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– Attends, dit le renard, je vais te prêter assistance. Couche-toi là par terre et fais le mort. Ne bouge plus. Le cheval se soumit au désir du renard, qui trottina jusqu’à la tanière du lion, qu’il connaissait et savait toute proche.

– il y a là-bas un cheval mort, annonça-t-il au lion. Viens, sors avec moi, je vais t’y conduire et tu pourras faire bombance! Le lion suivit le renard, et lorsqu’ils furent près du cheval mort, le renard lui dit:

– Écoute, tu ne seras jamais assez tranquille par ici pour prendre tout ton temps. Tu ne sais pas ce que nous allons faire? En me servant des crins de sa queue, je vais l’attacher solidement derrière toi et tu n’auras plus qu’à le traîner dans ta tanière, où tu pourras le dévorer tout à loisir. Le lion trouva l’idée excellente et se prêta de bon gré à la manœuvre, se tenant bien tranquille pour que le renard pût l’attacher au cheval en serrant solidement ses nœuds. Mais le renard, pendant ce temps, se servait de la queue du cheval pour lier étroitement les pattes du lion, bouclant, serrant et resserrant ses liens les uns sur les autres, de telle manière qu’il ne pût ni les rompre, ni les défaire en y mettant toute sa force. L’opération terminée, il se pencha vers le cheval et lui frappa sur l’épaule en lui disant – «Hue, mon Bijou! Hue, tire-le!» Le vieux cheval se redressa brusquement et traîna derrière lui le lion rugissant, rugissant si fort que tous les oiseaux de la forêt s’envolèrent à la fois, complètement terrorisés. Le cheval, lui, laissa le lion rugir autant qu’il le voulait, sans cesser pour autant de le tirer à travers champs jusqu’à la porte de la maison de son maître. Revenant à de meilleurs sentiments en voyant la chose, son maître lui dit alors: «Je te garde et tu auras la belle vie.» Et depuis ce jour-là jusqu’à sa mort, il eut toujours son content à manger, et le meilleur fourrage.

Le Vieux grand-père et son petit-fils

Il était une fois un très, très vieil homme, si vieux que ses yeux n’y voyaient plus guère tant ils étaient troubles, que ses oreilles n’entendaient plus du tout et que ses pauvre vieux genoux tremblaient sous lui. Ses mains aussi tremblaient, et il tenait si mal sa cuillère quand il était à table, qu’il renversait souvent de la soupe devant lui, et même parfois manquait sa bouche. Son fils et la femme de celui-ci en étaient dégoûtés, qu’ils finirent par obliger le vieux grand-père à manger dans un coin, derrière le poêle, où ils le servirent dans une grossière écuelle de terre, ne lui donnant que tout juste de quoi ne pas mourir de faim. Jamais il ne mangeait à sa faim. Et puis un jour, ses pauvres vieilles mains tremblantes laissèrent échapper la malheureuse écuelle qui se cassa. La jeune femme le gronda, mais il ne répondit rien: il soupira seulement. Elle alla lui acheter une écuelle de quatre sous, en bois, dans laquelle il dut manger désormais.

Devant le vieux grand-père assis, comme toujours, dans son coin à l’écart, son petit-fils âgé de quatre ans se mit à assembler quelques planchettes de bois qu’il s’efforçait de faire tenir ensemble.

– Que fais-tu là? lui demanda son père.

– C’est une petite auge que je fabrique, répondit l’enfant, pour faire manger papa et maman quand je serai grand.

Le mari et la femme échangèrent un long regard, puis commencèrent à pleurer. Ils firent revenir le vieux grand-père à leur table et mangèrent toujours avec lui depuis lors, sans gronder jamais, quand il lui arrivait de se tacher ou de répandre un peu de soupe sur la table.

Le Vieux Sultan

Un paysan possédait un chien fidèle, nommé Sultan. Or le pauvre Sultan était devenu si vieux qu’il avait perdu toutes ses dents, si bien qu’il lui était désormais impossible de mordre. Il arriva qu’un jour, comme ils étaient assis devant leur porte, le paysan dit à sa femme:

– Demain un coup de fusil me débarrassera de Sultan, car la pauvre bête n’est plus capable de me rendre le plus petit service.

La paysanne eut pitié du malheureux animaclass="underline"

– Il me semble qu’après nous avoir été utile pendant tant d’années et s’être conduit toujours en bon chien fidèle, il a bien mérité pour ses vieux jours de trouver chez nous le pain des invalides.

– Je ne te comprends pas, répliqua le paysan, et tu calcules bien maclass="underline" ne sais- tu donc pas qu’il n’a plus de dents dans la gueule, et que, par conséquent, il a cessé d’être pour les voleurs un objet de crainte? Il est donc temps de nous en défaire. Il me semble que s’il nous a rendu de bons services, il a, en revanche, été toujours bien nourri. Partant quitte.

Le pauvre animal, qui se chauffait au soleil à peu de distance de là, entendit cette conversation qui le touchait de si près, et je vous laisse à penser s’il en fut effrayé. Le lendemain devait donc être son dernier jour! Il avait un ami dévoué, sa seigneurie le loup, auquel il s’empressa d’aller, dès la nuit suivante, raconter le triste sort dont il était menacé.

– Écoute, compère, lui dit le loup, ne te désespère pas ainsi; je te promets de te tirer d’embarras. Il me vient une excellente idée. Demain matin à la première heure, ton maître et sa femme iront retourner leur foin; comme ils n’ont personne au logis, ils emmèneront avec eux leur petit garçon. J’ai remarqué que chaque fois qu’ils vont au champ, ils déposent l’enfant à l’ombre derrière une haie. Voici ce que tu auras à faire. Tu te coucheras dans l’herbe auprès du petit, comme pour veiller sur lui. Quand ils seront occupés à leur foin, je sortirai du bois et je viendrai à pas de loup dérober l’enfant; alors tu t’élanceras de toute ta vitesse à ma poursuite, comme pour m’arracher ma proie; et, avant que tu aies trop longtemps couru pour un chien de ton âge, je lâcherai mon butin, que tu rapporteras aux parents effrayés. Ils verront en toi le sauveur de leur enfant, et la reconnaissance leur défendra de te maltraiter; à partir de ce moment, au contraire, tu entreras en faveur, et désormais tu ne manqueras plus de rien.

L’invention plut au chien, et tout se passa suivant ce qui avait été convenu. Qu’on juge des cris d’effroi que poussa le pauvre père quand il vit le loup s’enfuir avec son petit garçon dans la gueule! qu’on juge aussi de sa joie quand le fidèle Sultan lui rapporta son fils!

Il caressa son dos pelé, il baisa son front galeux, et dans l’effusion de sa reconnaissance, il s’écria:

– Malheur à qui s’aviserait jamais d’arracher le plus petit poil à mon bon Sultan! J’entends que, tant qu’il vivra, il trouve chez moi le pain des invalides, qu’il a si bravement gagné!

Puis, s’adressant à sa femme:

– Grétel, dit-il, cours bien vite à la maison, et prépare à ce fidèle animal une excellente pâtée; puisqu’il n’a plus de dents, il faut lui épargner les croûtes; aie soin d’ôter du lit mon oreiller; j’entends qu’à l’avenir mon bon Sultan n’aie plus d’autre couchette.

Avec un tel régime, comment s’étonner que Sultan soit devenu le doyen des chiens.