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— Mais je me fous pas de vous. J’ai été contacté par un type que je connais pas et qui m’a proposé une belle prime pour vous descendre.

— Voyez-vous ! Et pourquoi voulait-il me faire démolir, ce gentleman ?

— Ah ! ça, c’est ses oignons.

Lui, il n’était que la baguette magique destinée à réaliser l’étrange vœu du monsieur.

— Il t’a offert combien ?

— Dix briques.

Je fais une moue flattée.

— Je suis très honoré.

— Dame, fait-il, un commissaire » c’est du boulot super-délicat !

Il ricane entre ses grosses lèvres boudinées par les coups :

— Surtout que des coriaces comme vous, y en a pas lerche.

— Je suis un zig dans le genre de Raspoutine, expliqué-je. Bon, raconte encore…

— J’ai marché. Dix briques, juste à une période où je mégotais, faut être juste !

— Je compte sur toi. Comment as-tu découvert que je n’étais pas mort ?

C’est pas moi, c’est le gars dont je vous cause. Et il me l’a appris seulement hier.

— Quand ?

— En fin de journée. Il m’a téléphoné au café que je fréquente. Il voulait que je nettoie un autre zig. Un certain…

— Carlier ?

— Oui, c’est ça. Il m’a dit : « J’aimerais que son corps disparaisse un certain temps, vous devriez le cacher dans le caveau de famille du commissaire San-Antonio car j’ai l’impression que Lazare a fait école. »

— Autre chose, c’est bien entendu le même type qui t’a demandé de tuer ma mère ?

— Oui.

— Ma parole, tu travailles au forfait, si je puis dire.

« Et tu as également buté la petite Duchemin ?

Il sourcille. Étant donné la situation dans laquelle il est enfoncé, je ne vois pas pourquoi il se mettrait à faire des cachotteries. Il sait que tout est fini pour lui et en dur endurci, il a la philosophie de l’échec.

— Non, je connais seulement pas ce nom-là.

— Tu veux que je te le fasse connaître ! propose le Gros en lui refilant un coup de tatane dans le baigneur.

— Dites à vot’ bulldozer de se ménager, ronchonne le tueur. Si ça vous fait réellement plaisir, je vais vous dire banco, c’est moi qu’a buté la gonzesse en question. Et pourtant c’est pas moi.

Après tout, songé-je, n’est peut-être pas lui. L’homme qui remplace le D.D.T. n’a pas le privilège de l’assassinat.

— Comment s’est opéré l’assassinat de Carlier ?

— J’avais entendu causer de lui par cet enviandé de Pierrot-Gourmand. Je lui ai bonni des vannes comme quoi je devais brader un stock de machines et que s’il me présentait y aurait un bouquet pour lui. le Pierrot ne m’a donc pas chambré. Il n’a effectivement joué qu’un rôle d’entremetteur dans le meurtre.

— Après ?

— On a été le chercher dans un bar où il fréquentait. Pierrot nous a mis en cheville puis il s’est tiré. Moi, j’ai raconté une salade à ce mec pour l’embarquer jusqu’à Saint-Cloud. Je lui ai raconté que les machines étaient planquées dans un caveau du cimetière et cette truffe m’a aidé à l’ouvrir. Ensuite, je lui ai fait ses obsèques, quoi !

— Tu te fais appeler Carville ? dis-je.

— Dans la clandestinité, rigole l’aimable trucideur.

Un coup de semelle signé Béru lui ôte le sarcasme des lèvres. Il y a une minute de silence, comme lorsqu’on règle le gaz sous l’Arc. Quelque chose de bizarroïde tournique sous ma coiffe. Je suis frappé par un détail insolite. Comprenez s’il vous reste suffisamment de cellules grises : l’homme machiavélique qui a voulu ma mort a chargé Casati de tuer Félicie. Il l’a fait à la suite de l’article, parce qu’il croyait vraiment que j’étais out et que ma brave femme de mère savait des choses nuisibles pour sa santé. Or, quelques heures après l’exécution d’Adèle (qui était supposée être Félicie) le même homme a annoncé au tueur qu’il pourrait coller la carcasse de Carlier dans notre caveau parce qu’il avait l’impression que Lazare avait fait école ! Donc, à ce moment-là, il savait que je n’étais pas canné. Et il l’ignorait au moment de la mort d’Adèle. Intéressant, non ? Le personnage est revenu de son erreur entre l’assassinat d’Adèle et celui de Carlier. Or, au lieu de me désigner au pistolet de Casati, il ne s’est plus occupé de moi. À quatre reprises on a essayé de me tuer. On a foutu le feu à ma baraque, on a dessoudé Adèle. Et, brusquement, je cesse d’intéresser. Voilà du mystère de la bonne cuvée, vous ne pensez pas ?

Je vois sur vos vitrines que vous ne pensez pas. C’est congénital chez vous. Ah ! vous n’êtes pas des roseaux, mes pauvres mecs !

— Ben quoi, reproche l’Énorme, tu lui causes plus ?

Je reviens à mon mouton.

— Tu connais un certain Maurin ?

— Non.

— Sûr ?

— Certain.

Je lui tends la photographie représentant Virginie et son fiancé.

— Et ces gens-là ?

— Jamais vus.

— On t’a jamais parlé d’une machine à écrire qui serait d’un genre un peu… particulier.

— Non plus.

— Écoute, tranche le Gros, je trouve que depuis un moment cet affreux ne sait plus rien. Tu penses pas que je pourrais y redonner un peu de jus de mémoire ?

Avant d’avoir obtenu mon accord verbal, voilà mon puissant Béru qui empoigne Casati, le remet sur ses cannes, et lui tambourine la calebasse contre la cloison jusqu’à ce que ça produise des étincelles.

— Arrêtez, quoi ! se lamente le tueur. Puisque je vous dis que c’est classe.

Je touche l’épaule du Gravos.

— Ne le finis pas, j’ai encore à lui parler.

En maugréant, le Pharamineux lâche son os, de très mauvais poil.

— Mon petit Casati, fais-je, Il ne te reste plus qu’à me donner le signalement du brave homme qui s’est assuré tes services.

Il a un faible sourire édenté et tuméfié.

— Ça m’étonnait que vous ne me le demandiez pas, dit-il.

— Eh bien ! tu vois, il ne faut jamais s’étonner trop vite ; fais-moi une belle description en technicolor, j’aime.

— Facile. C’est un petit vieux.

— Un petit vieux !

Je trouve assez inattendu ce départ. En général, un monsieur qui en paie un autre pour trucider ses contemporains se conçoit sous un aspect plus fringant.

— Un petit vieux comment ? insisté-je.

— Déplumé, pas grand, à moustache, avec des lunettes d’or et un sonotone.

Je suis tellement baba, en reconnaissant le signalement caractéristique de Bijou, qu’en me voyant, un pâtissier m’arroserait de rhum. Car y a pas d’erreur, mes frères : seul le Bijou des familles peut correspondre à cette description.

— Et il crèche où ?

— Je ne sais pas. C’est toujours lui qui m’a contacté.

— Vu, ça sera tout pour l’instant, fiston. Oh ! pardon, j’oubliais.

Je prends mon temps et je lui place une droite au menton si mahousse qu’elle le soulève de terre. Je devais bien ça à la mémoire de ma pauvre Adèle, non ?

Ce tordu s’écroule comme un tas de linge sale et je fonce au placard secret afin d’aller bavarder avec ma petite Marion jolie.

Elle est déprimée, la pauvrette, depuis des heures qu’elle mijote dans ce réduit.

Je m’installe sur le bat-flanc, à ses côtés.

— Dis, chérie, j’attaque, tu ne m’avais pas dit que ton Bijou était un redoutable malfaiteur !

Elle en ouvre des gobilles format boules de verre pour filets de pêcheurs.

— Quoi !

Je lui fais alors un très rapide mais très complet résumé de ce qui précède et elle m’écoute comme une petite fille bien sage à qui on bonnirait pour la first fois l’histoire angoissante et passionnante du Chaperon Rouquinos. Lorsque je me tais, Mlle Dessous-Troublants secoue la tête.