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Si je crois aussi fermement aux lois inconnues du surnaturel, c'est que bien des événements dans ma vie cosmopolite m'en ont fait comprendre la marche fatale et la puissance indiscutable, et, tenez, pour ne point trop vous laisser l'impression de la triste nouvelle dramatique que je viens de vous apprendre et qui, je le vols, vous trouble à l'excès, permettez-moi de vous faire le récit d'une aventure dans laquellejune momie d'Egypte joue un rôle non moins terrible et non moins meurtrier; j'ai connu la victime, et tout Londres, tant au British Muséum que dans le monde du journalisme, pourra vous certifier l'absolue authenticité des faits que je vais avancer.

II

Vous connaissez, je suppose, le journal hebdomadaire England illustrated News, fondé à Londres, il y a plus de soixante ans, par un self made man, de grande activité et intelligence, nommé John Magrin, qui gagna dans cette entreprise plus de trente mille livres sterling de revenu, c'est-à-dire une vraie fonune d'Américain.

A la mon de cet excellent homme, ses deux âls, William et Robert, prirent l'affaire en main et l'établirent sur un tel pied admintsiratit qu'il leur fût possible de donner carrière à leurs goûts de voyage et d'aventures à travers toutes les contrées du globe. William et Robert Magrin étaient deux superbes gaillards, souples, forts, musclés, hardis cavaliers, canotiers infatigables, marcheurs intrépides et par-dessus tout tireurs admirables. Le plus jeune, Robert, était un des premiers fusils d'Angleterre; il faisait à la chasse des séries k rendre jaloux lord D..., notre fameux Gun-man, car...

Le bon ambassadeur souriait en faisant malicieusement cet à peu près classique sur le nom du plus célèbre tireur d'Angleterre.

Ainsi entraînés aux exercices du corps, continua-t-il, assurés de leur force physique aussi bien que de leur fortune considérable, les deux frères Magrin, tous deux célibataires et qui ne se quittaient jamais, entreprirent le déjà traditionnel tour du monde, qui bientôt sera si facile qu'il remplacera les voyages de noces en Suisse, en Italie ou en Ecosse.

Avec le défaut mignon qu'ont mes chers compatriotes de vouloir détenir le record de tousles sports, les frères Magrin crurent devoir étonner l'univers de leurs prouesses. Leur volonté, plus forte encore que leur vanité, leur but bien établi, l'inflexible détermination qu'ils avaient de l'atteindre, leur firent accomplir de surprenants exploits modernes, de ces exploits qui consistent à biffer le mot impossible des dictionnaires géographiques et le qualificatif inaccessible de la description des montagnes égratigneuses de ciel.

Pendant plusieurs années, il ne se passa guère de semaines sans que les journaux du Royaume-Uni et ceux d'Amérique n'enregistrassent de stupéfiantes actions accomplies par l'un ou l'autre des deux frères; on les signala dans les Alpes, plantant le drapeau anglais sur des cimes jusqu'alors vierges de toute empreinte humaine, dans les monts de l'Atlas cherchant le lion, en Amérique gagnant sur leur racer des coupes d'argent aux régates de Newport, à Java massacrant des troupeaux de rhinocéros et de crocodiles, partout vainqueurs des êtres et des choses, hercules qui n'auraient su nom-brer leurs travaux, tant ils étaient variés, compliqués, et, je dois ajouter, inutiles au progrès social ou aux besoins réels de la civilisation.

Ce fut à Bombay que je les connus; j'admirai leur beauté de fiers acrobates et je m'employai à servir leur passion en organisant pour eux des chasses aux tigres capables de mettre en relief leur adresse impeccable dans le maniement du rifle. Us déployèrent dans ce sport jusqu'alors inconnu pour eux un souplesse, une intrép taque, une sûreté de pèrent de stupeur les ce gènes qui les accompi éléphants dressés. Ils lesseules junglesduBei gale, si je me souviei bien, plus de douze tigres et environ huit panthères dont ils eurent la politesse de m'cnvoyer les superbes dépouilles.

Les Hindous, très sensibles au courage,les crurent sorciei et, malgré leur secib.

dédain pour les Européens souillés de viandes et de liqueurs, leur témoignèrent un respect qui confinait au culte sacré. — A Ceyian, au retour, leurs succès à la chasse, au tennis, au polo, eurent un long retentissement dans les journaux de toute la colonie anglaise.

— Mais je ne veux pas, mon cher ami, me dit lord L..., ouvrant comme une parenthèse furtive h son récit, vous intéresser plus qu^il ne convient aux jeux sportifs des frères Magrin, ni risquer de vous faire oublier le but de ce récit. J'y arrive donc sans plus tarder.

A leur retour en Europe, William et Robert Magrin s'arrêtèrent en Egypte, et, afin de se soustraire i la domination de Thos Cook and son et aux itinéraires réglés comme papier de musique, ils frétèrent une Dahabieh à voile et lentement visitèrent le Sérapéum, la pyramide d^Oanas, Assiout, Louqsor, Tlièbes, Assuan et Philx.

La vue de la nécropole memphite, des mastabas de Gizëh, d'Abou-Roâsb, de Dahshour, de Saqqarah, d^Abousir, impressionna vivement la curiosité de Robert Magrin, qui, laissant son frère retourner à Londres, jura de se consacrer i la recherche de royales momies et de se livrer momentanément à ce nouveau sport scientifique avec toute l'ardeur qu'il avait apportée jusque-U, à la mite k mort des bétes sauvages ou à la conquête de quelque prix chèrement disputé dans les luttes diverses par de nombreux « champions du monde ». U entreprit donc des fouilles sur le vaste territoire arrosé par le Nil.

Malgré Texploitation séculaire des tombeaux, poursuivit lord L,.., en humant lentement s6n cigare,'nia^gr^ àussi'I'affrèux état de désordre dans lequel les anciens fouilleurs ont laissé les terrains et les oeuvres d'an de la vieille Egypte^ malgré les recherches des fellahs qui vécurent

longtemps du produit de leurs spoliations, Roben Magrin comprit qu'il restait encore énormément à extraire de ces champs de morts et que la gloire de Mariette n'empêchait point de nouveaux venus de se créer une notoriété de bon aloi, surtout en Angleterre où l'archéologie égyptienne voit grandir chaque jour le nombre de ses adeptes.

La fortune dont il disposait lui permit de s'assurer vivement le concours des spécialistes et d'embaucher le nombre d'ouvriers nécessaire pour ouvrir un chantier de fouilles du côté de Dahshour, non loin d'un plateau peu élevé, situé & l'ouest du village de Menchlyeh, sur les flancs delà pyramide méridionale, construite en briques.

Les ouvriers se répandirent sur un terrain excavé en tous sens par des tranchées profondes, et, en examinant méthodiquement le sol, ils découvrirent vingt petits puits établis en rangées parallèles, qui, sondés pendant plusieurs mois, n'amenèrent que la découverte de momies sans imponance pour la science et l'an.

Car, vous le savez assurément, ce n'était guère qu'en théorie que chaque Égyptien pouvait revendiquer le droit d'une maison éternelle, avec ses chambres diverses, ses décorations et sa table d'offrande; en réalité, les mons de la petite classe étaient, comme aujourd'hui, vivement dépêchés vers des trous d'oubli. On les enfouissait un peu au hasard dans des fissures de montagnes, au fond de puits communs ou dans la profondeur de vieilles tombes violées et abandonnées. Les gens ds condition seulement avaient les honneurs d^une architecture spéciale, des cercueils à leur taille, des peintures symboliques, des scarabées faite de matières pre'cieuses et des figurines de Phtah, d'Osins, d^Anubis et d'Hathor. - Or Robert Magrin ne recueillit d'abord que d'infortunés prolétaires qu'on ne songeait même pas à dépouiller de leurs bandelenes.

Il commençait à se désespérer et songeait déjà i abandonner ce sol ingrat, lorsqu'on lui signala la découverte de souterrains construits de larges dalles de calcaire qui semblaient devoir conduire à une tombe importante. Cette nouvelle réveilla son ardeur. Il activa le travail et se mît lui-même à la tête des ouvriers. On découvrit d'abord un portique, puis unesone d'antichambre carrée avec piliers, puis un nouveau couloir, et enfin une dernière chambre dont les murailles étaient peintes à fresque et remplies d'inscriptions gravées. Robert Magrin y pénétra le premier, la torche à la main, et eut vite découvert le sarcophage de pierre et mis à nu un coffre merveilleusement gravé et peint.