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Je n’en dis pas plus vu que le gros coucou s’est posé impec sur la piste désenneigée. Il roule pataudemant comme se déplace une oie trop gavée. Natacha va pour s’élancer dans la direction du monstre. Je la cramponne d’une main ferme.

— Non, ma belle, c’est ici que s’arrêtent nos pistes, sur cette piste-là !

Elle tourne rageusement vers moi son visage décomposé par la rage.

— Hein ?

— On part seuls, Béru et moi, Natacha. Je te promets de divorcer en arrivant. Il suffira qu’on arrache une page au faux registre de la fausse mairie où fut célébré notre faux mariage !

— Permettez, fait Bérurier en lui raflant son pistolet mitrailleur.

Il ajoute avec un bon regard convoiteur :

— Vous allez rester seule avec une belle bande de nergumènes, ma poule, vous aurez que l’embarrasse du choix. Pourrez organiser des concours pour vous assurer des ceuss qu’ont la plus belle. La prime, ce sera une noye d’amour ! Je te réponds pas qu’elle sera aussi bathouze que ta nuit de noces, mais enfin, question tendresse, c’est comme dans l’administration : y a de la place pour tout le monde. Allez, tchao !

Justement, le coucou vient de stopper. Béru ligote les mains de « ma femme ».

— Simplement pour que tu nous fasses pas d’embrouille avant de gerber.

Déjà me v’là sous le gros bide de l’appareil. Dans la pénombre, l’escalier d’accès s’avance sur la piste. Il est mu par un grand type aux yeux clairs : Birthday ! Son véritable blaze c’est Nikita Boufcheff, au colon. Faut que je vous affranchisse, mes gueux. Quand les Ricains ont emparé le camp, je me suis arrangé pour m’assurer moi-même personnellement de sa personne. On a eu une longue causerie à bâtons rompus, au cours de laquelle le fameux appareil qui encourage à la franchise est intervenu. Il est devenu extrêmement coopératif, l’officier. Pas seulement à cause de l’appareil, mais vu que sa mission a échoué et qu’il risque de la sentir passer. Il a lui-même commandé l’avion que voici à condition qu’on l’embarque avec nous. Moi, dans un sens, ça m’arrange, étant donné qu’il me faut un interprète…

La porte coulisse. On gravit l’escadrin tous les trois. Béru entre le premier, moi je ferme la marche et la porte. Il est beau à voir dans les coups de force, Alexandre-Benoît. On n’a pas le temps de survenir à notre tour qu’il a déjà fait place nette. Y a deux membres de l’équipage sur le plancher avec des tas d’œufs de pigeon sur la théière. Elles ressemblent à des trucs pour se masser la cellulite, leurs tronches. Vous savez, ces machins-choses pleins de petites boules de buis ?

Le pilote et le radio, eux, ont déjà les mains en l’air.

Du beurre, je vous dis ! Pour faire le ménage en grand, je ne connais personne qui puisse lui damer le morpion. Nikita parlemente. Il a le sens de l’autorité. Je ne sais exactement ce qu’il leur dégoise, à ses potes, mais ça m’a l’air de bicher. On redécolle dans un impec style. Direction le Japon.

Y a longtemps que je n’y suis pas allé.

Je prends place dans le poste de pilotage avec ces messieurs, cependant que le Gravos assure nos arrières. Je pense déjà à ce que je vais faire sitôt débarqué au pays du mi-cadeau. Téléphoner au Vieux, lui demander d’aller délivrer dare-dare ma brave Félicie chérie. Car je sais où elle se trouve. La voix du sang alliée à la gamberge étincelante d’un zig de ma trempe, vous pensez que ça résout toutes les énigmes.

Elle est dans un endroit calme et isolé, m’man. Un endroit environné de marronniers. Moi, franchement, je verrais une maison de repos. Vous mordez ? Une maison de repos qui servirait de P.C. à l’espionnage soviétique de la région parisienne. Celle-là même où s’est rendu l’assassin de la garde barrière, l’homme qui me filait. Essayez de piger avant d’être totalement ramollis : la bombe dans l’auto, c’était un cadeau de mariage d’Anastasia. Elle, elle agissait pour le compte des Ricains, parfait. Samuel, le vieux au cigare, il était le chef de Natacha et marnait pour une organisation qui avait besoin de moi. Donc, le type qui me filait était tout simplement un agent russe chargé d’observer mon comportement avant le départ. Quand ma tire a explosé, il a cru à un guet-apens et c’est ce qui l’a rendu nerveux. Voilà pourquoi il a défouraillé sur la mère manivelle. Il a foncé droit au P.C. Je m’y suis introduit, et lorsque les gars m’ont retapissé, en constatant qui j’étais, ils ont inventé la salade du dingue désireux de se faire cliniquer en pleine nuit.

Oui, ça se déroule en Gévacolor grand écran sur le fond de nuit étoilée offert à mon imagination. Par la suite, on a embarqué m’man dans cette calme retraite et on l’a filmée à travers le judas d’une porte capitonnée, pour me donner l’impression que je l’apercevais depuis mon judas à moi.

Je lui expliquerai tout ça, au Vioque !

En P.C.V., naturellement ! Ça lui apprendra à m’embarquer dans ces coups foireux !

Vouloir marier San-Antonio, même au bidon, c’est un monde, non ? Y a qu’un vieux crabe comme lui pour penser à ça ! Vieille fripe, va !

Il mériterait que je ne lui remette pas le flacon dans lequel Natacha avait transvasé la potion ressuscitante et que j’ai pris soin de récupérer dans le hangar. Il reste du produit à l’intérieur.

En faisant l’analyse, peut-être qu’on peut reconstituer la formule, vous ne croyez pas ?

Enfin, quoi, merde, ils se débrouilleront.

Après tout, c’est pas mon boulot !

FIN