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Vous serez en outre étonnés de découvrir dans l'analyse des rêves, et spécialement dans celle des vôtres, l'importance inattendue que prennent les impressions des premières années de l'enfance. Par le rêve, c'est l'enfant qui continue à vivre dans l'homme, avec ses particularités et ses désirs, même ceux qui sont devenus inutiles. C'est d'un enfant, dont les facultés étaient bien différentes des aptitudes propres à l'homme normal, que celui-ci est sorti. Mais au prix de quelles évolutions, de quels refoulements, de quelles sublimations, de quelles réactions psychiques, cet homme normal s'est-il peu à peu constitué, lui qui est le bénéficiaire – et aussi, en partie, la victime – d'une éducation et d'une culture si péniblement acquises!

J'ai encore constaté, dans l'analyse des rêves (et je tiens à attirer votre attention là-dessus), que l'inconscient se sert, surtout pour représenter les complexes sexuels, d'un certain symbolisme qui, parfois, varie d'une personne à l'autre, mais qui a aussi des traits généraux et se ramène à certains types de symboles, tels que nous les retrouvons dans les mythes et dans les légendes. Il n'est pas impossible que l'étude du rêve nous permette de comprendre à leur tour ces créations de l'imagination populaire.

On a opposé, à notre théorie que le rêve serait la réalisation d'un désir, les rêves d'angoisse. Je vous prie instamment de ne pas vous laisser arrêter par cette objection. Outre que ces rêves d'angoisse ont besoin d'être interprétés avant qu'on puisse les juger, il faut dire que l'angoisse en général ne tient pas seulement au contenu du rêve, ainsi qu'on se l'imagine quand on ignore ce qu'est l'angoisse des névrosés. L'angoisse est un refus que le «moi» oppose aux désirs refoulés devenus puissants; c'est pourquoi sa présence dans le rêve est très explicable si le rêve exprime trop complètement ces désirs refoulés.

Vous voyez que l'étude du rêve se justifierait déjà par les éclaircissements qu'elle apporte sur des réalités qui, autrement, seraient difficiles à comprendre. Or, nous y sommes parvenus au cours du traitement psychanalytique des névroses. D'après ce que nous avons dit jusqu'ici, il est facile de voir que l'interprétation des rêves, quand elle n'est pas rendue trop pénible par les résistances du malade, conduit à découvrir les désirs cachés et refoulés, ainsi que les complexes qu'ils entretiennent. Je peux donc passer au troisième groupe de phénomènes psychiques dont tire parti la technique psychanalytique.

Ce sont tous ces actes innombrables de la vie quotidienne, que l'on rencontre aussi bien chez les individus normaux que chez les névrosés et qui se caractérisent par le fait qu'ils manquent leur but: on pourrait les grouper sous le nom d'actes manqués. D'ordinaire, on ne leur accorde aucune importance. Ce sont des oublis inexplicables (par exemple l'oubli momentané des noms propres), les lapsus linguae, les lapsus calami, les erreurs de lecture, les maladresses, la perte ou le bris d'objets, etc., toutes choses auxquelles on n'attribue ordinairement aucune cause psychologique et qu'on considère simplement comme des résultats du hasard, des produits de la distraction, de l'inattention, etc. À cela s'ajoutent encore les actes et les gestes que les hommes accomplissent sans les remarquer et, à plus forte raison, sans y attacher d'importance psychique: jouer machinalement avec des objets, fredonner des mélodies, tripoter ses doigts, ses vêtements, etc.. Ces petits faits, les actes manqués, comme les actes symptomatiques et les actes de hasard, ne sont pas si dépourvus d'importance qu'on est disposé à l'admettre en vertu d'une sorte d'accord tacite. Ils ont un sens et sont, la plupart du temps, faciles à interpréter. On découvre alors qu'ils expriment, eux aussi, des pulsions et des intentions que l'on veut cacher à sa propre conscience et qu'ils ont leur source dans des désirs et des complexes refoulés, semblables à ceux des symptômes et des rêves. Considérons-les donc comme des symptômes; leur examen attentif peut conduire à mieux connaître notre vie intérieure. C'est par eux que l'homme trahit le plus souvent ses secrets les plus intimes. S'ils sont habituels et fréquents, même chez les gens sains qui ont réussi à refouler leurs tendances inconscientes, cela tient à leur futilité et à leur peu d'apparence. Mais leur valeur théorique est grande, puisqu'ils nous prouvent l'existence du refoulement et des substituts, même chez des personnes bien portantes.

Vous remarquerez déjà que le psychanalyste se distingue par sa foi dans le déterminisme de la vie psychique. Celle-ci n'a, à ses yeux, rien d'arbitraire ni de fortuit; il imagine une cause particulière là où, d'habitude, on n'a pas l'idée d'en supposer. Bien plus: il fait souvent appel à plusieurs causes, à une multiple motivation, pour rendre compte d'un phénomène psychique, alors que d'habitude on se déclare satisfait avec une seule cause pour chaque phénomène psychologique.

Rassemblez maintenant tous les moyens de découvrir ce qui est caché, oublié, refoulé dans la vie psychique: l'étude des associations qui naissent spontanément dans l'esprit du malade, celle de ses rêves, de ses maladresses, actes manqués, actes symptomatiques de toute sorte, ajoutez-y l'utilisation d'autres phénomènes qui se produisent pendant le traitement psychanalytique et sur lesquels je ferai plus tard quelques remarques quand je parlerai du transfert, vous conclurez avec moi que notre technique est déjà assez efficace pour ramener à la conscience les éléments psychiques pathogènes et pour écarter les maux produits par la formation de symptômes-substituts. Nous voyons, et nous nous en félicitons, que nos efforts thérapeutiques ont encore pour conséquence d'enrichir nos connaissances théoriques sur la vie psychique, normale et pathologique.

Je ne sais si vous avez eu l'impression que la technique dont je viens de vous décrire l'arsenal est particulièrement difficile. Je crois qu'elle est tout à fait appropriée à son objet. Pourtant, cette technique n'est pas évidente d'elle-même; elle doit être enseignée, comme la méthode histologique ou chirurgicale. Vous serez peut-être étonnés d'apprendre que nous l'avons entendu juger par une quantité de personnes qui ne savent rien de la psychanalyse, qui ne l'emploient pas et qui poussent l'ironie jusqu'à exiger que nous leur prouvions l'exactitude de nos résultats. Il y a certainement, parmi ces adversaires, des gens qui ont l'habitude de la pensée scientifique; qui, par exemple, ne repousseraient pas les conclusions d'une recherche au microscope parce qu'on ne pourrait pas les confirmer en examinant la préparation anatomique à l'œil nu, et qui, en tout cas, ne se prononceraient pas avant d'avoir considéré eux-mêmes la chose au moyen du microscope. Mais la psychanalyse, il est vrai, est dans une situation spéciale, qui lui rend plus difficile d'obtenir l'approbation. Que veut le psychanalyste, en effet? Ramener à la surface de la conscience tout ce qui en a été refoulé. Or, chacun de nous a refoulé beaucoup de choses que nous maintenons peut-être avec peine dans notre inconscient. La psychanalyse provoque donc, chez ceux qui en entendent parler, la même résistance qu'elle provoque chez les malades. C'est de là que vient sans doute l'opposition si vive, si instinctive, que notre discipline a le don d'exciter. Cette résistance prend du reste le masque de l'opposition intellectuelle et enfante des arguments analogues à ceux que nous écartons chez nos malades au moyen de la règle psychanalytique fondamentale. Tout comme chez eux, nous pouvons aussi constater chez nos adversaires que leur jugement se laisse fréquemment influencer par des motifs affectifs, d'où leur tendance à la sévérité. La vanité de la conscience, qui repousse si dédaigneusement le rêve par exemple, est un des obstacles les plus sérieux à la pénétration des complexes inconscients; c'est pourquoi il est si difficile de persuader les hommes de la réalité de l'inconscient et de leur enseigner une nouveauté qui contredit les notions dont s'est accommodée leur conscience.