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HIPPOLYTE

Vous devriez rougir de vos propos infâmes

Vous me faites horreur, ô méprisable femme !

PHÈDRE

À la fin c’en est trop ! Mais n’as-tu donc rien là ?

HIPPOLYTE

Madame je n’ai point de sentiments si bas.

PHÈDRE

Les feux qui me dévorent ne sont pas éphémères…

Hippolyt’ je voudrais que tu me rendiss’s mère.

HIPPOLYTE

Ciel ! Qu’est-ce que j’entends ? Madame, oubliez-vous

Que Thésée est mon père et qu’il est votre époux ?

PHÈDRE

C’qui fait que j’suis ta mèr’, c’est pour ça qu’tu t’tortilles ?

Ben comm’ ça tout s’pass’ra honnêt’ment en famille.

HIPPOLYTE

Mais si de cet impur et vil accouplement

Il nous venait un fils, que serait cet enfant ?

PHÈDRE

Puisque je s’rais ta femme en mêm’ temps que ta mère

L’enfant serait ton fils en mêm’ temps que ton frère…

HIPPOLYTE

Et si c’était un’ fill’ qu’engendrait votre sein ?

PHÈDRE

Ta fill’ serait ta sœur et ton frèr’ mon cousin !

HIPPOLYTE

Ah ! Que ne suis-je assis à l’ombre des pelouses…

PHÈDRE

Tu parl’s ! Avec c’monde’là, qu’est-c’qu’on f’rait comm’ partouzes !

HIPPOLYTE

Assez, je pars, adieu !

PHÈDRE

Ah ! Funèbres alarmes,

Voilà donc tout l’effet que t’inspirent mes charmes ?

J’attirerai sur toi la colère des dieux

Afin qu’ils te la coupent !

HIPPOLYTE

Quoi, la tête ?

PHÈDRE

Non, bien mieux !

HIPPOLYTE

Vous êtes bien la fille de Pasiphaé !

PHÈDRE

Et toi va par les Grecs t’faire empasiphaer !

Sinusite et Pet-de-Nonne, venez sacrées bougresses,

Calmez mon désespoir, soutenez ma faiblesse…

PET-DE-NONNE

Elle respire à peine, elle va s’étouffer…

PHÈDRE

Ben, c’est pas étonnant, j’ai c’t’Hippolyt’ dans l’nez !

Je veux dans le trépas noyer tant d’infamie

Qu’on me donn’ du poison pour abréger ma vie !

SINUSITE

Duquel que vous voulez, d’l’ordinaire ou du bon ?

PHÈDRE

Du gros voyons, du roug’, celui qui fait des ronds.

Qu’est-c’que vous avez donc à m’bigler d’vos prunelles

Écartez-vous de moi !

(À Hippolyte)

Toi, viens ici, flanelle.

Exauce un vœu suprême sans trahir ta foi,

Viens trinquer avec moi pour la dernière fois.

(Les servantes apportent deux bols.)

À la tienne érotique sablonneux et casse pas le bol !

(Elle boit)

Ô Dieu que ça me brûl’, mais c’est du vitriol !

HIPPOLYTE boit

Divinités du Styx, je succombe invaincu

Le désespoir au cœur…

PHÈDRE

Et moi le feu au cul !

UTOPIE

À la fin des années cinquante, Pierre Dac est victime d’une grave dépression nerveuse. Selon son expression, il y a, en son for intérieur « quelque chose qui ne tourne pas rond dans le carré de l’hypothénuse ». À quatre reprises, il tente de mettre fin à ses jours. Heureusement, s’il sait jongler avec les mots, il est extrêmement maladroit de ses mains. La raison de sa déprime : le 28 octobre 1915, Marcel, son frère aîné, a été tué par les Allemands. Ce jour-là, Pierre a perdu toutes ses illusions sur l’espèce humaine. Il a alors commencé à bâtir, dans son imagination, un monde où, par exemple, on pratiquerait d’autres méthodes pour faire avouer les criminels.

LES AVEUX SPONTANÉS

— Alors, messieurs, c’est bien compris ? Pas de violences, pas d’énervement, pas de geste inconsidéré. Je ne tolérerai aucune défaillance. Et surtout, de la tenue, toujours de la tenue, encore de la tenue. Voyons un peu… Vous avez bien tous votre fleur à la boutonnière ? Bien. Rectifiez-moi ce nœud de cravate, il est de travers… Tournez-vous. Bon, qu’est-ce que c’est que cette pochette ?

— C’est une pochette-surprise, patron.

— Complètement déplacé, mon ami. Je ne veux pas de fantaisie intempestive… Vos mains maintenant. Eh bien, Euthymènes, pas de manucure cette semaine ?

— Je n’ai pas eu le temps, patron !

— Ce n’est pas une excuse. J’exige de mes inspecteurs qu’ils aient toujours des ongles impeccables et de la crème sur les mains. Tenez-vous-le pour dit. Et… Pas d’armes, j’espère ! Levez les bras… Eh bien, Tuculatum, qu’est-ce que ça signifie ? Une matraque ? Vous n’êtes pas un peu fou, non ?

— Mais, patron, je l’ai décorée avec des rubans et un bouquet de violettes !

— Oui, je sais, vous êtes un sentimental, mais, palsembleu, mettez-vous bien dans la tête, une fois pour toutes, que, quels qu’ils soient, tous les anciens procédés de passage à tabac et d’intimidation brutale sont définitivement et rigoureusement prohibés. Je n’y reviendrai pas. Eurydice, quelle heure est-il ?

— Moins dix, patron !

— Moins dix de quoi ?

— Je ne sais pas. Y a pas de petite aiguille à ma montre.

— Bon, alors, nous avons juste le temps, notre client ne va pas tarder. Euthymènes, arrangez les fleurs. Tuculatum, tamisez les lumières. Eurydice, branchez le pick-up… Un peu de musique douce, pour créer l’ambiance… L’ambiance est d’une importance capitale. La confiance par l’ambiance, c’est ma devise. Bon… tout est en ordre ? Parfait. Prêts ?… Alors, allons-y. Et n’oubliez pas qu’urbanité et civilité sont les deux mamelles des aveux spontanés… Saluons l’entrée de M. Jojo le Contagieux, directeur général du gang des tractions à vapeur… Bonjour, cher ami, quel bon vent vous amène ?

— C’est pas un bon vent, c’est la fin des haricots !

— Il est charmant ! Je me présente, commissaire Socrate, et voici les inspecteurs Eurydice, Euthymènes et Tuculatum. Permettez que je vous débarrasse de vos menottes et que je vous donne à la place un numéro de vestiaire… Voulez-vous une cigarette, un whisky, un gin-fizz, un dry Martini, un alexandra ?

— Je préférerais un bon coup de rouge.

— Ben voyons donc, qu’à cela ne tienne ! Une bouteille de chambolle-musigny pour notre invité…

— Moi, j’suis votre invité ?

— Evidemment… invité à dire la vérité.

— J’l’ouvrirai pas.

— Ne vous avancez pas trop ! Nous avons des moyens !

— Vous pouvez toujours y aller !

— Nous verrons ça plus tard. D’abord quelques petits renseignements : votre âge ?

— J’me rappelle pas !

— Curieux, ça, et comment ça se fait ?

— Ben, ça change tous les ans ; alors moi j’ai autre chose à faire que de tenir une comptabilité.