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Mais les silhouettes qui dansaient sur le dos des monstres étaient celles de Fremen et les lames qu’ils brandissaient et qui jetaient des éclairs dans la menaçante clarté jaune de la tempête étaient familières aux Sardaukars. Ils se lancèrent à l’attaque. Et le combat s’engagea tandis qu’un Sardaukar poussait l’Empereur vers le vaisseau, scellait la porte et se préparait à mourir à ce poste.

À l’intérieur du vaisseau, c’était presque le silence. Le regard de l’Empereur se porta sur les visages blêmes des gens de sa suite. Sa fille aînée semblait épuisée et ses joues étaient empourprées. La vieille Diseuse de Vérité n’était plus qu’une ombre noire. L’Empereur découvrit alors les deux silhouettes qu’il cherchait, les deux hommes de la Guilde en uniforme gris, strict, qui ne se départissaient pas de leur calme.

Le plus grand des deux, pourtant, gardait une main sur son œil gauche. Tandis que l’Empereur l’observait, quelqu’un le bouscula, sa main glissa et l’œil apparut. L’homme de la Guilde avait perdu son verre de contact et l’Empereur vit l’œil tel qu’il était, totalement bleu, d’un bleu si sombre qu’il semblait noir.

Le plus petit des deux s’avança vers l’Empereur et dit : « Nous ne pouvons prévoir l’issue. » Et son compagnon, ayant maintenant remis la main sur son œil bleu, ajouta d’un ton froid : « Mais ce Muad’Dib non plus. »

Ces mots produisirent un choc dans l’esprit de l’Empereur et il sortit de sa torpeur. Il se retint à grand-peine d’exprimer son mépris pour ce navigateur de la Guilde incapable de deviner le proche avenir qui se formait, là, au-dehors. Ces gens dépendaient-ils à ce point de leur faculté qu’ils avaient perdu tout à la fois la vue et la raison ?

« Révérende Mère, dit-il. Nous devons mettre un plan au point. »

Elle rejeta son capuchon en arrière et affronta son regard. Une totale compréhension s’établit entre eux, à cet instant. Ils savaient qu’il leur restait encore une arme : la traîtrise.

« Convoquez le Comte Fenring », dit la Révérende Mère.

L’Empereur acquiesça et fit signe à l’un de ses lieutenants.

Il était guerrier et mystique, féroce et saint ; il était retors et innocent, chevaleresque, sans pitié, moins qu’un dieu, plus qu’un homme. On ne peut mesurer Muad’Dib selon les données ordinaires. Au moment de son triomphe, il devina que la mort le guettait et accepta pourtant la traîtrise. Peut-on dire qu’il le fit pour obéir à son sens de la justice ? Quelle justice, en ce cas ? Car, souvenez-vous bien : nous parlons du Muad’Dib qui revêtit ses tambours de la peau de ses ennemis, qui rejeta toutes les conventions de son passé ducal en déclarant simplement : « Je suis le Kwisatz Haderach. Cette raison me suffit. »

Extrait de L’Éveil d’Arrakis,

par la Princesse Irulan.

Au soir de la victoire, ce fut jusqu’à la résidence gouvernementale, l’ancienne demeure des Atréides, qu’ils escortèrent Paul-Muad’Dib. L’édifice était tel que Rabban l’avait restauré. Il n’avait souffert en rien des combats bien que la population de la cité l’eût pillé. Certains des meubles, dans le Grand Hall, avaient été renversés et brisés.

Paul franchit la porte principale, suivi de Gurney Halleck et de Stilgar. Leur escorte se dispersa dans le Grand Hall et ménagea un espace sûr pour Muad’Dib. Un groupe se mit en quête de pièges.

« Je me souviens du jour où nous sommes arrivés ici avec votre père, dit Gurney. (Il leva les yeux sur les larges poutres et les hautes fenêtres.) Cet endroit ne m’a pas plu alors, et il ne me plaît pas plus maintenant. Nos grottes sont plus sûres. »

« Voilà qui est parlé. Vous êtes un vrai Fremen, dit Stilgar. (Il remarqua le sourire froid qui apparut sur les lèvres de Muad’Dib.) Muad’Dib, accepteras-tu de changer d’idée ? »

« Cet endroit est un symbole. Rabban vivait ici. En l’occupant, je scelle ma victoire aux yeux de tous. Que l’on envoie des hommes dans toute la place. Qu’ils ne touchent à rien. Qu’ils s’assurent simplement qu’il ne reste aucun Harkonnen ici. »

« Comme tu voudras », dit Stilgar, et il se détourna avec réticence.

L’équipe de radio surgit dans la salle et se mit à installer le matériel près de la grande cheminée. Les Fremen qui s’étaient joints aux Fedaykin qui avaient survécu prirent position autour de la salle. L’ennemi avait trop longtemps résidé en ce lieu pour qu’ils relâchent leur vigilance.

« Gurney, qu’une escorte aille chercher ma mère et Chani, dit Paul. Chani sait-elle, pour notre fils ? »

« Le message a été envoyé, Mon Seigneur. »

« Les faiseurs ont-ils été retirés du bassin ? »

« Oui, Mon Seigneur. La tempête est presque finie. »

« Quels sont les dégâts ? »

« Très importants sur le chemin direct, c’est-à-dire sur le terrain de débarquement et les parcs à épice de la plaine. Autant par la bataille que par la tempête, d’ailleurs. »

« Rien que l’argent ne puisse réparer, je pense », dit Paul.

« Rien si ce n’est les vies, Mon Seigneur. » Et il y avait un accent de reproche dans la voix de Gurney, comme s’il voulait dire : Depuis quand un Atréides se soucie-t-il des choses alors que des vies humaines sont en jeu ?

Mais l’attention de Paul était tout entière fixée sur son œil intérieur, sur la muraille du temps où apparaissaient des brèches. Par chacune de ces brèches, le Jihad se ruait au travers des corridors de l’avenir.

Il soupira, traversa le hall et vit une chaise contre le mur. Elle s’était autrefois trouvée dans la salle à manger et son père avait pu y prendre place. En cet instant, cependant, ce n’était qu’un siège offert à sa fatigue et à son désir d’isolement. Il s’y assit, ramena sa robe sur ses jambes et desserra les fixations de son distille.

« L’Empereur se terre toujours dans les débris de son vaisseau », dit Gurney.

« Jusqu’à nouvel ordre, qu’il y reste, dit Paul. A-t-on retrouvé les Harkonnen ? »

« On examine toujours les morts. »

« Et qu’ont répondu les vaisseaux, là-haut ? » Il leva le menton.

« Encore rien, Mon Seigneur. »

Paul soupira et s’appuya au dossier. « Amène-moi un prisonnier sardaukar. Il faut que nous fassions parvenir un message à l’Empereur. Il est temps de discuter des termes de la reddition. »

« Oui, Mon Seigneur. »

Gurney se retourna et, d’un geste, ordonna à l’un des Fedaykin de prendre position auprès de Paul.

« Gurney, souffla Paul. Depuis que nous nous sommes retrouvés, j’attends que tu trouves la citation appropriée à l’événement. » Se retournant, il vit l’expression sombre de Gurney, le raidissement des muscles sur ses mâchoires.

« Comme vous le désirez, Mon Seigneur. (Il s’éclaircit la gorge et dit :) Et la victoire en ce jour se changea en deuil pour tout le peuple, car le peuple sut ce jour que le roi pleurait son fils. »

Paul ferma les yeux, essayant de chasser le chagrin, d’attendre que vienne le temps de pleurer, tout comme il avait attendu pour pleurer son père. Il concentra ses pensées sur toutes les découvertes qu’il avait faites en ce jour, sur les avenirs qui se mêlaient et la présence d’Alia dans son esprit. De toutes les particularités de la vision temporelle, celle-ci était la plus étrange. « Je peux maîtriser le temps afin que mes paroles ne parviennent qu’à toi, avait dit Alia. Même toi, mon frère, tu ne peux faire cela. Je trouve ce jeu intéressant. Et… oh oui… j’ai tué notre grand-père, ce vieux baron dément. Il a peu souffert. »