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— Moi non plus. C’est du grand art…

— De nuit on est allé à la cabane…

Il se tait, la voix cassée.

— Chez moi, y avait mon ami le coiffeur… Il vient souvent passer des veillées et…

— Écoute, Gros, encouragé-je, ça fait des millénaires que nous savons que tu es cornard, tu ne vas pas me jouer la grande scène du deux, celle où le mari va se brûler la cervelle à l’eau bouillante ! Y a pas de mal à ça, Napoléon l’était aussi, si tu veux des références. Et puis d’abord tout le monde l’est, c’est de naissance !

Rasséréné, il poursuit.

— Tas raison. Bien, alors voilà Caseck qui commence à filer une avoine monumentale au coiffeur…

— Tu devais bicher, bonhomme ?

— Oui, admet-il, confus. Je ne suis pas un mauvais cheval, mais ça m’a fait plaisir. Du temps qu’ils y étaient ils ont balanstiqué plusieurs tartes à ma femme…

— Celles-ci itou t’ont ravi, non ?

— Merde, me psychanalyse pas toujours ! grommelle le Gros. Je peux y aller ?

— Va !

— Bon, on s’est retrouvé, le coiffeur et moi, sur le plancher, ligotés. Caseck a alors dit à ma grosse que si elle disait quoi que ce soit, si elle appelait, si elle essayait de faire la maligne, ils nous bousillaient, le pommadin et moi.

« Et puis Caseck est parti… Il est revenu plus tard en compagnie du professeur… Il est ressorti encore… Il est re-revenu… Voilà… La journée a passé, tu es providentiellement arrivé…

— Tu parles ! Et il s’en est fallu d’un cheveu… Si ta veste ne s’était pas trouvée au portemanteau…

— Le plus poilant, dit-il, c’est que ce sont eux qui me l’ont ôtée pour pouvoir me ligoter plus serré. Ah ! j’étais ankylosé, mort !

Il se tait. Un instant plus tard, il roupille du sommeil du juste.

CONCLUSION

En claudiquant je pénètre dans le bureau du Vieux… Il s’empresse, contrairement à son habitude, me fait asseoir et me propose de quoi fumer.

— Mon cher San-Antonio, murmure-t-il. Vous avez une fois de plus fait de l’excellent travail.

— Merci, patron.

— Comment vous sentez-vous ?

— Mieux…

— Parfait.

Il se frotte les mains.

— Le professeur Munhssen a repris conscience, il a pu s’expliquer tant bien que mal. Son récit est assez confus… En gros, voici ce qu’il ressort. Pendant la dernière guerre, Munhssen a travaillé en collaboration avec un savant allemand, passé depuis en deçà du rideau de fer. Ensemble ils avaient entrepris des recherches concernant un explosif d’une puissance jamais égalée…

Le Vieux se rengorge. Le voilà parti dans les grands superlatifs maison. Il caresse son crâne ivoirin, lisse la peau brillante de ses paluches et poursuit :

— L’Allemand n’a pu aboutir dans ses recherches. Munhssen si. Des propositions lui ont été faites de travailler avec son ancien collaborateur. Il a refusé, ne partageant pas les nouvelles opinions politiques de celui-ci… De la simple proposition on en est venu aux menaces… On lui a dit que sa fille serait abattue aux États-Unis s’il refusait… Le malheureux a alors décidé d’en finir avec la vie. Il a voulu disparaître avec son invention et a provoqué la fameuse explosion qui a détruit son laboratoire et qui a failli le tuer…

— Il s’est sabordé, quoi !

— Oui. Mais il s’est seulement blessé. On l’a soigné. Lorsqu’il a été mieux, il est retourné chez lui, soigné par une infirmière spécialisée… Celle-ci a eu l’accident que vous savez, et alors les Caseck (car la femme blonde était celle du Tchèque) ont pris possession de la maison. Ils appartenaient à un réseau d’espionnage et avaient pour mission d’enlever Munhssen, ses adversaires ayant peur qu’il ne mît fin à ses jours.

— Je me doutais d’un truc de ce genre, chef !

Mécontent de cette interruption, il fronce les sourcils.

— Alors, voyez-vous, reprend le Vieux, ils l’ont obligé d’annoncer à son entourage qu’il partait en convalescence… à écrire à sa fille… Bref, à se comporter en tous points comme s’il partait normalement.

« Et puis, une nuit ils ont pris la route… Leur première étape devait être la France. C’était de là qu’un avion spécial devait prendre clandestinement le savant pour l’emmener au-delà du rideau de fer. Seulement les Caseck avaient d’autres ambitions : laisser se développer l’affaire et négocier une rançon, en France, avec le gouvernement danois pour la restitution de Munhssen… Ils ont commencé à mettre celui-ci en sécurité, vous savez où… Seulement, pour éviter toutes indiscrétions de sa part, ils le faisaient droguer par la dame Berthier.

— Exactement ce que je pensais ! ne puis-je m’empêcher de lâcher.

Le Vieux fait « tsst tsst tsst » et continue :

— Naturellement le réseau de Caseck a dressé l’oreille quand le tchèque a prétendu que le savant était intransportable. Rendez-vous a été donné à Caseck à Sarrebruck… Il a dépêché son épouse avec des photographies du vieillard pour prouver que ce dernier était dans un état critique… Le suite, mon cher San Antonio, vous la connaissez mieux que moi puisque vous l’avez vécue…

— C’est le prof qui vous a raconté tout ça ?

Il sourit…

— Le professeur et la femme Caseck… Elle est perdue mais elle dit des mots sans suite dans son coma. J’ai fait placer à son chevet un traducteur tchèque qui sténographie toutes les paroles qu’elle profère. Ces dernières m’ont servi à étayer le récit de Munhssen…

Le Vieux me tend la main.

— Prenez huit jours de convalescence… J’aurai un travail pour vous la semaine prochaine.

Je lui serre les salsifis et je me lève.

En gagnant mon bureau je pense bêtement à un minuscule détail qui, pourtant, me tracasse. Pourquoi Caseck a-t-il téléphoné de Riva-Bella à la mère Berthier pour demander que sa femme aille le chercher en voiture puisque la fille blonde n’a pas quitté l’hôtel… Il pouvait la joindre directement, non ?

Je décroche le bigophone et j’appelle l’Hôtel des Deux Ponts et de la République Réunis. C’est la voix morne du taulier qui murmure :

— Allô !

Pour ne pas me perdre en préambule, je dis :

— Ici le centre la téléphonie. Vous étiez bien en dérangement, dimanche soir ?

Il y a un court silence. Après quoi la voix dit avec une légère pointe d’ironie.

— Oui, m’sieur le commissaire, j’étais en dérangement du samedi midi au lundi soir…

Un rire aigrelet et il raccroche…

Mince alors, j’ai une voix tellement identifiable, les potes ? Vous ne me l’avez jamais dit !

On frappe. Encore le standardiste.

D’un ton routinier il dit, laconique :

— C’est le câble Pinaud.

Je m’en saisis.

Me suis encore trompé avion retour, stop. Descendrai à Karachi, stop. Prière prévenir Mme Pinaud, stop. Inutile me câbler ce que tu penses, stop. Je le sais.

Inspecteur principal Pinaud
FIN