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Langdon se demandait si les éminents égyptologues de l'université Harvard avaient jamais frappé aux portes des pyramides, espérant une réponse ? Il leva une main vers la grande vitre mais, au même moment, une silhouette néandertalienne apparut, grimpant quatre à quatre les marches du grand escalier en colimaçon.

Un homme massif, en costume croisé sombre, trop serré pour ses larges épaules, un téléphone mobile à l'oreille. Il fit signe à Langdon de le rejoindre.

— Commissaire Bézu Fache, de la police judiciaire.

Sa voix profonde et gutturale rappelait le grondement du tonnerre avant l'orage.

— Robert Langdon. Enchanté, commissaire. Une large paume lui secoua vigoureusement la main.

— Votre inspecteur m'a montré la photo, dit Langdon. Est-il vrai que c'est Jacques Saunière lui- même qui... ?

Fache le fixa de ses yeux noirs.

— Ce que vous avez vu n'est que le début de sa mise en scène, monsieur Langdon...

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Le commissaire Bézu Fache avançait comme un taureau furieux dans l'arène, les épaules rejetées en arrière, le menton plaqué contre la poitrine. Ses cheveux noirs, luisants de gel, plantés en V sur le front, évoquaient la proue d'un navire. Son regard sombre et perçant, à la sévérité implacable, semblait tout brûler sur son passage.

Langdon descendit derrière Fache les marches du grand escalier de marbre, sous la pyramide de verre. Ils passèrent entre deux policiers armés de fusils-mitrailleurs qui montaient la garde en bas des marches. Le message était clair : ce soir, personne n'entre ni ne sort sans l'autorisation du commissaire Fache.

En descendant, Langdon luttait contre une inquiétude croissante. L'accueil de Fache n'avait rien d'avenant, et le Louvre lui-même baignait dans une atmosphère sépulcrale.

L'escalier n'était éclairé, comme les travées d'un cinéma, que par de petites ampoules nichées au creux des marches. Le toit en verrière, au travers duquel il voyait s'estomper peu à peu la bruine scintillante des jets d'eau, lui renvoyait l'écho de ses pas.

— Qu'en pensez-vous ? demanda Fache en accompagnant sa question d'un coup de menton vers le haut.

Trop fatigué pour biaiser, Langdon soupira :

— Elle est vraiment magnifique !

— Une verrue hideuse au cœur de Paris, grommela le commissaire.

Et d'une! Ce commissaire Fache n'avait pas l'air d'un type commode. Savait-il qu'à la demande explicite de François Mitterrand, la pyramide comportait exactement 666 losanges de verre - pour le plus grand bonheur des amateurs de mystère, ce Chiffre étant traditionnellement associé à Satan ?

Langdon préféra garder cette information pour lui.

Ils posèrent le pied sur le sol de l'atrium souterrain, dont l'immense espace émergea peu à peu de l'ombre. À près de vingt mètres sous le sol de la cour, le nouveau hall d'entrée du musée, d'une superficie de vingt-trois mille mètres carrés, ressemblait à

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une grotte sans fond aux murs de marbre ocre, un matériau choisi pour s'harmoniser avec la pierre des bâtiments qui le surplombaient. Habituellement rempli de lumière et de monde, l'atrium avait ce soir des allures de crypte obscure.

— Où est le personnel de sécurité ? s'informa Langdon.

— Ils sont en quarantaine. Il semble qu'ils aient laissé entrer ce soir un visiteur indésirable.

On est en train de les interroger un par un, dans l'aile Sully.

Ce sont mes propres agents qui les remplacent. Vous connaissiez bien Jacques Saunière ?

— De réputation, mais je ne l'ai jamais rencontré.

— Et pourtant, vous aviez rendez-vous avec lui ce soir..., insista Fache avec étonnement.

— En effet. Nous devions nous voir à l'Université américaine, au cocktail donné après ma conférence, mais il n'est pas venu.

Sans ralentir le pas, le commissaire griffonna quelques mots sur un carnet. Langdon eut le temps d'apercevoir la petite pyramide inversée au fond de la galerie qui partait sur sa droite, et monta derrière Fache une dizaine de marches d'escalier conduisant à un large couloir voûté surmonté de l'inscription «

DENON ».

— Qui avait sollicité l'entretien de ce soir, vous ou lui ?

interrogea le commissaire.

La question semblait étrange.

— Non, c'est M. Saunière. Sa secrétaire m'a contacté par e-mail à Harvard il y a quelques semaines, en m'annonçant que le conservateur souhaitait s'entretenir avec moi lors de mon passage à Paris.

— À quel propos ?

— Je n'en sais rien. Probablement sur un sujet d'ordre artistique. Nous avons des centres d'intérêt communs.

Fache avait l'air sceptique.

— Et vous ne lui avez pas demandé de quoi il s'agissait ?

Non. Il s'était posé la question, sur le moment, mais s'était gardé de réclamer des explications.

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Jacques Saunière était un homme solitaire, peu porté aux mondanités. Langdon s'était senti honoré de pouvoir rencontrer pareil personnage.

— Monsieur Langdon, ne pouvez-vous au moins essayer de deviner le sujet dont Saunière souhaitait vous parler ? Le soir même où il a été assassiné ? Ca pourrait être très utile pour notre enquête...

L'insistance de Fache mit Langdon mal à l'aise.

— Je suis un grand admirateur des travaux de M. Saunière et j'étais très flatté qu'il m'accorde un entretien. Je me sers beaucoup de ses ouvrages dans mes cours. Il se trouve que je travaille depuis un an sur un livre traitant d'un thème qui relève de sa compétence, et je me réjouissais de pouvoir bénéficier un peu de ses lumières.

Fache prit note dans son carnet.

— Très bien. Et de quoi s'agit-il ?

— De l'iconographie du culte de la grande déesse et du concept du Féminin sacré.

Fache se lissa les cheveux d'un air perplexe.

— Et c'était sa spécialité ?

C'était sans doute le spécialiste numéro un de la question.

— Je vois...

De toute évidence, le commissaire ne voyait pas du tout.

C'était pourtant la vérité. En plus de ses connaissances pointues sur les reliques concernant la déesse mère, le culte Wicca et le Féminin sacré, Jacques Saunière avait, en vingt ans de mandat, amassé pour le musée du Louvre la plus grande collection mondiale d'œuvres d'art sur ces thèmes : labrys des prêtresses de Delphes, le plus ancien sanctuaire grec, caducées magiques en or, centaines d' ankhs ressemblant à de petits anges debout, sistres, crécelles égyptiennes destinées à chasser les mauvais esprits, statuettes de la déesse Isis donnant le sein au dieu Horus...

— M. Saunière était peut-être au courant de ce manuscrit sur lequel vous travaillez. Il aura souhaité vous proposer son aide ? suggéra le commissaire.

— Personne n'est au courant de ce projet, à part mon éditeur.

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Langdon ne donna pas la raison du secret dont il entourait son projet. Le livre, qu'il avait l'intention d'intituler Les Symboles du Féminin sacré disparu, proposait une interprétation très anticonformiste de l'art religieux qui ne manquerait pas de susciter de vives controverses.

Le long couloir débouchait sur deux escalators immobilisés qui encadraient un petit escalier.

N'entendant plus les pas de Fache derrière lui, Langdon se retourna. Le commissaire s'était arrêté devant la porte d'un ascenseur de service.

— Par ici, monsieur Langdon, ça ira beaucoup vite.

Et comme l'Américain semblait hésiter, malgré l'utilité évidente de l'ascenseur pour gravir les deux étages :

— Quelque chose qui cloche ?

Tout va très bien, se mentit Langdon en le rejoignant.

Lorsqu'il était enfant, il était tombé dans un puits au fond duquel il avait passé plusieurs heures d'épouvante avant qu'on vienne le secourir. Il souffrait depuis de claustrophobie. Les ascenseurs sont des appareils offrant toutes les garanties de sécurité, se répétait-il chaque fois qu'il devait en prendre un.