Выбрать главу

– Je ne veux pas… je ne veux pas, dis-je en le repoussant des mains.

– Il le faut, Vassia, celle que tu portes est tellement sale et imprégnée de sueur, etc., etc., que, si tu la gardais, tu en serais malade trois jours de plus. Laisse-moi t’aider! Nastenka, ne faites pas la prude, venez me donner un coup de main. Et, de force, il me changea de linge. Nastassia prit ma vieille chemise pour la laver. Furieux, je me rejetai sur mon oreiller et versai des larmes de rage.

– Voyons! voyons! Quel homme! s’écria Razoumikhine abandonnant complètement son ton artificiel et enjoué; il me regarda avec reproche.

– Je n’ai pas besoin de nounous, je n’ai pas besoin de bienfaiteurs ni de consolateurs, laissez-moi, laissez-moi, balbutiai-je d’une voix rauque, en sanglotant.

Cependant Razoumikhine me contemplait très tristement, d’un air de sincère affliction.

– Pourquoi, continuai-je, la voix empoisonnée de haine, pourquoi causes-tu avec moi?

À cet instant la porte s’ouvrit et Bakavine entra dans la chambre. C’était un médecin pour le moment sans travail, un médecin très habile; il était grand, avait un visage bouffi, des cheveux blonds, des yeux grands mais incolores, un sourire sarcastique. Je l’avais déjà rencontré. Sa présence m’avait toujours été particulièrement pénible.

– Eh bien, fit-il, le regard fixé sur mon visage; il s’assit sur le lit.

– Toujours hypocondriaque; il a pleuré parce que nous l’avons changé de linge.

– C’est naturel.

Il me tâta le pouls et la tête.

– Toujours mal à la tête?

– Je me porte bien, parfaitement bien, insista Raskolnikov avec irritation en se soule[vant].

– Hum! Ça va. Bien. Très bien. A-t-il mangé?

On lui répondit, puis on demanda ce qu’on pouvait me donner.

– On peut lui donner…

– Du potage, du thé…, tant qu’il voudra. Il a pour ces choses sa propre mesure. Naturellement, les champignons et les concombres lui sont interdits. Donnez-lui du bœuf, quant au reste, nous verrons demain s’il ne faut pas lui enlever sa potion.

– Demain soir, je lui ferai faire une promenade, s’écria Razoumikhine. Son costume l’attend; nous passerons au jardin Ioussoupov et ensuite au Palais de Cristal.

– Demain je ne le dérangerais pas, fit Zossimov sur un ton apathique. À moins que ce soit pour quelques instants seulement… Et si le temps le permet.

– C’est dommage, alors après-demain.

– Après-demain non plus.

– C’est vraiment dommage, je me disposais justement à l’emmener chez Zamiotov. Il connaît tous les endroits intéressants et est accueilli partout comme le maître.

– Ah! si vous pouviez venir aujourd’hui chez moi, je serai là. Je peux déjà marcher et j’irai n’importe où… si je le veux.

– Qui est-ce que tu attends? Zossimov se taisait.

– Que c’est dommage! s’écria Razoumikhine. Aujourd’hui, je pends la crémaillère, c’est à deux pas d’ici, j’aurais voulu qu’il vînt. Tu viendras, toi? Tu as promis, s’adressa-t-il brusquement à Zossimov.

– Je ne sais pas, peut-être. Qui sera là?

– Des camarades d’ici; il m’arrive de n’avoir pas d’amis pendant deux mois, et d’autres fois j’en ai toute une bande.

– Qui est-ce?

– Un maître de poste de je ne sais quel district. Il y a passé sa vie entière. À présent il touche une pension. Pauvre homme, il ne dit jamais rien, j’aime bien le rencontrer, une fois tous les cinq ans.

Des personnes qui ne sont pas d’ici, contempor[?]! Si ce n’est mon vieil oncle, un vieillard de soixante-cinq ans qui est arr[ivé] à Pétersbourg il y a une semaine pour affaires.

Peu importe. Tous les autres. Ton ami Porphyre Stepanovitch, le juge d’instruction. C’est bête vraiment, parce que vous vous êtes querellés un jour, tu es capable de ne pas venir.

– Ne parlons plus des endroits, mais à part ça, qu’est-ce qu’il peut y avoir de commun entre vous deux et Zamiotov, demanda Bakavine, en me désignant du doigt, et en esquissant des lèvres un sourire entendu.

– Quel homme! Toujours ces principes. Quelle bêtise! Quant à moi, j’aime tous les braves types. Que la personne soit sympathique, voilà mon principe. Pour ce qui est de Zamiotov, nous avons, en effet, entrepris une certaine affaire ensemble.

– Je serais curieux de savoir quoi? fit Bakavine.

– Mais à propos du peintre en bâtiments. Nous finirons par le faire élargir, du reste, il n’y a pas de mal, on va le relâcher sans notre intervention. À présent, l’affaire est tout à fait claire, nous ne ferons que hâter le cours des événements.

– De quel peintre parles-tu?

– Je te l’ai pourtant racontée, cette histoire. Non? C’est vrai, tu ne sais que le début de l’affaire, c’est au sujet du meurtre de la vieille, le cas du peintre n’est venu s’y joindre que plus tard.

– J’ai été au courant de cet assassinat avant que tu m’en aies parlé… j’en ai lu quelque chose dans les journaux, cette affaire m’intéresse particulièrement.

– On a aussi égorgé Lizaveta, l’interrompit tout à coup Nastassia en s’adressant à moi.

– Qui est-ce, Lizaveta? ne puis-je m’empêcher de balbutier.

– Lizaveta Petrovna, la marchande. Tu devais la connaître. Elle venait ici en bas. C’est elle qui t’a rapiécé ta chemise, celle-ci.

– Cette chemise, répétai-je tout bas.

– Mais oui! Tu penses peut-être que je m’en suis occupée moi-même! Je ne sais pas coudre avec une aiguille fine. Elle t’a mis cinq pièces, murmurait-elle en examinant la chemise, tu as là un beau chiffon. Tu devais dix kopecks pour le travail que tu n’as pas encore payé. On l’a tuée enceinte. Elle avait été battue souvent. N’importe qui pouvait la maltraiter.

– Eh bien, et ton peintre, l’interrompit Bakavine en s’adressant à Razoumikhine.

– Il est tout bonnement accusé de ce meurtre.

– Est-ce qu’il y a des charges? Comment… donc? On a trouvé de nouvelles charges? demanda Bakavine, qui, manifestement, voulait apprendre je ne sais quoi.

– Quelles charges! Du reste, il y avait justement une charge mais ce n’en était pas une, et c’est ce qu’il s’agit de prouver. Au début, il y a eu des soupçons contre ces…, comment donc s’appellent-ils? contre Bergstolz et l’étudiant Kopiline. Mon Dieu, que c’est stupide! Ça m’échauffe la bile. À propos, Vassia, tu es au courant de l’affaire, toi? En ton absence, c’est-à-dire pendant que tu es resté étendu, on a commis un meurtre à côté d’ici; qu’est-ce que je raconte! à cette époque-là tu sortais encore; mais oui, le jour même où tu es allé au commissariat… tu as entendu tout raconter là-bas, on en a parlé devant toi; tu as eu un évanouissement. C’était encore avant ta maladie. (La veille du jour où tu es venu me voir. Tu es longtemps resté sans connaissance, on m’a racon[té]… il a eu un évanouissement là-bas.)