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Protéger Sophie.

Protéger le Graal.

Il avait failli hurler de désespoir : Mais comment ?

Et la solution s'était imposée, avec une clarté soudaine. La vérité est là, sous tes yeux.

Il n'aurait pas su dire d'où lui était venue la révélation.

– 467 –

Sous la menace du pistolet, il s'agenouilla sur le sol face à Teabing, à moins d'un mètre du pilier central, et abaissa lentement le bras devant lui, dans le geste de poser le cryptex.

— C'est cela, Robert ! Maintenant, posez-le à terre !

Langdon leva les yeux vers le sommet de la voûte, avant de fixer le canon du pistolet.

— Désolé, Leigh !

Se levant d'un bond, il balança son bras vers le haut, et lança le cylindre de pierre de toutes ses forces dans l'immense espace de la voûte ogivale.

Leigh Teabing ne sentit pas son doigt appuyer sur la détente, mais le bruit de la balle qui s'échappa du Médusa résonna comme un coup de tonnerre. La silhouette de Langdon au sommet de son saut était toute droite comme en lévitation et la balle rebondit sous ses pieds.

Mais l'attention de Teabing était déjà ailleurs.

La clé de voûte !

Le temps semblait presque figé, réduit à l'interminable trajectoire du précieux cylindre, unique raison de vivre de Teabing, qui atteignit son point culminant et amorçait déjà sa chute vers les dalles de pierre, entraînant avec lui ses espoirs et ses rêves.

Il ne faut pas qu'il s’écrase au sol, je peux l'atteindre !

N'écoutant que son instinct, Teabing laissa tomber le pistolet et ses béquilles, et se précipita en avant. De ses deux mains tendues, il parvint à intercepter le cryptex, mais perdit l'équilibre. Teabing comprit qu'il tombait trop vite. Sans rien pour amortir sa chute, il tendit le bras en avant et le cryptex heurta durement le sol. Un effroyable bruit de verre pulvérisé se fit entendre à l'intérieur.

Teabing s'arrêta de respirer, le regard fixé sur le cylindre de pierre dans sa main tendue, implorant le tube de tenir le coup.

Mais une acre odeur de vinaigre se répandit et Teabing sentit le liquide froid s'échapper par les interstices des disques d'onyx.

Une folle panique s'empara de lui. Non ! Le vinaigre ruisselait à présent et Teabing imaginait le papyrus se dissolvant à l'intérieur. Pauvre imbécile, le secret est détruit !

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Le Graal est perdu, tout est fini. Secoué de sanglots incontrôlables, encore incapable d'admettre ce qu'il venait de voir, Teabing saisit les deux extrémités du cylindre et essaya d'en forcer l'ouverture, dans l'espoir de retenir un fragment au moins d'histoire, avant sa disparition définitive.

Le cryptex s'ouvrit sans résistance, à sa grande stupéfaction.

Il ne contenait que de petits éclats de verre fin. Pas de parchemin en train de se dissoudre. Teabing roula sur lui-même. Sophie pointait le canon du Médusa sur lui. Il jeta un coup d'œil au cryptex et comprit. Les lettres alignées formaient un mot de cinq lettres : POMME.

— Le fruit auquel Eve a goûté, dit Langdon d'une voix neutre. L'objet de la colère de Dieu. Le péché originel. Symbole de la chute du Féminin sacré.

Teabing accusa rudement le choc, la solution était d'une déchirante simplicité. Le globe qui devait se trouver sur la tombe de Newton ne pouvait être que cette pomme rose tombée du ciel que le grand savant avait reçue sur la tête et qui lui avait inspiré l'œuvre de sa vie. La chair rosée et son cœur fertile !

— Robert, vous l'avez ouvert, bégaya Teabing anéanti, en s'asseyant. Où est la carte ?

Sans le quitter des yeux, Langdon plongea la main droite dans la poche de sa veste, d'où il retira un mince parchemin. Il le déroula, passa quelques secondes à le regarder, et ne put réprimer un sourire entendu.

Il a trouvé ! Le rêve de sa vie, le trésor si longtemps convoité, était là, en face de lui.

— Dites-moi où est le Graal, Robert ! Je vous en supplie ! Il est encore temps...

Un bruit de pas vigoureux résonna soudain dans le corridor d'accès. Sans un mot, Langdon enroula le parchemin et le remit dans sa poche.

— Oh non ! Non ! cria Teabing en essayant vainement de se relever.

La lourde porte de bois s'ouvrit bruyamment et Bézu Fache entra comme un taureau dans l'arène, suivi d'une demi-douzaine de policiers britanniques en uniforme. Il balaya la pièce du regard comme un scanner à la recherche de sa cible. A

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la vue de Teabing gisant sur le dallage, le commissaire poussa un soupir de soulagement avant de rengainer son arme. En quelques enjambées, il avait rejoint Sophie :

— Mademoiselle Neveu, je suis ravi de vous trouver saine et sauve, ainsi que M. Langdon. Mais vous auriez dû me rejoindre tout à l'heure, comme je vous l'avais demandé.

Deux policiers avaient redressé Teabing sur ses jambes et lui passaient les menottes.

Sophie semblait stupéfaite de voir son supérieur.

— Comment nous avez-vous retrouvés ? Fache pointa Teabing du doigt.

— Il a commis l'erreur de donner son identité à l'entrée de l'abbaye. Et les vigiles ont entendu son nom dans un avis de recherche que nous avions lancé.

Le soulevant sous les aisselles, ils l'entraînèrent vers la sortie de la salle. L'Anglais tourna la tête en arrière, beuglant comme un veau qu'on égorge :

— Il a la clé de voûte dans sa poche ! La carte du Graal !

Avant de franchir la porte, il hurla :

— Robert ! Dites-moi où il est ! Langdon le regarda dans les yeux.

— Seules les âmes nobles sont dignes de découvrir le Graal, Leigh. C'est vous-même qui me l'avez appris.

– 470 –

102

Un banc de brume recouvrait les pelouses détrempées de Kensington Gardens.

Silas claudiquait, cherchant un coin tranquille où s'abriter.

Il s'agenouilla sur l'herbe humide contre un bosquet de lauriers, et joignit ses mains ensanglantées pour se recueillir. L'albinos sentait s'écouler le sang de sa blessure, sous ses côtes, mais il ne regardait que le brouillard humide où il croyait voir les nuées du paradis.

Levant ses mains sanguinolentes pour prier, il regarda les gouttes de pluie caresser ses doigts, qui redevenaient blancs. La pluie qui ruisselait toujours plus fort sur son dos et ses épaules lui semblait liquéfier son corps tout entier.

Je suis un fantôme.

Une brise l'enveloppa, avec ses parfums de terre, de vie montante. Silas pria, de tout son être, avec chaque cellule de son corps meurtri. Il implora le pardon et la pitié de Dieu pour son âme, mais c'est pour son mentor, l'évêque Aringarosa, qu'il priait surtout.

Seigneur, ne le rappelle pas à toi trop tôt ! Il a encore tant à faire.

Les nappes de brume tourbillonnaient autour de lui et Silas se sentait si léger qu'il était sûr que les nuées remporteraient.

Fermant les yeux, il articula une ultime prière. Et, venue du fond de la brume, il entendit la voix de Mgr Aringarosa lui murmurer à l’oreille :

Dieu est bon, il a pitié des âmes qui le prient.

La douleur dans son ventre s'estompait enfin et il comprit que l'évêque avait raison.

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103

L'après-midi touchait à sa fin quand le soleil fit son apparition dans le ciel de la capitale anglaise, qui commençait à sécher. Bézu Fache, qui sortait d'une salle d'interrogatoire de Scotland Yard, se sentait exténué. Il héla un taxi.