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Toutes les souris furent d'accord pour dire que c'était un beau mariage.

Vendredi

– C'est inouï combien de gens d'un certain âge voudraient m'avoir auprès d'eux, dit Ole Ferme-l'oeil, surtout ceux qui ont quelque chose à se reprocher.» Mon bon petit Ole, me disent-ils, nous ne pouvons nous endormir et toute la nuit nous sommes là à voir défiler nos mauvaises actions qui comme d'affreux petits démons s'asseyent sur notre lit et nous aspergent d'eau bouillante. Ne voudrais-tu pas venir les chasser que nous puissions dormir d'un bon somme?» Ils soupirent et ajoutent tout bas: «Nous te paierons bien. Bonsoir Ole, l'argent est sur le bord de la fenêtre». Mais je ne fais pas ça pour de l'argent, terminait Ole Ferme-l'oeil.

– Qu'est-ce qui va arriver cette nuit? demanda Hjalmar.

– Eh bien! je ne sais pas si tu as envie de venir encore ce soir à un mariage d'un tout autre genre que celui d'hier. La grande poupée de ta soeur, celle qui a l'air d'un homme et qu'on appelle Hermann va épouser la poupée Bertha, c'est d'ailleurs l'anniversaire de la poupée, il y aura donc beaucoup de cadeaux.

– Oui, je connais ça! dit Hjalmar, quand les poupées ont besoin de robes neuves, ma soeur décide que c'est leur anniversaire ou qu'elles se marient. C'est arrivé plus de cent fois.

– Oui, mais cette nuit, c'est le cent unième mariage et quand le cent unième est terminé, tout est fini. C'est pourquoi celui-ci sera splendide. Regarde un peu!

Hjalmar regarda vers la table, la petite maison de carton était là avec ses fenêtres éclairées et tous les soldats de plomb présentaient armes. Les couples de fiancés étaient assis par terre, le dos appuyé au pied de la table, très songeurs, et ils avaient sans doute pour cela de bonnes raisons. Ole Ferme-l'oeil, vêtu de la jupe noire de grand-mère, les bénit. Après la bénédiction tous les meubles de la chambre entonnèrent la jolie chanson que voici, écrite par le crayon sur l'air de la retraite:

Notre chanson arrive comme le ventSur le couple nuptial dans la chambreTous deux raides comme des baguettesIls sont faits de peau de gantsBravo, bravo pour la peau et les baguettesNous le chantons à tous les vents.

Puis on leur offrit tous les cadeaux, ils avaient demandé qu'il n'y eût rien de comestible car leur amour leur suffisait.

– Allons-nous rester dans le pays ou voyager à l'étranger? demanda le marié. Ils prirent conseil de l'hirondelle qui avait beaucoup voyagé et de la vieille poule de la basse-cour qui avait couvé cinq fois des poussins.

L'hirondelle parla des pays chauds où le raisin pend en grandes et lourdes grappes, où l'air est doux et où les montagnes ont des couleurs qu'on ne connaît pas du tout ici.

– Mais ils n'ont pas nos choux verts, dit la poule. J'ai passé un été à la campagne avec mes poussins, il y avait un coin de gravier où nous pouvions gratter, et puis il y avait une sortie vers un potager plein de choux verts. Oh! qu'ils étaient verts. Je ne peux rien m'imaginer de plus beau.

– Mais un chou est pareil à un autre, dit l'hirondelle, et puis il fait souvent si mauvais temps ici.

– Oui mais on y est bien habitué.

– Et puis il fait froid, on gèle ici.

– Cela fait beaucoup de bien au chou. D'ailleurs, il arrive que nous ayons chaud. Il y a quatre ans, nous avons eu un été qui a duré cinq semaines où il faisait si chaud qu'on suffoquait. Et puis, nous n'avons pas de ces bêtes venimeuses qu'ils ont là-bas et nous n'avons pas de brigands. C'est une honte de ne pas trouver notre pays le plus beau du monde. Vous ne mériteriez pas d'y vivre.

– Moi aussi, j'ai voyagé. J'ai fait plus de douze lieues en voiture, dans un panier, et je vous assure qu'un voyage n'a rien d'agréable.

– La poule est une femme raisonnable, dit la poupée Bertha. Moi non plus je n'aime pas voyager dans les montagnes pour monter et descendre tout le temps! Nous allons tout simplement nous installer là-bas sur le gravier et nous nous promènerons dans le jardin aux choux.

Et on en resta là.

Samedi

– Vas-tu me raconter des histoires maintenant? dit le petit Hjalmar.

– Nous n'avons pas le temps ce soir, dit Ole en ouvrant au-dessus du petit son plus beau parapluie. Regarde ces Chinois!

Et tout le parapluie ressemblait à une grande coupe chinoise ornée d'arbres bleus et de ponts arqués sur lesquels des petits Chinois hochaient la tête.

– Il faut que le monde entier soit astiqué pour demain, dit encore Ole, car c'est dimanche. Mon plus grand travail sera de descendre toutes les étoiles pour les astiquer aussi. Je les prends toutes dans mon tablier mais il faut d'abord les numéroter et mettre le même chiffre dans les trous où elles sont fixées là-haut afin de les remettre à leur bonne place.

– Non, écoutez Monsieur Ferme-l'oeil, vous exagérez, s'écria un portrait accroché sur le mur contre lequel dormait le petit garçon. Je suis l'arrière grand-père de Hjalmar. Merci de lui raconter des histoires, mais vous ne devriez pas lui fausser ses notions. On ne peut pas décrocher les étoiles et les polir.

– Merci à toi, vieil arrière-grand-père, mais moi je suis encore plus ancien que toi, je suis un vieux païen, les Romains et les Grecs m'appelaient le dieu des Rêves. J'ai toujours fréquenté les plus nobles maisons et j'y vais encore; je sais parler aux petits et aux grands! Tu n'as qu'à raconter à ton idée maintenant.

Ole Ferme-l'oeil partit là-dessus en emportant son parapluie.

Dimanche

– Bonsoir, dit Ole Ferme-l'oeil, et Hjalmar le salua, puis il se leva et retourna contre le mur le portrait de l'arrière-grand-père afin qu'il ne prît pas part à la conversation comme la veille.

– Voilà! tu vas me raconter des histoires, celle des «Cinq pois verts qui habitaient la même cosse», celle de «l'Os de coq qui faisait la cour à l'os de poule», celle de «l'Aiguille à repriser si fière d'elle-même qu'elle se figurait être une aiguille à coudre».

– Il ne faut pas abuser des meilleures choses! dit Ole Ferme-l'oeil, je vais plutôt te montrer quelqu'un; je vais te montrer mon frère, il s'appelle aussi Ole Ferme-l'oeil mais ne vient jamais plus d'une fois chez quelqu'un et quand il vient, il le prend avec lui sur son cheval et il raconte: oh! quelles histoires! Il n'en sait que deux: une si merveilleusement belle que personne au monde ne pourrait l'imaginer, une si affreuse et si cruelle-impossible de la décrire.

Et puis il éleva dans ses bras le petit Hjalmar jusqu'à la fenêtre et lui dit:

– Regarde! voilà mon frère, l'autre Ole Ferme-l'oeil qu'on appelle aussi la Mort. Tu vois, il n'a pas du tout l'air méchant comme dans les livres d'images où il n'est qu'un squelette, non, son costume est brodé d'argent et c'est un bel uniforme de hussard, une cape de velours noir flotte derrière lui sur le cheval et il va au galop!

Hjalmar vit comment Ole Ferme-l'oeil galopait en entraînant des jeunes et des vieux sur son cheval, il en plaçait certains devant lui et d'autres derrière, mais toujours d'abord il demandait:

– Et comment est ton carnet de notes?

Tous répondaient: «Excellent.»

– Faites-moi voir ça! disait-il et il fallait lui montrer le carnet.

Ceux qui avaient «Très bien» ou «Excellent» venaient devant et ils entendaient une merveilleuse histoire, ceux qui n'avaient que «Passable» ou «Médiocre», allaient derrière et entendaient l'histoire horrible. Ils tremblaient et pleuraient, ils voulaient sauter à bas du cheval mais ils ne le pouvaient plus, ils étaient enchaînés à l'animal.

– Mais la Mort est un très gentil Ole Ferme-l'oeil numéro deux, dit Hjalmar, je n'en ai pas peur du tout.

– Il ne faut pas en avoir peur, dit Ole, il faut seulement veiller à avoir un bon carnet de notes.

– Ça, c'est un bon enseignement! murmura le portrait de l'arrière-grand-père, il est toujours utile de donner son avis!

Et il était fort satisfait.

Et ceci est l'histoire d'Ole Ferme-l'oeil, il viendra sûrement ce soir vous en raconter lui-même bien davantage.