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— Sale engeance de nains ! Qu’attendez-vous pour monter ? Grimpez là-dedans ou je vais allez vous chercher…

Le draconien n’acheva pas sa phrase. Caramon avait jailli en poussant son cri de guerre. La créature, prise à la nuque, voltigea contre le mur. Au moment où les nains s’égaillaient dans tous les sens, le draconien se fracassa contre la pierre.

Pendant ce temps, Sturm abattit son épée à deux mains sur le cou d’un autre draconien, décapité avant d’avoir compris ce qu’il lui arrivait. Pétrifiée, sa tête roula sur le sol comme un boulet.

Contrairement aux gobelins, qui attaquent sans stratégie tout ce qui bouge, les draconiens étaient malins ; les deux qui restaient eurent vite fait de réagir. Ils n’avaient aucune envie d’affronter cinq guerriers en armes. L’un sauta dans la marmite en vociférant des ordres dans son langage guttural.

L’autre se rua sur la roue et la mit en marche. La marmite descendit aussitôt dans le puits vide.

— Arrêtez-le ! Il va chercher des renforts ! cria Tanis.

— Les renforts sont déjà là, regarde l’autre marmite ! cria Tass en se penchant sur le trou. Ils sont une vingtaine !

Caramon se précipita sur le draconien qui actionnait le treuil, mais il était trop tard. Le guerrier, ayant pour principe de ne jamais laisser échapper un ennemi, plongea à son tour dans le trou.

— Quel imbécile ! s’exclama Sturm. (Le poids de Caramon accéléra la descente de la marmite.) Je vais à son secours !

Il se jeta dans le vide et agrippa la chaîne, puis se laissa glisser dans la marmite.

— Maintenant, nous les avons perdus tous les deux ! grogna Tanis. Flint, viens avec moi. Rivebise, veille sur Lunedor et Raistlin. Vois si tu peux faire tourner la roue dans l’autre sens ! Non, Tass, pas toi !

Trop tard ! Avec un cri de joie, le kender s’était jeté sur la chaîne. Tanis et Flint le suivirent sans hésiter. Le demi-elfe parvint à attraper la chaîne et à s’arrêter juste au-dessus du kender, mais Flint rata son coup. Il atterrit tête la première dans la marmite, où il fut écrasé par les grands pieds de Caramon.

Acculé contre le bord du récipient géant, le guerrier tentait de repousser à bout de bras un draconien qui ne cédait pas d’un pouce. L’humain et le draconien jouaient leur vie au-dessus du vide.

L’autre draconien reçut en pleine figure le pied de Sturm, qui arrivait en glissant le long de la chaîne.

— Tire-toi de là, hurla Flint du fond de la marmite, aveuglé par son casque, et à demi écrasé par Caramon.

Le nain se redressa d’un coup sec ; le grand guerrier perdit l’équilibre, et le draconien en profita pour lui porter un coup d’épée. Flint se jeta tête baissée, et casquée, dans l’estomac du draconien, que cette manœuvre terrassa sur-le-champ.

La marmite, environnée d’une odeur fétide, tanguait dangereusement.

Sans perdre une miette de ce qui passait au-dessous de lui, Tanis se laissa glisser le long de la chaîne.

— Cramponne-toi et ne bouge pas de là ! recommanda-t-il à Tass.

Il atterrit au beau milieu de la mêlée.

Entouré des nains des ravins, Rivebise était penché sur le trou, d’où lui parvenaient les échos du combat à travers les nuages de vapeur. De temps à autre, il réussissait à entrevoir ses amis. Soudain, ce fut une deuxième marmite qu’il vit apparaître. Elle était remplie d’une vingtaine de draconiens en armes qui fixaient Rivebise, Lunedor et Raistlin, leur langue fourchue dardée vers eux.

Bousculant les nains sur son passage, le barbare bondit vers le treuil. Il fallait à tout prix empêcher cette marmite de monter jusqu’à eux. L’idée lui vint de prendre la chaîne à pleines mains pour l’immobiliser. De son côté, Raistlin considéra un instant le système de rotation du treuil, puis il cala son bâton entre la roue et le sol. Le bois vibra. Rivebise retint son souffle, s’attendant à ce qu’il rompe. Le mécanisme se bloqua ; le bâton avait tenu bon.

— Rivebise ! appela Lunedor, qui était restée penchée sur le trou et observait les événements.

Le barbare et Raistlin coururent la rejoindre. Les nains des ravins étaient à la fête. Ils vivaient un des moments les plus excitants de leur existence. Seule Boupou, pendue aux basques de Raistlin, ne prenait pas part à la liesse.

— Khark-umat ! souffla Rivebise en se penchant sur le bouillonnement de vapeur.

Caramon avait fini par jeter par-dessus bord le draconien avec lequel il était aux prises. Le visage du grand guerrier était lacéré de griffures et son bras droit saignait d’abondance.

Sturm, Tanis et Flint se débattaient avec l’autre draconien, devenu enragé. Tanis comprit que les coups n’en viendraient pas à bout. Il poignarda la créature au cœur. Elle s’effondra aussitôt, enfermant l’arme du demi-elfe dans son cadavre pétrifié.

Stoppée net, la marmite fit une grande embardée, provoquant de la bousculade parmi les passagers.

— Attention ! Nous avons des voisins ! glapit le kender en se laissant tomber de la chaîne.

Tanis vit que la seconde marmite était à une vingtaine de pas de la leur. Les draconiens attendaient avec impatience de passer à l’abordage. Deux d’entre eux se tenaient sur le bord de leur véhicule, prêts à sauter. Caramon se pencha pour leur flanquer un coup d’épée, mais il manqua son coup, et dans son élan, il ne réussit qu’à faire tournoyer la marmite sur elle-même.

Il perdit l’équilibre et tomba en avant. Son poids fit tanguer dangereusement la marmite. Tanis glissa et atterrit à quatre pattes dans le fond, où il récupéra son poignard : le cadavre pétrifié du draconien, devenu poussière, le lui avait rendu.

— Ils attaquent ! hurla Flint.

Un draconien avait sauté sur le bord de la marmite, qui bascula. Tanis poussa Caramon pour la rééquilibrer, pendant que Sturm tailladait les mains du draconien pour le faire lâcher prise.

Fort de l’expérience de son congénère, un deuxième monstre prit son envol et s’arrangea pour atterrir directement dans la marmite.

Tanis fit volte-face en direction de ce nouvel adversaire, mais il trébucha sur Flint. Il eut le temps de voir Tass, juché sur le dos de la créature, lui flanquer des coups de pierre sur la tête.

Flint ramassa le poignard que Caramon avait fait tomber et frappa les jambes du draconien, qui hurla de douleur. Tanis commençait à désespérer ; leurs assaillants étaient trop nombreux. Il tourna ses regards vers le haut du trou. Par bonheur, Rivebise et Lunedor observaient la bataille à travers le brouillard.

— Fais-nous remonter ! brailla Tanis avec l’énergie du désespoir.

Il reçut à la tête un coup d’une violence inouïe. La douleur était telle qu’il crut s’évanouir.

Raistlin, qui était passé à l’action, n’avait pas entendu le cri de Tanis.

— Venez ici, mes amis, dit le mage aux nains, qui se pressèrent autour de lui. Les patrons d’en bas me veulent du mal, mais vous pouvez m’aider. Vous êtes capables de les arrêter.

Les nains considérèrent Raistlin comme s’il avait dit quelque chose de saugrenu. Après tout, l’amitié avait des limites.

— Il suffirait de vous pendre à cette chaîne, reprit-il d’un ton patient, indiquant le trou où elle se trouvait.

Les visages des nains s’éclairèrent. La proposition n’était pas rébarbative. C’était ce qu’ils devaient faire presque tous les jours quand ils manquaient la marmite.

Raistlin fit un geste impératif.

— Allez !

Les nains se regardèrent, sauf Boupou, et foncèrent vers le trou. Avec une agilité étonnante, ils se jetèrent en braillant sur la chaîne.

Le mage courut vers le treuil, Boupou à ses trousses, et libéra la roue de son bâton, qui la bloquait. Elle se mit à tourner de plus en plus vite. La marmite des draconiens retourna vers le fond.

Surpris, les monstres perchés sur le bord de la marmite perdirent l’équilibre et tombèrent dans le vide avec des hurlements de rage qui déchaînèrent de joyeuses clameurs chez les nains.