Выбрать главу

— Raistlin, dis-moi…

— Je n’ai rien à ajouter, Tanis. (Il se remit à tousser.) Je ne dois pas gaspiller mon énergie.

Qui avait aidé le mage ? Que savait-il d’autre sur cet orbe, qu’il se refusait à dire ? Tanis allait lui poser la question quand il vit le visage de Caramon s’éclairer.

— Nous pouvons libérer Lorac, dit Raistlin en retirant la main du roi des elfes de l’orbe draconien. Il est vivant. Enfin, pour l’instant. Approche-toi…

Tanis s’exécuta à contrecœur.

— Dis-moi seulement si cet orbe peut encore nous être utile, demanda le demi-elfe.

Le mage réfléchit un moment. Puis il répondit d’une voix douce :

— Oui, si nous osons !

La poitrine de Lorac se souleva ; il poussa un cri plaintif qui leur donna la chair de poule. Ses doigts squelettiques battirent convulsivement, toutefois ses yeux restaient clos. Tanis essaya de le calmer, mais il continua de crier jusqu’à ce qu’il soit hors d’haleine.

— Père !

Alhana avait fait irruption dans la salle. Elle prit dans les siennes les mains décharnées de son père et les baisa en pleurant.

— Calme-toi, répétait-elle. Le cauchemar est fini. Le dragon est parti. Tu peux maintenant te reposer. Père, je t’en prie, écoute-moi !

Peu à peu, la voix aimée s’insinua dans l’esprit torturé de visions de Lorac. Ses cris se muèrent en gémissements. Il finit par ouvrir les yeux.

— Alhana, mon enfant ! Tu es vivante ! (Il tendit la main pour lui toucher la joue.) Ce n’est pas possible ! Ma chère fille, je t’ai vue mourir ! Je t’ai vue mourir des centaines de fois. C’est lui qui t’a tuée. Il voulait que je le fasse. Mais je n’ai pas pu. Pourtant, j’en ai tué tant d’autres… (Son regard tomba sur Tanis. Ses yeux s’enflammèrent de haine.) Te voilà, demi-elfe ! Toi, je t’ai tué. Du moins, j’ai essayé. Je dois protéger le Silvanesti ! J’ai tué les autres aussi ! (Il regarda Raistlin. Dans ses yeux, la haine fit place à la peur.) Toi, je n’ai pas pu te tuer ! Non, ce n’est pas lui ! Sa robe n’est pas noire ! Qui es-tu ? Qui êtes-vous ? Représentez-vous un danger ? Par les dieux, qu’ai-je fait ?

— Calme-toi, père, dit Alhana avec douceur, repose-toi. Le cauchemar est fini. Le Silvanesti est sauvé.

Caramon chargea Lorac dans ses bras et l’emporta dans sa chambre. Alhana le suivit, tenant la main de son père.

Sauvé, le Silvanesti ? Tanis regarda par une fenêtre les arbres qui pleuraient du sang. Les elfes ne reviendraient jamais et le Mal continuerait de hanter ce pays. Le cauchemar de Lorac resterait réalité.

Tanis s’interrogeait sur le sort de ses amis. Que leur était-il arrivé ? S’ils avaient refusé de croire au rêve, comme l’avait demandé Raistlin, avaient-ils vraiment péri ? Le cœur lourd, il se résigna à retourner dans la forêt pour les retrouver.

Il se préparait à affronter cette nouvelle épreuve quand les compagnons entrèrent dans la grande salle.

— Je vais l’égorger ! s’écria Tika en voyant Tanis. Non ! Ne me touche pas ! Tu ne sais pas ce que j’ai fait. J’ai tué Flint ! Je ne le voulais pas, Tanis, je le jure ! (Caramon entra. Tika se tourna vers lui en sanglotant.) J’ai tué Flint, Caramon. Ne m’approche pas !

— Là, là, calme-toi, Tika. C’était un rêve. Comme l’avait dit Raistlin. Le nain n’était pas dans cette forêt !

Il la prit dans ses bras. Ils restèrent longtemps enlacés, se réconfortant l’un l’autre.

— Mon ami, dit Lunedor en tendant les bras à Tanis.

Voyant sa mine défaite, le demi-elfe la serra contre lui et jeta un coup d’œil interrogateur à Rivebise. Le barbare, blême, hocha la tête. Quel cauchemar avaient-ils vécu ?

Chacun a dû vivre le sien, songea le demi-elfe.

La Kitiara de son cauchemar lui revint en mémoire ! Comme elle était réelle… Et Laurana, mourante…

Tanis laissa retomber la tête sur l’épaule de Lunedor. Rivebise referma les bras sur eux. Leur amour revivifia l’elfe.

Une pensée effroyable lui traversa l’esprit. Le rêve de Lorac était devenu réalité. Qu’en serait-il des leurs ?

Nous avons besoin de dormir, pensa Tanis. Comment y parviendrons-nous ? Pourrons-nous jamais trouver le sommeil ?

12

Visions partagées. La mort de Lorac.

Les compagnons finirent par trouver le sommeil. Dans le même temps, ceux qui n’étaient pas au Silvanesti se réveillèrent dans un pays froid et hostile.

Laurana s’éveilla en poussant un cri. Elle ne savait pas où elle était.

Flint tâta ses articulations en grelottant. Il constata avec satisfaction qu’elles n’étaient pas plus douloureuses que la veille.

Sturm ouvrit des yeux hagards qu’il referma aussitôt, et se recroquevilla sous sa couverture. Puis il entendit remuer devant sa tente. Il empoigna son épée et souleva la toile.

— Oh ! fit Laurana devant son air effaré.

— Désolé, Laurana, je ne voulais pas t’effrayer. Que se passe-t-il ?

— Cela peut te sembler stupide, répondit-elle en rougissant, mais j’ai fait un rêve atroce et je n’arrive pas à me rendormir.

Tremblante, elle s’assit auprès de Sturm.

— Je ne voulais pas te réveiller… Vois-tu, dans mon rêve, je t’ai entendu crier. C’était si réel… Je te voyais…

— À quoi ressemble le Silvanesti ? l’interrompit Sturm.

— Pourquoi me demandes-tu cela ? C’est justement du Silvanesti que j’ai songé ! Aurais-tu aussi rêvé de ce pays ?

Sturm allait répondre quand il entendit du remue-ménage à l’extérieur de sa tente. Cette fois, il souleva tout de suite la toile :

— Entre, Flint ! dit le chevalier.

Le nain parut embarrassé de trouver ici Laurana. Elle le rassura d’un sourire.

— Je comprends, dit-elle, tu as fait un cauchemar. Le Silvanesti ?

— Alors je ne suis pas le seul ? J’imagine que vous voulez savoir ce que j’ai rêvé ?

— Non, surtout pas ! s’écria Sturm. Je ne veux plus jamais en entendre parler !

— Moi non plus, dit Laurana.

— Je suis bien content, fit Flint en lui tapotant l’épaule, je n’aurais pas pu parler de mon rêve. Je voulais seulement m’assurer que ce n’était qu’un songe. Il paraissait si réel que je m’attendais à vous trouver tous deux…

Tass entra dans la tente.

— Vous parliez d’un rêve ? Moi je ne rêve jamais. Du moins je ne m’en souviens pas. Les kenders ne rêvent pas. À vrai dire, je suppose qu’ils le font, car même les animaux… (Devant le regard foudroyant de Flint, il revint précipitamment à sa première idée.) Bref, j’ai fait un rêve fantastique ! Les arbres pleuraient du sang. Des elfes morts tuaient tout le monde. Raistlin portait une robe noire. Enfin, les choses les plus incroyables ! Tu y étais, Sturm. Il y avait aussi Laurana et Flint. À la fin, tout le monde était mort ! Enfin, presque. Pas Raistlin. Il y avait un dragon vert…

Tass s’interrompit. Qu’avaient-ils donc à le regarder ainsi, la mine défaite, l’œil hagard ?

— Qu’est-ce que je disais… Oui, un dragon vert, et Raistlin, tout en noir. J’en ai déjà parlé ? Cela lui va très bien, d’ailleurs. Le rouge lui donne un teint jaunâtre, si vous voyez ce que je veux dire… Non, vous ne voyez pas. Bon, je crois que je ferais mieux de retourner me coucher. Vous ne voulez vraiment pas entendre la suite ? demanda-t-il, plein d’espoir. Bon, eh bien, bonne nuit.

Il sortit de la tente sans que les trois amis eussent proféré un mot.

— Les cauchemars me troublent, lâcha Flint d’un ton lugubre, mais je n’ai aucune envie d’en parler avec un kender. Comment se fait-il que nous ayons tous fait le même rêve ? Qu’est-ce que ça signifie ?

— Un pays étrange, le Silvanesti, dit Laurana d’un air pensif. Crois-tu que ce rêve ait une quelconque réalité ? Sont-ils vraiment morts ?