Le même soir, dans la banlieue de Brooklyn, près d’un pont de chemin de fer qui enjambe le canal.
L’endroit, sinistre, est complètement désert. Deux policiers en uniforme font une ronde en se tenant par la main.
— Sale coin ! fait le premier.
— À qui le dites-vous, fait le second.
— Mais à vous, mon vieux, puisque il n’y a personne d’autre.
Soudain, un brutal coup de frein, le bruit d’une portière qu’on claque, une rafale de mitraillette, et un corps violemment projeté atterrit à leurs pieds.
— Oh, oh ! fait le premier, les macchabées volent bas ce soir.
— Oui, signe d’orage, fait le deuxième.
— Y a un papier épinglé sur la poitrine du type !
— Voyons. Oh ! Oh ! Quelque chose d’écrit…
— Quoi donc !
— Voyez vous-même : Zut pour celui qui le lira.
Écœurés, les deux hommes s’éloignent et s’enfoncent respectivement, l’un dans la nuit et l’autre un clou dans la fesse droite.
Voilà. Et maintenant, repos pour le suspense, vacances pour la bagarre, assez d’émotions fortes pour aujourd’hui et la suite à un de ces jours…
SCHMILBLICK
À l’inverse d’une idée reçue, le « Schmilblick » n’a pas été inventé par Coluche ou par Guy Lux. Au début des années cinquante, Pierre Dac, d’origine alsacienne, donne naissance à ce mot en même temps qu’à l’extraordinaire invention des frères Jules et Raphaël Fauderche…
« C’est dans la nuit du 21 novembre au 18 juillet de la même année que les frères Fauderche ont jeté les bases de cet extraordinaire appareil dont la conception révolutionnaire bouleverse de fond en comble toutes les lois communément admises tant dans le domaine de la physique thermonucléaire que dans celui de la gynécologie dans l’espace.
Voici les principales caractéristiques de cette géniale invention.
Le Schmilblick des frères Fauderche est rigoureusement intégral, en ce sens qu’il peut à la fois servir de Schmilblick d’intérieur, grâce à la taille réduite de ses gorgomoches, et de Schmilblick de campagne grâce à sa mostoblase et à ses deux glotosifres qui lui permettent d’urnapouiller les istioplocks même par les plus basses températures.
L’un des principaux éléments du Schmilblick est la papsouille à turole d’admission qui laisse passer un certain volume de laplaxmol, lequel, comme nul ne l’ignore, n’est autre qu’un combiné de smitmuphre à l’état pur et de roustimalabémol sulsiphoré. Le laplaxmol, après avoir été soumis à un courant polyfoisé de l’ordre de 2 000 spickmocks exactement — moins, ce ne serait pas assez, plus ce serait trop —, se transforme alors en troufinium filtrant, non pas à l’état métalbornique, ce qui serait non seulement ridicule, mais encore totalement inopérant, mais bel et bien à l’état guilmanuré, d’où formation de gildoplate de raboninite, élément neuromoteur et fondamental du Schmilblick.
La mise en marche du Schmilblick est, vous allez en juger, d’une déconcertante facilité puisqu’elle s’opère par simple rivaxion de la rabruche.
Automatiquement, le flugdug — le flugdug métranoclapsoïdique, naturellement, autrement, ça n’aurait aucun sens —, le flugdug, donc, entraîne, par le jeu de sa liquemouille et de ses trois spodules, le bournoufle du grand berdinière, qui faisant pression sur la rutole de sibergement libère la masse des zavaltarépodes, lesquels poussent le clampier dans la direction du viret d’alcalimon. Jusqu’à ces derniers temps, il y avait à ce stade un risque permanent de calcifrage par suite du passage du flagdazmuhl dans le calcif du propentaire de nortification.
Or, il a suffi aux frères Fauderche de brancher un simple schpatzinock du commerce sur le bidule d’échappement et deux pepsoïdaux clatinomalfoireux sur l’artimon préférentiel pour placer le Schmilblick en position idéale d’évernescence pornogyrotringloïdale, d’où élimination radicale et radicale-socialiste de tout risque d’accident — plus de saturation par accumulation des gaz splélémétriques, désormais fulmiférés par le lavalnaplage électronique des onazbiplucks, plus d’autogaltralaminage puisque l’utilisation rationnelle, dans les clangons paphomoteurs de la force extraphalzaroïdique, laquelle, comme nul ne l’ignore, est proportionnelle au carré des ondes talardinconcentriques.
Tel est, dans ses lignes essentielles, le Schmilblick de Jules et Raphaël Fauderche, que les plus hautes autorités scientifiques internationales s’accordent à reconnaître, non seulement comme la plus étonnante découverte de tous les temps, mais encore et surtout comme la seule panacée possible au sein d’une humanité klakmufément rénovée dans le cadre grandiose d’une civilisation schnapso-pifotroniquement et schmilblickement pacifiée. »
THÉÂTRE
Incollable sur le théâtre classique, le poète Pierre Dac s’est amusé, au début des années trente, à parodier Phèdre de Jean Racine. Adorant se déguiser, il a régulièrement interprété ce sketch dans un cabaret parisien, Chez Odett’, avec, à ses côtés, le maître des lieux, René Goupil, dit Odett’, ainsi que Fernand Rauzéna, son fidèle complice à la radio. Un monument de la loufoquerie devenu un classique.
PERSONNAGES
PHÈDRE
SINUSITE (1re servante de Phèdre)
PET-DE-NONNE (2e servante)
HIPPOLYTE
THÉRAMÈNE
LE CHŒUR ANTIQUE
LE CHŒUR ANTIQUE (gueulant)
Ô puissant Dieu des Grecs, je viens sous votre loi
Faire entendre en ces lieux ma douce et faible voix.
De Phèdre et d’Hippolyte au lourd passé de gloire
Je veux ressusciter la tragique mémoire…
Phèdre aimait son beau-fils, Hippolyte au cœur pur,
Qui lui ne voulait pas de cet amour impur.
Ce que vous entendrez ici n’est pas un mythe
Mais le récit vécu de Phèdre et d’Hippolyte.
THÉRAMÈNE
Tu me parais bien pâle et triste à regarder
Qu’as-tu donc, Hippolyte ?
HIPPOLYTE
Je suis bien emmerdé !
THÉRAMÈNE
C’est un sous-entendu mais je crois le comprendre.
Va, dis-moi ton chagrin, je suis prêt à l’entendre.
HIPPOLYTE
Le dessein en est pris, je pars, cher Théramène,
Car Phèdre me poursuit de ses amours malsaines.
THÉRAMÈNE
Et Aricie alors ?
HIPPOLYTE
Ah ! Ne m’en parle pas !
Quand j’évoque la nuit ses innocents appas
J’ai des perturbations dedans la tubulure
Car cette Aricie-là je l’ai dans la fressure,
Elle est partout en moi, j’en ai le cerveau las,
J’ai l’Aride ici et j’ai l’Aricie là !
THÉRAMÈNE
Elle a pris je le vois et tes sens et ta tête…
HIPPOLYTE
Ah ! Je veux oublier le lieu de sa retraite !