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— Je vais m'acheter des sucettes, dis-je. Au miel. Je suis comme les mouches, j'aime le miel ou la m…, c'est pourquoi vous allez me permettre de vous embrasser !

Avant qu'il ait le temps de se cabrer (comme disent les chevriers), je lui place deux gros Gilbert sûr les bajoues. Il bat en retraite précipitamment. A ce moment-là, le Médor du Gros pousse un miaulement qui fait trembler la roulotte. Alerté, Barnaby, risquant le trou par le trou, se rhasarde chez moi.

— Qu'est-ce que j'ai entendu ? Demande-t-il. Ça ressemblait à un cri de tigre ?

— Non, tranche Béru : c'est moi que j'ai fait ça avec mon bide. Ça m'arrive des fois quand mon théophrase se coince et que mon Christophe Colomb appuie un peu trop sur ma glande tyrolienne.

Satisfait par cette explication médico-illégale, Barnaby se rabat chez sa grosse et nous partons.

CHAPITRE IX

— Où t'est-ce qu'on va ? s'inquiète le Béru, soucieux de passer une soirée délicate.

Cette journée de diète (comme on dit à Augsbourg, à Francfort, à Worms et à Spire) l'a mis en verve, et cette filature en forme :

— Je connais une boite assez sympa, lui dis-je, songeant au Torticolis.

— On y trouve des sœurs ?

Je néglige de lui dire qu'on y rencontre surtout des frères.

— Pardine !

— Moi, je m'en lèverais bien n'une cette noye, pour rien te cacher. Je la voie d'ici belle, bien découpée, avec le balcon en capot de jeep, le popotin monté sur amortisseurs et juste ce qu'y faut de moustache pour qu'on se rende compte de la couleur de la dame.

— Ça doit se trouver, promets-je.

— D'autant plus que j'ai du pognon plein mes vagues. Tu te rends compte qu'avec ce que je gagne je pourrais me payer une reine si elle me dirait.

Le Torticoli ne bat pas encore son plein lorsque nous y débarquons, pour la bonne raison qu'il n'est pas plein mais je suis bien persuadé que s'il était plein il le battrait.

Les deux loufiats dont l'un me tuyauta me reconnaissent et s'empressent.

— Par ici, signor, c'est notre meilleure table !

Ils louchent sur Béru et la rousse me chuchote.

— Soit dit sans vous vexer, signor, votre petite amie n'est pas très jolie. On peut vous trouver mieux.

— Vous inquiétez pas, ma Gosse, nous sommes ensemble depuis plusieurs lustres, elle et moi. En amour, l'habitude est une forme de vice.

On se commande une bouteille de champ et le Gros en torche la moitié histoire de se mettre en forme.

— Y a surtout des bonshommes, observe-t-il, on voit qu'on est près de l'Afrique, les dadames restent à la casbah.

Il est tout contrit et, pour noyer sa déception, il écluse du champ comme un chameau qui n'aime pas le pétrole boit de la flotte avant de traverser le Sahara.

L'orchestre de chambre (naturellement) joue « L’Escarpolette Milanaise » chanson panée avec accompagnement de spaghetti. L'éclairage est tamisé (re-naturellement). Je me détronche pour mater les spectateurs. Ce qu'il peut y avoir comme messieurs-dames ce soir c'est rien de le dire ! Le blondinet décoloré fait fureur. Et faut être Béru pour ne s'apercevoir de rien.

Soudain je tique en voyant entrer le marquis Humberto di Tcharpinni.

Il n'est point seul. Dérogation à ses coupables habitudes, il est escorté d'une ravissante jeune femme brune aux yeux de lavande. Elle est moulée dans une robe qui ressemble à une peau d'anguille dorée (les plus rares) et qui accuse formellement ses formes harmonieuses. Quand elle marche on dirait que son adorable postérieur est en train de faire une addition compliquée, style : « Je pose 6 et je retiens 8. » Le marquis considère l'assistance, adresse des ronds de mains, fait des ronds de jambes de table en table et se retrouve devant la notre. Il se pétrifie, pâlit, rosit, sourit et murmure :

— Quelle bonne surprise !

— Morbleu, Monseigneur, vous m'en faites une autre ! renchéris-je, en lui tendant la main.

Dans son trouble il me fait un baise-main.

— Voici le signor Bérurier, dis-je.

Le marquis ne veut pas être en reste. Il désigne sa compagne après nous avoir présenté à elle :

— Barbara !

La môme a des cils longs, noirs et recourbés. Elle les agite un peu et laisse couler par en dessous un regard plus langoureux qu'un solo de mandoline.

— Ravie, dit-elle.

— Vous êtes attendu ? je demande au marquis.

— Non.

— Alors faites-nous la grâce d'accepter une coupe en notre modeste compagnie, marquis !

— Volontiers.

Tout le monde refait sisite. Béru est estomaqué (et de sa part c'est méritoire) par la beauté de la souris. Il l'examine d'une façon éhontée comme il regarderait un Martien, en train de faire ses ablutions dans son bol de café au lait.

— Comment marche votre enquête ? demande le marquis.

— A cloche-pied, réponds-je.

C'est mou. C'est vague. Nous nous enlisons (si j'ose dire, ajouté-je pudiquement) dans de l'incertain :

— Sitôt après votre départ…, commence Toto.

— Je sais, coupé-je, vous eûtes la visite d'un quidam de la polizia italienne.

Je me penche sur lui.

— Je vais profiter de cet agréable hasard qui nous met en présence, marquis, pour solliciter de votre haute bienveillance un menu service qui, je l'espère, vous coûtera peu.

Je bois un coup de Perrier de luxe.

— A votre entrée ici vous fûtes salué par une grosse partie de l'assistance, n'est-ce point vrai ? Puisque vous avez le privilège de connaître beaucoup de gens céans, pourriez-vous me' dire si vous voyez dans la salle des personnes qui connaîtraient les malheureux Grado's ?

Il fait' une petite moue.

— Signor commissaire, je ne suis pas un indicateur de police !

— Est-ce être indicateur que d'aider la police à arrêter le meurtrier de deux amis ?

Il est frappé par l'argumentation (en italien argumentazzione).

— C'est vrai.

— Alors ?.

— Je vais jusqu'au bar afin de faire une inspection discrète.

— Je vous en prie.

Il se lève, nous laissant Barbara en otage. Quelle déesse ! Elle a une voix qui nous prend là, et puis un regard qui vous chope ici. On ne se lasse pas de la contempler. Il doit être à voile et à vapeur, le marquis. Une belle frangine comme la signorina Barbara l'écarte du droit chemin. C'est fatal.

Je constate alors un fait inouï. Je vous en ferais bien part, mais je suis certain que vous ne me croiriez pas. Je vous le dis quand même : la môme n'a d'yeux que pour Bérurier. Je veux bien que le Mastar met le paquet en ce moment pour la séduire, mais que sa séance de charme rende, voilà qui me dépasse.

Il me lance un clin d'œil triomphant.

— J'ai un jeton maison, murmurent-il en masquant sa bouche avec sa coupe.

On m'a toujours dit que les femmes appartenaient à ceux qui les désiraient, mais tout de même !

Le Béru ne se sent plus. Il promène une main à tête chercheuse sous la table et je devine à la discrétion frénétique de ses mouvements que si la môme a un épanchement de synovie il est en train de lui appliquer un traitement de choc.

— Modère-toi, Gros, dis-je, c'est télévisé !

— Quel dommage que je cause pas italoche, lamente mon compagnon (en anglais my friend) ou elle français. Enfin, y aura toujours manière de se faire comprendre tant qu'on aura des pognes et le moyen de s'en servir ; pas vrai, fillette ? fait-il à la môme Barbara en caressant son décolleté.

Elle se trémousse. Elle doit aimer les soudards, les Gargantua, les spadassins, les mufles, les forts, les ignobles. Elle le prouve en appuyant câlinement sa jolie tête sur l'épaule du Gravos : lui il part dirécto au septième ciel sans escale. Le regard vitrifié, la bouche tordue par l'extase, l'âme tricolore et la main veloutée il vit un instant d'indicible félicité. Je me dis que lorsque le marquis va refaire surface et qu'il constatera la voie d'eau il piquera une crise. Deux crises à grand spectacle dans la même hotte c'est un peu beaucoup et je suis fermement décidé à juguler la bataille navale dès les premiers engagements. Mais mes craintes sont vaines. Lorsque di Tcharpinni radine. il sourit en voyant le couple, qui joue à jouer.