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« Que pensez-vous du Big Between ?

Je dis que ce triumvirat insolite ne m’inspirait pas confiance, il ne cadrait pas avec l’idée que je commençais à me faire du B.B. Je dis que, par contre, Duck me fascinait, qu’il avait sur moi une emprise que personne encore n’avait exercée. Je dis que j’étais amoureux de la mystérieuse fille brune. Je dis que je me sentais fort comme jamais. Je dis que je souhaitais m’initier à fond à l’Organisation et la diriger un jour si on m’en jugeait digne.

« Que pensez-vous du Big Between ? »

Je pensais qu’en réalité, il n’était pas indépendant, mais au service d’une grande puissance qui pouvait bien être les States. C’était un pouvoir annexe. Un Etat dans l’Etat. Je dis que je supposais que l’île se trouvait en territoire mexicain.

Je dis, je dis, je dis…

En hurlant ! En sanglotant ! En implorant.

Je dis…

Et quand j’eus tout dit, je perdis conscience. Au moment de m’inscrire aux abonnés absents, j’avais décidé de rompre avec ces gens dont les méthodes nazies humiliaient l’humanité tout entière. Mais auparavant j’irais jusqu’au bout de l’ahurissante expérience.

* * *

Après cet interrogatoire, je fus dorloté et n’eus plus d’autres épreuves à subir. Je passis trois jours à me goberger, à déguster des petits plats, à être massé par un kinési chinois.

Je dormas beaucoup. Pris des bains de soleil, d’autres dans la piscine.

On m’oignit, on me colmata, on me réconfortit. C’était bath. Nickel. Le pied.

Me restait à attendre les résultats du bac.

Je devinais que ces quinze jours venaient d’apporter quelque chose de décisif à mon « dossier ». J’allais être définitivement in ou out.

* * *

Je rôdais autour de la piscaille, espérant revoir l’admirable créature de rêve qui hantait mes nuits, mes jours et la poche kangourou de mon slip.

Elle n’y était point. Une sourde fringale sexuelle me batifolait dans la glandaille. J’avais mille lutins microscopiques affairés sur mes joyeuses, connectant mes centres nerveux, branchant mes canaux d’expansion, bref accomplissant tout un turf destiné à rendre inévitable la plus forte triquerie de ma vie copulatoire. Les sévices subis avaient peaufiné mes sens, aiguisé mes appétits sexuels. En un mot, je me sentais tellement en manque que j’aurais embroqué une chèvre ou une entrée de métro.

Allongé sur un transat, je me faisais bronzer, et le soleil n’arrangeait pas mon problo. T’as qu’à mater sur les plages les messieurs qui baignent-de-soleil. Dis, t’as vu leur maillot, comment qu’il se déguise en chapiteau Jean-Richard ? Et même Barnum !

C’était un moment à la fois exaltant et douloureux. L’exci-ta-tion est belle lorsqu’elle est intense, mais navrante quand elle ne peut s’exprimer.

Au bout d’un long moment, cette faim d’amour devint si intolérable que je pensis demander un bon de coït aux autorités de l’île afin de me désencombrer les aumônières.

C’est alors que j’aperçus une gracieuse silhouette planquée derrière le bloc des douches. Je reconnus Tina. Elle me surveillait à la dérobée. Ou plutôt, elle me « regardait ». La différence tient au fait qu’elle agissait pour son compte (et, je l’espère, son plaisir) personnel.

Et sais-tu ce qu’elle fixait avec un air rendu grave par la convoitise ? Fais sortir les enfants, je vais t’y dire. Elle contemplait mon tricotin, tout bonnement. Ç’avait dû lui attirer le regard, ce mât de misaine (ou de misère) qui semblait vouloir crever l’étoffe de mon boxer-short. Alors elle s’était mise à l’affût, ma polissonne. Le bloc des douches se trouvait dans un renfoncement, et il était impossible de l’apercevoir si l’on ne se trouvait pas pile dans le bon axe, comme j’y étais présentement.

Je quittai mon fauteuil de toile, m’étirai… Ensuite, d’un pas lent, je me dirigeai vers les douches. Aussitôt, Tina disparut de ma vue. Elle s’était planquée dans l’angle du renfoncement.

Je me sentais fortiche tout plein, redevenu Santan-tonio. Le vrai ! Le queutard ! J’avais assez subi. C’était à M. Mézigue de prendre des décisions du premier degré.

Une fois parvenu au bloc de douches, j’ôtais mes fringues. Madoué, mon perchoir à perroquet ne s’était jamais mieux porté ! T’aurais vu sa fringance ! Sa masse critique ! Ses tons apoplectiques ! Je choisis un compartiment, ouvris la flotte en grand. Après quoi je saisis une délicate savonnette, y perçai un trou du diamètre d’une pièce de deux francs et y enfonçai mon micro-pendentif. Puis ressortis de la cabine et la contournis.

Tina était toujours là, blottie comme je l’imaginais dans l’angle carrelé du local. Je lui souris, mon zob lui sourit également. Elle nous considéra tous les deux avec des yeux qui chaviraient. Je lui montris la savonnette qui enveloppait le micro, puis lui tendis la main.

Fascinée comme l’oiseau l’est par le serpent du jeu de maume[2], elle mit sa main d’oiseau dans ma main de serpent.

Alors je l’attiris sous la douche cinglante.

Au premier contact elle suffoqua. En un clin de z’œil, ses cheveux furent plaqués sur sa tête et ses menus vêtements sur son corps parfait. L’eau lui coulait de partout. Il en perlait au bout de son nez, et je la léchai. Ma main véhémente fit craquer d’un geste soudard le léger chemisier. Deux seins jaillirent, plus drus que les menus jets impétueux sortant des pommeaux de douche. Je bus la flotte tiède qui ruisselait en cascade sur ces deux fabuleux mamelons.

C’est alors qu’elle ne se contint plus, Tina. Jus-qu’alors elle s’était montrée docile, passive même. Mais sa frénésie éclata. Elle oublia le Big B, le little C, l’âge canonique du Président Reagan, la couleur du cheval blanc d’Henri IV, les fredaines de Joséphine la Béarnaise, les beaux harnais du carrosse de la reine d’Angleterre et Grande Banlieue. Tout ! Elle oublia tout pour se jeter comme une folle sur mon éminent camarade Lapointe. Te me l’engouffra vite fait bien fait à s’en péter les mâchoires. Et l’eau nous arrosait sans fin. Nous fouettait ! On partageait un désir si faramineux qu’on aurait voulu tout d’un seul coup. L’explosion absolue dans les étoiles.

Puis elle cessa de glouper Popaul pour poser son short de cuir. Comme il était détrempé, il lui collait après telle sa peau à un cachalot. Ce fut une opération, longue et exaspérante. On en aboyait d’impatience, elle et moi. Parfaitement : on ne parlait plus, on aboyait, ou bien on glapissait, faudrait analyser. On était deux animaux happés par les dents féroces du piège de l’amour, comme l’écrit Hervé Bazin dans son « Je croise en Dieu » qui lui a valu le prix Staline et le prix Karl-Marx. On subissait la dure (ô combien) loi du fignedé. Implacable !

Un moment, on a cru qu’on parviendrait pas à l’ôter, ce putain de short de merde ! J’allais falloir l’embroquer à travers, Ninette ! Je pouvais m’attaquer à du cuir, note bien, avec un paf de cet acabit. Y existait des pics à glace moins solides, des pieds-de-biche plus timorés que mon hyper-braque de violeur.

En réunissant nos efforts, on est parvenus enfin à la soulager de ce carcan, ma salopiote. J’aurais dû sûrement comporter en gentilhomme de France, lui précurser l’admission par des mamours adéquates : langue de velours, gousi-goulette six doigts et le toutim. Impossible. Ça pressait trop. J’aurais déjanté. On serait allé à la catastrophe. On pouvait provoquer une explosion. Fallait terminer le parcours vite fait, bien fait !

Le temps de la pirouetter, de l’incliner à quarante-cinq degrés devant moi et c’était parti pour la botte finale. Elle avait la tronche hors de la cabine étroite, vu notre position.

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2

Pas besoin de bouffer du cassoulet pour contrepéter.