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Le mouchard.

Fache avait eu raison de talonner sa proie d'aussi près : jusqu'à maintenant, Langdon avait fait montre d'un étonnant sang-froid.

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Bézu Fache avait éteint son téléphone portable pour éviter d'être interrompu pendant sa conversation avec Langdon. Mais son appareil, un modèle tout récent et très coûteux, était malheureusement équipé d'une messagerie bidirectionnelle, que, contrairement à ses ordres, son adjoint utilisa pour l'appeler.

— Commissaire ?

La voix crépitait comme dans un vieux talkie-walkie. Fache grinça des dents. Comment Collet osait-il l'interrompre au moment le plus critique de son interrogatoire ? Il s'excusa d'un regard auprès de Langdon.

— Un instant s'il vous plaît.

Il sortit le portable de sa veste et pressa le bouton de radio-transmission.

— Oui?

— Commissaire, un agent du service de cryptographie est arrivé.

Sa colère retomba momentanément. C'était peut-être une bonne nouvelle, même si elle survenait au mauvais moment. Il avait envoyé au service de cryptographie les photos de la scène du crime, ainsi que le texte écrit au feutre à lumière noire, dans l'espoir qu'ils y verraient plus clair que lui. Si cet agent s'était déplacé, cela signifiait sans doute qu'on avait réussi à décoder le message de Saunière.

— Écoutez, Collet, je suis occupé pour le moment, rétorqua Fache sur le ton agacé du chef qu'on dérange. Faites-le attendre au PC, je le recevrai dans quelques minutes.

— ... la recevrez, commissaire. Il s'agit de l'inspectrice Neveu.

Fache se renfrogna de plus belle. Sophie Neveu était l'une des sept plaies de la DCPJ, dont il avait hérité un an plus tôt.

Une jeune déchiffreuse de trente-deux ans, diplômée du RHI de Londres, où elle avait appris la cryptographie. Sa nomination illustrait la nouvelle politique de parité du ministère de l'Intérieur. La soumission du ministre au politiquement correct,

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objectait Fache, affaiblissait le service. Non seulement les femmes manquaient de la force et de l'endurance physiques nécessaires au travail de policier, mais leur simple présence constituait un divertissement dangereux pour leurs homologues masculins.

Sophie Neveu était d'une ténacité de pit-bull et ses méthodes à l'anglo-saxonne avaient le don d'exaspérer ses supérieurs hiérarchiques directs, des cryptographes confirmés.

Mais ce qui exaspérait Fache au plus haut point, c'était une vérité imparable : dans un service où dominent les quadragénaires, une jeune femme au physique attrayant distrait toujours ses collègues masculins de leur travail.

Collet insistait au téléphone :

— L'inspecteur Neveu tient absolument à vous parler sur-le-champ. J'ai bien essayé de la retenir, mais elle vient de filer droit vers la Grande Galerie...

— C'est inadmissible ! J'avais bien précisé...

Langdon crut un instant que le commissaire allait faire une attaque. La mâchoire de Fache s'était immobilisée au milieu de sa phrase. Ses yeux écarquillés et légèrement exorbités regardaient par-delà l'épaule de l'Américain. Avant même d'avoir eu le temps de se retourner pour voir de quoi il s'agissait, Langdon entendit une voix claire résonner derrière lui. — Excusez-moi, messieurs !

Langdon pivota sur lui-même. Une jeune femme s'avançait vers eux d'un pas souple et assuré. Elle portait un long chandail irlandais beige à grosses côtes sur un caleçon noir qui galbait ses jambes élancées. Son épaisse chevelure auburn tombait naturellement sur ses épaules, encadrant un visage rond et harmonieux, éclairé d'un large sourire. À l'opposé des blondes sophistiquées et stéréotypées qui faisaient fantasmer les étudiants de Langdon, elle incarnait une beauté naturelle et authentique, rayonnant d'aisance et d'énergie.

À la grande surprise de Langdon, c'est vers lui qu'elle se dirigea d'abord, la main tendue :

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— Sophie Neveu, cryptographe à la DCPJ. Je suis très heureuse de vous rencontrer, monsieur Langdon.

Les traces d'accent français qui teintaient son anglais lui conféraient un charme supplémentaire. Langdon serra sa petite main dans la sienne.

— Ravi de vous rencontrer.

Elle avait des yeux vert olive, un regard vif et perçant.

Fache inspira profondément et, alors qu'il allait la bombarder de reproches, «Désolée de vous déranger, commissaire... », lança-t-elle en pivotant vers lui, le coiffant au poteau.

— Ce n'est pas le moment, en effet !

— J'ai essayé de vous téléphoner, continua Sophie en anglais, comme par courtoisie envers Langdon, mais votre portable était éteint.

— Oui et pour une bonne raison, je suis en entretien avec M. Langdon !

— J'ai déchiffré le code numérique, annonça-t-elle d'un ton presque anodin.

Langdon sentit son cœur bondir d'excitation. Elle a réussi à déchiffrer le code ?

Fache hésitait sur la conduite à tenir.

— Mais avant de vous l'expliquer, continua-t-elle, j'ai un message urgent pour vous, monsieur Langdon.

— Pour M. Langdon ? répéta Fache, désarçonné. Elle hocha la tête et se tourna vers Langdon.

— Il faut que vous contactiez d'urgence votre ambassade.

Ils ont un message pour vous, en provenance des États-Unis.

Langdon, surpris, se demanda avec inquiétude de quoi il pouvait bien s'agir. Un message des États-Unis ? Seuls quelques-uns de ses collègues étaient au courant de son voyage à Paris.

Fache, bouche bée, laissa percer son inquiétude.

— L'ambassade américaine? s'enquit-il d'un ton soupçonneux. Mais comment peuvent-ils savoir qu'il est ici ?

Sophie haussa les épaules.

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— Ils ont apparemment appelé son hôtel, où le concierge leur a dit qu'un agent de la PJ était venu le chercher.

— Et l'ambassade a contacté le service de cryptographie ?

insista Fache, de plus en plus perplexe.

— Non, commissaire, répliqua Sophie d'une voix ferme.

Quand j'ai appelé le central de la DCPJ pour essayer de vous joindre, ils venaient de recevoir le coup de fil de l'ambassade et m'ont demandé de vous le transmettre, pour ne pas avoir à vous déranger au téléphone.

Fache, haussant les sourcils de plus belle, ouvrait la bouche pour répondre, mais Sophie s'était déjà tournée vers Langdon, à qui elle tendit un petit morceau de papier plié en fixant sur lui un regard insistant.

— Voici le numéro que vous devez appeler. Ils ont précisé que c'était urgent. Allez-y pendant que j'éclaircis cette histoire de chiffres avec le commissaire.

Langdon jeta un regard sur la notule. Un numéro parisien suivi de trois chiffres.

— Merci, fit-il, vaguement inquiet. Y a-t-il un poste à l'étage

? Sophie sortit son portable de sa poche, mais Fache, aussi écarlate qu'un volcan à deux doigts de l'éruption, l'interrompit et tendit le sien à Langdon.

— Prenez celui-ci, la ligne est sécurisée.

D'un bras plus que ferme, Fache entraîna Sophie quelques mètres plus loin, et il entreprit de la semoncer à voix basse. De plus en plus irrité par l'autoritarisme du policier, Langdon, qui trouvait ce commissaire très antipathique, tourna le dos aux deux Français et pressa le bouton vert du portable tout en dépliant la feuille de papier. Il composa le premier : connexion, une sonnerie, deux, trois... À sa grande surprise, au lieu d'une hôtesse de l'ambassade, il fut mis en relation avec un répondeur. Bizarrement, la voix qu'il entendit lui était vaguement familière.

C'était celle de Sophie Neveu.

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« Bonjour, vous êtes bien chez Sophie Neveu, je suis absente pour le moment mais vous pouvez laisser un message... »