôtel. Une Saab noire scarabesque d’aspect.

La circulance est en train de se calmer dans Amsterdam où les marins, faut-il te le répéter, pissent comme je pleure. Je me repère et n’ai aucun mal à dégauchir le Miss Victis. Un bar d’angle, feutré, façade laquée noire avec l’enseigne tracée en belles anglaises blanches. Les vitres sont dépolies et agrémentées de motifs romantiques. Je visionne les abords et jette mon dévolu des grands soirs sur une place de stationnement permettant d’observer les allées et venues. Cela fait, je m’accagnarde de mon mieux derrière mon volant de manière à me rendre le moins visible qu’il se puisse. Attendre et voir. Je sens, je sais qu’il va se passer des choses. Je le veux ! Alors il se passera quelque chose.

Je regarde déambuler des Hollandais devant les maisons douillettes. Ces gens-là ont un sens hypertrophié du confort. Ils aiment loger dans des écrins. Leurs habitations sont moelleuses, pimpantes, fleuries, capitonnées. Il y a des housses sur les théières et même sur les œufs-coque. Des feux de cheminée dans chaque salon. Des coussins, des pompons. Tu te crois partout dans la loge de Sarah Bernhardt. Ils emmitouflent leur connerie, si tu vois. La dorlotent.

Des minutes passent.

Je pense au Gros, perforé, sur un lit d’hôpital. J’espère que le président aura fait le nécessaire et qu’il sera bien soigné. Qu’on le sauvera.

Au bout d’une demi-heure, une bagnole se pointe, grosse BMW bleue avec trois personnes à son bord. Elle cherche une place. Avant qu’elle ne l’ait trouvée, un homme descend de la tire. Je le reconnais : il s’agit d’un des sbires chargés naguère de veiller sur la sécurité de feu Hans Bergens, l’albinos trapu et pâle, au nez cassé, aux oreilles de chourineur.

« Ça boume, ça boume » exulté-je dans ma Ford intérieure ; oh ! là là ! ce que ça boume admirablement bien ! »

L’un des dividus (ce pauvre Béru dixit) pénètre dans le Miss Victis. La BMW finit par trouver une place devant une porte kascher et s’y incruste. Les occupants demeurés à l’intérieur ne bronchent pas.

Une cinquantaine de minutes s’écoulent ; Nez-cassé ressort du Miss Victis. Le driver de la BMW se signale par un infime coup de klaxon manière d’attirer son attention et le vilain rejoint sa base. Aussitôt après, la secrétaire au cul carré et au teint jaunâtre quitte le véhicule pour, à son tour, gagner le bar. C’est, je t’en préviens, avec elle que Mathias a rendez-vous.

Ça va être au célèbre commissaire Cent Ans du Tonneau d’agir. Promptitude et scélératesse, comme le dit encore si volontiers Alexandre-Benoît Ier, dit le Gros, roi des cons par voie héréditaire.

Je sors de ma vague un petit appareil gros comme un vaporisateur de sac pour l’excellente raison que c’en est un. Je quitte ma tire, remonte le col de mon imper et, d’une démarche nonchalante, me dirige vers l’auto bleue. Parvenu à sa hauteur je flanque un coup de périscope à la ronde. Nonobstant un couple dans le lointain et une jeune fille qui s’éloigne, la voie est libre. D’un geste preste je délourde la porte arrière de la BMW et, en me retenant de respirer, je vaporise l’intérieur du véhicule copieusement. L’un des deux gars assis à l’avant veut sortir et délourde ; d’un coup de hanche, je l’emplâtre. Il est renvoyé dans ses foyers sans douceur. L’a le temps de bieurler un grand coup avant de s’endormir biscotte, figure-toi que ses doigts sont restés à l’extérieur. Juste la moitié de ses salsifis, note bien, et encore pas le pouce. Ça fait tout drôle ces quatre griffes qui se dressent hors de la voiture.

Je relourde la portière arrière après une nouvelle seringuée pour faire bonne mesure. Une invention de Mathias, ce gaz soporifique. Une forte inhalation de ce gadget et t’en as pour deux plombes à roupiller comme un sénateur en séance de nuit. Les chérubins dorment joliment, épaule contre épaule. Etant plutôt perfectionniste de nature, je crève leurs deux pneus droits ; puis, peinardos, retourne à ma tuture.

Première partie de l’opération accomplie sans bavures. Le couple qui déambulait passe devant la BMW et n’accorde aucune attention aux deux dormeurs du val.

J’attends en faisant tourner mon moulin pour pouvoir déboîter en trombe.

Dix minutes encore, et la porte du Miss Victis s’ouvre sur la secrétaire et Mathias.

Ce qu’ils se disent ? Je n’en ai pas la moindre idée. La gonzesse louche sur la BMW, s’attendant probablement à voir intervenir ses potes. Comme rien ne se produit, elle se met en marche sur une avenue déserte, toujours escortée de Mathias. Elle jette de furtifs coups de périscope par-dessus son épaule. « Putain, se dit la chère dame, mais qu’est-ce qu’ils foutent, ces deux branques de mes fesses[8] ! »

Alors c’est une fois de plus messire Moi-Même qui entre en piste.

Décarrade éclair. Je parviens au niveau du couple. Freine sec, jaillis. Mes poucettes ! Tu verrais ça, Anna ! On devrait un jour faire un concours de passage de menottes chez les archers de la Femme sans tête. Toujours des concours de tir, style Buffalo Bill, classe à la longue ! Mais jamais de poucettes ! A celui qui met le moins de temps pour alpaguer une personne qui ne s’y attend pas. Ma technique ? Jure-moi que tu la répéteras pas ! Tu jures ? Je sais que tu ne tiendras pas parole, mais je m’en branle. Alors bon, je t’explique. Ce qui est indispensable pour agrafer les bracelets à crémaillère, c’est d’avoir les deux poignets de l’intéressé à dispose : bonne hauteur, rapprochés, tout bien. Ça se conçoit fastoche, non ? Tu te précipites sur lui en tenant une boucle prête dans ta main droite. Tu le menaces de ton poing gauche. Surpris, que fait-il ? Il lève ses bras pour se protéger la frite. Alors toi, tu profites de ce qu’il tient sa garde pour, clic ! Et d’un !.. Re-clic ! Et de deux ! Je te montrerai un jour que tu viendras tirer un coup à la maison, chérie.

La secrétaire jaunasse, je ne mets pas plus de deux secondes pour la neutraliser. Mathias a déjà déponné la portière arrière et la pousse à l’intérieur. Il monte à sa suite. Je reprends ma place. La gonzesse a un sursaut pour mater par la lucarne arrière.

— Non, ma belle, lui lancé-je, ils ne viendront pas à la rescousse : ces deux vilains méchants dorment comme des chatons dans un panier.

J’enfonce l’accélérateur et on trace le long de l’avenue.

— Fouille le sac de madame ! ordonné-je à Mathias.

Il s’empare de la sacoche de cuir que la fille portait à l’épaule et dresse à haute voix la liste de son inventaire.

— Un tube de rouge à lèvres ; un poudrier… (un temps), mais il contient du poivre moulu ; une boîte de Tampax, très lourde car il y a un pistolet extra-plat à l’intérieur ; un briquet — non il s’agit d’un vaporisateur ! un paquet de cigarettes marque Marlboro… Attendez… Parmi les cigarettes en question se trouvent deux petites sarbacanes qui, je suppose, doivent expédier des fléchettes empoisonnées ; un trousseau de clés. Un porte-cartes avec ses papiers d’identité. La demoiselle s’appelle Elsi Van Tauzensher, née à Fromtobock, demeurant…

Je n’écoute déjà plus. Ma moulinette farceuse s’emballe. C’est très bien d’avoir la môme à dispose ; mais où la conduire pour pouvoir recueillir ses confidences en toute tranquillité ? Dans cette tire, on est un peu à l’étroit. Aller chez elle serait trop risqué. J’ignore si elle vit seule, de plus des gars de son équipe peuvent venir la visiter.

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8

Certes, elle se dit cela en néerlandais, ce qui en atténue l’intensité, mais ça ne l’en inquiète pas moins.

San-A.