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« Qu’il aille librement », répéta Paul.

Gurney acquiesça.

Hawat s’avançait. Une lance fremen se releva puis se rabaissa derrière lui. Ses yeux chassieux étaient fixés sur Paul. Ils cherchaient, mesuraient.

Paul fit un pas en avant et perçut la tension, l’attente de l’Empereur et de ses gens.

Le regard de Hawat se porta au-delà de Paul et il dit : « Dame Jessica, je n’ai appris qu’aujourd’hui quelle était mon erreur. Il est inutile de me pardonner. »

Paul attendit. Sa mère demeurait silencieuse.

« Thufir, mon vieil ami, dit-il, comme tu le vois, je ne tourne le dos à aucune porte. »

« L’univers est plein de portes », dit Hawat.

« Suis-je le fils de mon père ? »

« Tu ressembles plus à ton grand-père, dit Hawat d’une voix rauque. Tu en as le regard et les manières. »

« Pourtant, je suis le fils de mon père, dit Paul. Je te le dis, Thufir : pour toutes ces années où tu as servi ma famille, tu peux maintenant me demander ce que tu veux. Tout ce que tu veux. Est-ce ma vie que tu veux ? Elle est à toi. » Et il fit encore un pas en avant, les mains au long du corps. Il vit alors la compréhension qui s’éveillait dans le regard de Thufir.

Il sait que j’ai deviné le piège, pensa-t-il.

Il réduisit alors sa voix à un simple chuchotement qui ne pouvait être perçu que de Hawat : « Je parle sincèrement, Thufir. Si tu dois me frapper, frappe maintenant. »

« Je voulais seulement reparaître une fois devant toi, Mon Duc », dit Hawat. Et Paul, pour la première fois, vit l’effort que faisait le vieil homme pour ne pas tomber. Il s’avança, le prit par les épaules et sentit frémir les muscles sous ses doigts.

« Tu souffres, mon vieil ami ? »

« Je souffre, Mon Duc, mais le plaisir n’en est que plus grand, dit Hawat. (Il se tourna à demi entre les bras de Paul, tendit sa main gauche, la paume vers le haut, en direction de l’Empereur et révéla l’aiguille minuscule serrée entre ses doigts.) Vous voyez, Majesté ? Vous voyez l’aiguille de votre traître ? Croyiez-vous que celui qui avait voué sa vie au service des Atréides pouvait leur offrir moins que cela aujourd’hui ? »

Paul trébucha comme le vieil homme s’effondrait entre ses bras. Il reconnut la flaccidité de la mort. Lentement, il étendit Hawat sur le sol, puis se redressa et, d’un geste, ordonna à ses gardes d’emporter le corps.

Un silence total s’était établi sur le Grand Hall.

Paul regarda l’Empereur et lut enfin la peur dans ses yeux, une expression d’attente angoissée sur son visage.

« Majesté », dit-il. Il vit l’expression de surprise de la Princesse Royale. Il avait mis dans ce mot qu’il venait de prononcer les intonations contrôlées du Bene Gesserit afin qu’il fût chargé de tout le mépris possible.

C’est bien une Bene Gesserit, songea-t-il.

L’Empereur s’éclaircit la gorge et dit : « Sans doute mon sujet respecté croit-il maintenant que tout s’arrange selon ses désirs. Mais rien ne saurait être plus faux. Vous avez violé la Convention, usé des atomiques contre… »

« J’ai usé des atomiques contre un obstacle naturel du désert, dit Paul. Il se trouvait sur mon passage, Majesté, et j’avais grande hâte de vous joindre, afin de vous demander quelques explications sur vos étranges activités. »

« L’armada des Grandes Maisons attend dans l’espace au-dessus d’Arrakis en ce moment même, dit l’Empereur. Il me suffit d’un mot pour… »

« Ah oui, dit Paul, je les avais presque oubliées. » Son regard se porta sur les gens de la suite impériale et il aperçut les visages des deux représentants de la Guilde. Il s’adressa alors à Gurney : « Ce sont bien les hommes de la Guilde, n’est-ce pas, Gurney ? Ces deux gros en gris ? »

« Oui, Mon Seigneur. »

« Vous deux, appela-t-il, la main tendue. Sortez immédiatement de là et renvoyez cette flotte d’où elle vient. Après cela, vous attendrez mon autorisation pour… »

« La Guilde n’accepte pas vos ordres ! » lança le plus grand des deux. Ils s’avancèrent et, sur un signe de Paul, les lances furent levées devant eux. Le plus grand s’adressa de nouveau à Paul en levant le bras : « Vous pourriez bien connaître l’embargo pour cette… »

« Si j’entends encore une autre absurdité, dit Paul, je donne l’ordre de détruire toute la production d’épice d’Arrakis à tout jamais. »

« Êtes-vous fou ? » L’homme de la Guilde fit un pas en arrière.

« Ainsi, vous admettez que j’ai le pouvoir de le faire ? » demanda Paul.

Durant un instant, l’homme parut sonder l’espace du regard, puis il répondit : « Oui, vous pourriez le faire, mais vous ne le ferez pas. »

« Ah… (Paul hocha la tête.) Vous êtes tous deux des navigateurs de la Guilde, n’est-ce pas ? »

« Oui. »

Le plus petit ajouta : « Vous aussi, vous seriez aveugle et comme nous condamné à la mort lente. Savez-vous seulement ce que cela représente que d’être privé de la liqueur d’épice lorsqu’on y est accoutumé ? »

« L’œil qui choisit le chemin le plus sûr à jamais fermé, dit Paul. La Guilde devenue infirme. Les humains formant de petits îlots isolés sur leurs planètes. Je pourrais le faire, savez-vous, par simple dépit, ou par ennui. »

« Nous devons parler en privé, dit le plus grand. Je suis certain que nous pouvons arriver à quelque compromis qui… »

« Envoyez le message à ceux qui attendent au-dessus d’Arrakis, dit Paul. Cette discussion commence à me lasser. Si cette flotte ne repart pas très vite, il sera inutile de discuter plus longtemps. (Il se tourna vers les hommes de la radio qui attendaient à l’extrémité du Hall.) Vous pouvez vous servir de cette installation. »

« Il faut d’abord que nous discutions, dit l’homme de la Guilde. Nous ne pouvons pas simplement… »

« Envoyez ce message ! Être en mesure de détruire une chose revient à la contrôler de façon absolue. Vous avez admis que je dispose de ce pouvoir. Nous ne sommes pas ici pour discuter, négocier ou atteindre un compromis. Vous allez exécuter mes ordres ou bien vous en subirez les conséquences immédiates ! »

« Il le ferait », dit le plus petit des deux agents. Et Paul vit qu’ils avaient peur, maintenant. Lentement, ils se dirigèrent vers la radio.

« Vont-ils obéir ? » demanda Gurney.

« Leur vision du temps se rétrécit. Ils ne voient plus qu’un mur nu où s’inscrivent les conséquences de leur désobéissance. Et à bord de chaque vaisseau, chaque navigateur de la Guilde peut voir ce même mur. Ils vont obéir. »

Il se retourna vers l’Empereur : « Lorsqu’ils vous ont permis de monter sur le trône de votre père, ce n’était qu’avec l’assurance que l’épice continuerait de se déverser. Vous avez trahi votre engagement, Majesté. Savez-vous ce qui vous attend ? »

« Personne ne m’a permis de… »

« Cessez de faire l’idiot. La Guilde est comme un village au bord d’un fleuve. Elle a besoin de l’eau mais ne peut en prendre qu’un minimum. Impossible de construire un barrage car cela attirerait l’attention sur ce petit prélèvement. Cela pourrait même amener la destruction. Ce fleuve, c’est l’épice, et j’ai construit un barrage sur ce fleuve. Je l’ai construit de telle façon que vous ne pouvez le détruire sans éliminer le fleuve. »

L’Empereur passa la main dans ses cheveux roux et regarda les deux hommes de la Guilde.

« Votre Bene Gesserit elle-même tremble, reprit Paul. Il est bien d’autres poisons que les Révérendes Mères peuvent utiliser pour leurs tours, mais, quand elles se sont servies de la liqueur d’épice, ces autres poisons restent sans effet. »

La vieille femme drapa autour d’elle sa robe informe et s’avança jusqu’à rencontrer les lances.

« Révérende Mère Gaius Helen Mohiam, dit Paul. Bien du temps a passé depuis Caladan, n’est-ce pas ? »