Выбрать главу

Malgré sa santé déclinante, le peintre voyage à travers le Mexique, peint des paysages, des couchers de soleil (les cinquante-deux couchers de soleil d’Acapulco exposés dans la Fondation Dolores Olmedo). Il demeure la voix des peuples opprimés, le révolutionnaire intransigeant et provocateur. Il dénonce l’intervention franco-anglo-israélienne à Suez, la répression française en Algérie, l’ingérence américaine dans la révolution cubaine. Mais son désir de rentrer au sein du Parti l’aveugle lorsqu’il qualifie publiquement la révolte hongroise de « complot impérialiste ».

En lui, Frida est toujours aussi vivante, avec sa brillance, son amour de la vie, sa tendresse pour les Indiens humiliés, sa passion révolutionnaire. C’est elle qui donne à Diego, malgré la maladie et la vieillesse, cette ardeur juvénile qui le dresse contre l’opportunisme des temps modernes. Par une étrange coïncidence, ses ultimes tableaux sont ceux-là mêmes que Frida a peints avant de mourir, les pastèques à la chair couleur de sang, offertes comme un dernier sacrifice.

Le 25 juin 1957, c’est uni à l’esprit de Frida qu’il fait ses adieux à la vie. Répondant à l’appel du peintre Miguel Pantoja, il adresse à tous les artistes et à tous les hommes de culture du monde une supplique pour la paix, afin d’arrêter la prolifération et les essais des armements nucléaires, cette menace que les superpuissances de l’Est comme de l’Ouest font peser sur les nations plus faibles, qui, dit-il, « ont le même droit de vivre que les autres ». Dans son appel, c’est la voix de Frida qui vibre et s’indigne, afin de tenter de préserver la fragile beauté de la vie :

« Ainsi, le plus haut que je peux, j’élève ma voix insignifiante pour en appeler à tous ceux qui vivent pour l’amour et pour la sensibilité humaine, qui œuvrent pour la beauté — cet indispensable aliment de la vie supérieure. Pour crier, exiger, faire en sorte que tous les hommes crient et exigent, et obtiennent l’arrêt immédiat des essais de bombes atomiques, au moins pendant les trois prochaines années.

« De cette façon, nous donnerons aux hommes le temps de recouvrer la raison, et de parvenir, en accord avec le monde entier, à une interdiction totale de la fabrication et de l’utilisation des engins thermonucléaires de destruction collective de l’humanité[129]. »

Trois ans et quatre mois après Frida, le 24 novembre 1957 — alors que sa ville natale de Guanajuato s’apprête à fêter son anniversaire —, Diego meurt d’une attaque cérébrale dans son atelier de San Angel. Malgré le désir qu’il avait exprimé d’être incinéré, afin que ses cendres fussent mêlées pour toujours à celles de la femme qu’il avait aimée plus que tout au monde, c’est à la Rotonde des Hommes illustres, au cimetière civil de Dolores, qu’il est inhumé solennellement le 25 novembre.

вернуться

129

Mexico en el arte, Instituto Nacional de Bellas Anes, Mexico, 1986, p. 39.