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Le Sardaukar vint se planter à un pas du Baron, les mains sur les hanches. Derrière lui, les gardes hésitaient.

Le Baron remarqua que l’homme ne le saluait pas et que ses façons étaient imprégnées de mépris. Son malaise n’en devint que plus grand. Une seule légion de Sardaukar (dix brigades) était venue renforcer les légions harkonnens. Mais le Baron ne se faisait pas d’illusions. Cette unique légion pouvait être très bien se retourner contre eux et triompher.

« Dites à vos hommes de ne pas essayer de m’empêcher de vous voir, Baron, gronda le Sardaukar. Quant aux miens, ils vous ont livré le Duc Atréides avant que j’aie pu discuter avec vous du sort qui lui serait réservé. Nous allons le faire maintenant. »

Je ne dois pas perdre la face devant mes hommes, se dit le Baron.

« Vraiment ? » Sa voix était froide, parfaitement contrôlée et le Baron en ressentit de la fierté.

« Mon Empereur m’a chargé de m’assurer que son royal cousin périrait proprement, sans souffrance », dit le colonel bashar.

« Tels étaient les ordres impériaux que j’ai reçus, dit le Baron. Pensiez-vous que je n’allais pas leur obéir ? »

« Je dois rapporter à l’Empereur ce que j’aurai vu de mes propres yeux. »

« Le Duc est déjà mort », lança le Baron, et il leva la main pour congédier le Sardaukar.

Celui-ci demeura immobile devant lui. Il ne fit pas le moindre mouvement, n’eut pas le moindre regard qui pût donner à penser qu’il avait enregistré ce geste.

« Comment ? » gronda-t-il.

Vraiment, pensa le Baron, en voilà assez !

« De sa propre main, si vous tenez à le savoir. Il a absorbé du poison. »

« Je veux voir le corps maintenant. »

Feignant l’exaspération, le Baron leva les yeux vers le plafond. Mais ses pensées s’accéléraient. Damnation ! Ce Sardaukar à l’œil acéré va pénétrer dans la pièce sans que rien ait bougé !

« Je veux le voir maintenant ! » répéta le Sardaukar.

Impossible d’y échapper, se dit le Baron. Il va tout voir. Il va découvrir que le Duc a tué des hommes d’Harkonnen… et que le Baron s’en est tiré de justesse. Les reliefs du repas étaient une preuve. Au même titre que le Duc, mort au centre de ce massacre.

Impossible d’y échapper.

« Vous ne m’évincerez pas », dit le colonel bashar d’un ton grinçant.

« Nul ne veut vous évincer, répliqua le Baron en regardant dans les yeux d’obsidienne de son interlocuteur. Je ne cache rien à l’Empereur. (Il inclina la tête à l’intention de Nefud.) Le colonel bashar doit tout vérifier, immédiatement. Introduisez-le par la porte devant laquelle vous étiez posté, Nefud. »

« Par ici, colonel », dit Nefud.

Lentement, insolemment, le Sardaukar contourna le Baron et se fraya un chemin entre les gardes.

Insupportable, songea le Baron. A présent, l’empereur sera au courant de cette faute. Il la jugera comme un signe de faiblesse.

Et il était effrayant de se dire que l’Empereur et ce sardaukar étaient identiques dans leur mépris de toute faiblesse. Le Baron se mordti la lèvre. Au moins, l’Empereur n’avait rien su du raid des Atréides sur Geidi Prime et de la destruction des entrepôts d’épice harkonnens.

Maudit soit ce perfide Duc !

Le Baron regardait s’éloigner l’arrogant Sardaukar et l’efficient Nefud.

Il faut nous adapter. Je devrai remettre Rabban sur cette satanée planète. Sans restriction. Il va me falloir payer de mon sang d’Harkonnen pour qu’Arrakis soit en mesure d’accepter Feyd-Rautha. Maudit Piter ! Il a fallu qu’il se fasse tuer avant que j’en aie fini avec lui !

Il soupira.

Je dois immédiatement demander un nouveau Mentat à Tleielax. Il y en a certainement un de prêt pour moi, dès maintenant.

Près de lui, un garde toussota.

Il se retourna. « J’ai faim. »

« Oui, Mon Seigneur. »

« Je désire aussi que l’on me divertisse pendant que cette pièce est nettoyée et que ses secrets sont examinés. »

Le garde baissa les yeux. « Quel divertissement souhaiterait Mon Seigneur ? »

« Je me rends dans ma chambre. Amenez-moi ce heune homme que nous avons acheté sur Gamont et qui a des yeux adorables. Droguez-le, surtout. Je n’ai pas envie de lutter. »

« Oui, Mon Seigneur. »

Le Baron se détourna et prit le chemin de sa chambre, soutenu par les suspenseurs qui lui conféraient une démarche sautillante. Oui, se disait-il, celui qui a des yeux adorables et qui ressemble tant au jeune Paul Atréides.

O Mers de Caladan, O Gens du duc Leto, Citadelle abattue, A jamais disparus…
(extrait de Chatns de Muad’Dib, par la princesse Irulan.)

Tout son passé, tout ce qu’il avait vécu, songeait Paul, était devenu comme du sable s’écoulant dans un sablier. Assis auprès de sa mère dans la petite tente de plastique et de tissu (l’abri-distille), il avait croisé les mains sur ses genoux. L’abri-distille provenait, tout comme la tenue fremen qu’ils portaient maintenant, du paquet trouvé dans l’orni.

Dans l’esprit de Paul, il n’y avait plus de doute quant à l’identité de celui qui avait placé le paquet là, qui avait pris ses dispositions pour que l’ornithoptère les amène là, auprès de Duncan Idaho.

Yueh.

Le docteur traître.

Au-delà de l’extrémité transparente de l’abri-distille, il apercevait les rochers baignés de lune qui délimitaient ce refuge préparé par Idaho.

Je me couche comme un enfant alors que je suis le Duc, maintenant, songea Paul. Cette pensée l’irritait mais, d’autre part, il ne pouvait nier que Duncan Idaho eût agi sagement.

Cette nuit, sa perception avait été modifiée. Il voyait avec clarté et netteté tout ce qui l’entourait, les événements, les circonstances. Il se sentait incapable d’endiguer le flot d’informations qui se déversait en lui. Avec une froide précision, chaque nouvel événement s’ajoutait à sa connaissance et l’opération était localisée au centre de sa conscience. Un pouvoir de Mentat. Plus encore.

Il songea à ce moment de rage impuissante qu’il avait connu lorsque l’étrange orni avait plongé sur eux du fond de la nuit, comme un faucon gigantesque, le vent du désert sifflant dans ses ailes. C’est alors qu’il s’était passé quelque chose dans son esprit. L’orni avait glissé sur le sable, droit sur eux, et il se souvenait de l’odeur de soufre brûlé qui s’était élevée des patins de l’appareil crissant sur le sable.

Sa mère, il le savait, s’était retournée avec la certitude d’affronter un pistolet laser. Et elle avait vu Duncan Idaho. Il se penchait au-dehors par la porte ouverte et il leur avait crié : « Vite ! Il y a le signe du ver au sud ! »

Pourtant Paul, à l’instant où il s’était retourné, avait su, lui, qui pilotait l’orni. Des détails subtils concernant sa façon de voler, de se poser, avaient été pour lui autant d’indices, si minces que sa mère ne les avait pas décelés.

Jessica bougea et dit : « Il ne peut y avoir qu’une explication. Les Harkonnens tenaient la femme de Yueh en leur pouvoir. Il les haissait ! Je n’ai pu faire erreur sur ce point. Tu as lu son message. Mais pourquoi nous a-t-il sauvés du carnage ? »

Elle ne le devine qu’à présent, et bien difficilement, pensa Paul. Et cette pensée fut un choc. Il avait compris les faits simplement en lisant le message qui accompagnait l’anneau ducal.