THÉRAMÈNE
La retraite de qui ?
HIPPOLYTE
La retrait’ d’Aricie
Qu’elle sorte de moi ! Aricie la sortie !
THÉRAMÈNE
Mais qui vois-je avancer en sa grâce hautaine ?
N’est-ce pas de l’amour la plus pure vision ?
C’est l’ardente sirène, la sirène des reines,
C’est Phèdre au sein gonflé des plus folles passions !
PHÈDRE entrant avec ses servantes
Oui, c’est moi, me voici. Tiens, c’est toi, Théramène ?
Que viens-tu faire ici ?
THÉRAMÈNE
Je venais, souveraine
Vous redire à nouveau mon récit tant vécu…
PHÈDRE
Ton récit je l’connais, tu peux te l’foutre au cul !
À l’écouter encor’ j’en aurais du malaise
Il y a trop longtemps que Théramèn’ ta fraise !!!
PHÈDRE
Hippolyte ! Ah ! Grands dieux, je ne peux plus parler
Et je sens tout mon corps se transir et brûler !
HIPPOLYTE
Ô rage ! Ô désespoir ! Ô détestable race !
PHÈDRE
Par Jupiter je crois qu’il me trait’ de pétasse !
SINUSITE
Laissez-le donc, maîtresse, il ne,veut point de vous !
PHÈDRE
Et moi j’en veux que j’dis, et j’l’aurai jusqu’au bout !
(À Hippolyte)
N’as-tu donc rien compris de mes tendres desseins ?
T’as-t-y tâté mes cuiss’s, t’as-t-y tâté mes seins ?
Ne sens-tu pas les feux dont ma chair est troublée.
HIPPOLYTE
C’est Vénus tout entière à sa proie attachée !
PHÈDRE
Oui, pour te posséder je me sens prête à tout !
Que veux-tu que j’te fasse ? Je suis à tes genoux…
Que n’ai-je su plus tôt que tu étais sans flamme…
HIPPOLYTE
Certes il eût mieux valu que vous l’sussiez, madame…
PHÈDRE
Mais je n’demand’ que ça !
HIPPOLYTE
De grâc’ relevez-vous…
PHÈDRE
Voyons tu n’y pens’s pas, je n’peux pas fair’ ça d’bout
HIPPOLYTE
N’insistez pas, madam’, rien ne peut m’ébranler.
PHÈDRE
Si t’aim’s pas ça non plus, j’ai plus qu’à m’débiner !
HIPPOLYTE
C’est ça, partez, madame, allez vers qui vous aime.
PHÈDRE
Par les breloqu’s d’Hercul’ je resterai quand même !
Ah ! Que ne suis-je assise à l’ombre des palmiers…
HIPPOLYTE
Et pourquoi donc, madame ?
PHÈDRE
Parc’que là tu verrais
Ce dont je suis capable et ce que je sais faire…
Je connais de l’amour quatre cent vingt-huit manières !
HIPPOLYTE
C’est beaucoup trop pour moi, madame, voyez-vous.
PHÈDRE
Dis, t’es pas un peu dingu’ ? Ça s’fait pas d’un seul coup !
Oui je sais distiller les plus rares ivresses…
C’est-y vrai, Sinusite et Pet-d’Nonne ?
LES SERVANTES (un peu gênées)
Oui, c’est vrai, chèr’ maîtresse…
HIPPOLYTE
Je ne serais pour vous d’aucune utilité
Je ne suis que faiblesse et que fragilité.
PHÈDRE
On n’te demande rien ! Je frai le nécessaire
T’as pas à t’fatiguer, t’auras qu’à t’laisser faire.
HIPPOLYTE
Le marbre auprès de moi est brûlant comme un feu…
PHÈDRE
J’suis pas feignant’ sous l’homme et j’travaill’rai pour deux !
HIPPOLYTE
Vos propos licencieux qui blessent les dieux mêmes
Point ne les veux entendre, c’est Aricie que j’aime.
PHÈDRE
Mais de quels vains espoirs t’es-tu donc abusé ?
Aricie est pucelle et n’a jamais…
HIPPOLYTE
Je sais !
Mais c’est cela surtout qui me la rend aimable…
PHÈDRE
Oui mais pour c’qu’est d’la chose elle doit être minable !
Allons, va, n’y pens’ plus et sois mon p’tit amant
Tu connaîtras par moi tous les enchantements !
HIPPOLYTE
De grâce apaisez-vous, je me sens mal à l’aise…
PHÈDRE
Viens, pour te ranimer j’te frai l’Péloponnèse !
HIPPOLYTE
Qu’est-ce encor’ que cela ?
PHÈDRE
C’est un truc épatant !
Ça s’fait les pieds au mur et l’nez dans du vin blanc
HIPPOLYTE
De tant de perversion tout mon être s’affole.
PHÈDRE
Ben qu’est c’que tu dirais si j’te f’sais l’Acropole.
HIPPOLYTE
Quelle horreur !
PHÈDRE
Comm’ tu dis ! Mais c’est bougrement bon…
Ça s’fait en descendant les march’s du Parthénon !
HIPPOLYTE
Prenez garde, madame, et craignez mon courroux !
PHÈDRE
C’est ça, vas-y Polyte, bats-moi, fous-moi des coups !
HIPPOLYTE
Vous frapper ? Moi, jamais, mon honneur est sans tache.
PHÈDRE
Mais y a pas d’déshonneur, moi j’aim’ ça l’amour vache…
Viens, tu s’ras mon p’tit homme et j’te donn’rai des sous…
HIPPOLYTE
Ah ! Que ne suis-je assis à l’ombre des bambous…
Je ne veux rien de vous, mon cœur reste de roche !
PHÈDRE (câline)
Qu’est-c’que tu dirais d’un p’tit cadran solaire de poche ?
J’te f’rai fair’ sur mesure un’ joli’ peau d’mouton
Et pour les jours fériés des cothurn’s à boutons…
HIPPOLYTE
Croyez-vous donc m’avoir en m’offrant des chaussures ?
C’est croire que mon cœur du vôtre a la pointure !
PHÈDRE
En parlant de pointure, si j’en juge à ton nez
Ell’ doit être un peu là si c’est proportionné !