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— Je crois que votre ami plaît beaucoup à Barbara, dit-il.

J'aurais dû me gaffer qu'il ne serait pas jalmince d'une nana. Il sort Barbara pour la façade. Elle lui tient lieu de paravent.

— Et en ce qui concerne nos petites affaires, où en sommes-nous, je demande.

— Eh bien, je crois être en mesure de vous fournir une indication, assure le marquis.

— En vérité, Monseigneur ?

— A la table à gauche de l'orchestre, il y a un couple, vous le voyez ?

— A merveille.

— L’autre nuit, lorsque nous sommes partis d'ici, les Grado's et moi, ce couple nous a suivis dehors.

— Intéressant, et ensuite ?

— Donato s'est retourné à plusieurs reprises tandis que nous gagnions ma voiture. Il a dit : « Dépêchons-nous. » Il paraissait très troublé, inquiet.

— Pourquoi ne m'avez-vous pas parlé de cet incident lors de ma visite chez vous ?

— Il m'était sorti de l'esprit, c'est maintenant seulement, en revoyant l'homme, là-bas, que je…

— Et que s'est-il passé ?

— Rien. Mais pendant tout le trajet d'ici à mon domicile, Donato n'a pas cessé de regarder par la lunette arrière. En arrivant, il m’a demandé la permission de téléphoner et c'est alors qu'il a appelé la signora Québellaburna.

Comme il termine son récit, le couple en question se lève.

— Marquis, dis-je au marquis (il serait comte je l'appellerais comte avec d'autant plus de plaisir que les bons comtes font les bons amis), Marquis, pouvez-vous me prêter votre voiture ?

Il se rembrunit comme un meunier nègre qui vient de faire sa toilette.

— C'est que j'ai ma Ferrari et vous savez ce qu'on dit ? Auto prêtée, auto cassée.

— Chez nous, grincé-je, on dit que les bagnoles c'est comme les femmes : ça ne se prête pas ! Mais je vois que pour vous la comparaison ne joue pas car vous n'êtes pas jaloux.

Effectivement, le Béru vorace tient Barbara dans ses bras puissants et lui fait sa muqueuse de velours persillée.

Di Tcharpinni sourit complaisamment.

— Barbara n'est pas ma femme, rectifie-t-il. Il ajoute :

— Mais si vous voulez me permettre de vous piloter, ce sera avec joie.

— Volontiers.

Nous laissons les tourtereaux à leurs ébats. Béru retire son mufle des lèvres de Barbara. Il a la bouche comme un c… de singe because le rouge à lèvres de la dame a changé de terrain.

— Vous vous taillez ? demande-t-il.

— On va au boulot, rétorqué-je en lorgnant le couple arrêté au vestiaire.

— Quand tu rentreras au cirque annonce-toi discrètement, demande Béru, j'ai l'intention d'emmener Mademoiselle visiter la ménagerie et y se pourrait que j'y offre ensuite une petite tournée de matelas à ressorts.

— Sois tranquille, je sais être discret !

Je sors sur les talons du couple aux côtés du marquis.

Nous montons dans sa Ferrari rouge et nous attendons que les autres déboîtent de la file.

Ils ont pris place à bord d’une Lancia noire et foncent à 185. Le marquis se débrouille bien au volant de son bolide.

— Ne les suivez pas de trop près, dis-je. Il ne faut pas qu’ils nous remarquent.

La Lancia s’engage sur une nationale, toujours à vive allure. Nous la suivons.

Nous bombons (glaçons, caramel, corneskis) à très vive allure. Di Tcharpinni, bien qu'étant d'origine milanaise, n'a rien d'un sanglier, puisque pas un moment il ne lève le pied. Nous traversons tour à tour et successivement dans l'ordre chronologique : Santa Moutardamora, Patémarconi, Pariccilasorti, Bandavelpo et Chiantirosso. Enfin la Lancia noire quitte la nationale B 14 pour virer dans le chemin vicinal 00 01. Encore un kilomètre trois cent vingt-quatre et l'auto du couple stoppe devant la grille d'une propriété hermétiquement close. L'homme sort une clef de sa poche et ouvre. Il entre avec sa tire.

Le marquis attend quatre secondes et demie et fonce à son tour.

— Vous auriez dû laisser votre voiture à l'extérieur, déploré-je.

Mais il paraît téméraire, ce gentil seigneur.

— Bast, fait-il, nous verrons bien.

Il roule lentement, tous feux éteints. Au bout d'une large allée bordée de lauriers, la demeure s'élève : livide et sévère dans la clarté lunaire. Le couple y pénètre. Le marquis stoppe son moulin et nous marchons le long des buissons afin que nos ombres s'y confondent. Des lumières jaillissent dans la façade de la maison. De la musique s'élève : une musique d'orgue (que j'écoute avec amour et délice).

— Et maintenant ? demande Humberto qui paraît prendre goût à l'équipée.

Il a de la branche, ce Toto, même si des messieurs s'agrippent après, ça vous a une certaine allure.

— Etes-vous armé ? je questionne.

Il ouvre tous grands ses yeux de biche.

— Armé, moi ! s'indigne-t-il. Et vous ?

Je sors mon stylo à cartouches.

— Plus ou moins, chuchoté-je. Dans ma profession on se sert plus souvent d'une contrebasse à cordes.

L'un précédant l'autre nous atteignons le pet rond. Nous montons les degrés qui permettent de le gravir (et dans les cas d'extrême urgence, de le descendre) et j'actionne doucement le loquet. Par veine, la porte n'est point verrouillée.

J'entre, toujours suivi du gars Toto, dans un hall de petites dimensions, de si petites dimensions, même, qu'il ressemble presque à un vestibule du genre-couloir-servant-d'entrée.

Un rai de lumière filtre sous une porte. C'est de là que s'échappe la musique. Je me baisse pour jouer les larbins stylés en regardant par le trou de la serrure. C'est alors que la porte s'ouvre violemment et que je me trouve naze à naze avec le quidam à la Lancia. Il s'attendait à ma visite, c'est certain.

D'un coup de genou dans la boîte à dominos, il me fait basculer en arrière. Je lève alors ma main qui tient le feu pour l'assaisonner à la sauce Grand Veneur, mais mon brave petit marquis me place un shot à la Kopa dans le poignet. C'est pas du luxe, ni de la luxure, mais de la luxation.

Mon vaillant camarade « Tu Tues » voltige à travers la pièce. La gonzesse du quidam à la Lancia le ramasse. Son camarade a sa propre artillerie de camping qu'il me cloque entre les deux yeux.

— Si tu bronches j'allume ! dit-il.

— Pas la peine, riposté-je, j'ai mon allume-gaz personnel !

Mais il n'aime pas la plaisanterie. C'est le genre pisse-froid blême et brun, avec un nez busqué, des yeux embusqués et des manières brusques.

Je me désintéresse momentanément de lui pour consacrer au marquis ma chaleureuse attention.

— Dites, le particulé, fais-je, je veux bien qu'à cause de vos mœurs vous ayez l'habitude des coups bas, mais celui-ci est particulièrement vache. Je comprends pourquoi vous m'avez si obligeamment servi de chauffeur.

— Mon cher, rétorque Toto, vous êtes un policier français, vous n’avez rien à faire sur le sol italien. Et même, vous eûtes appartenu à mon pays, nous aurions usé de moyens autrement plus désagréables.

— Ne me faites pas un cours du soir de patriotisme, Toto, supplié-je, ça risquerait de me faire éclater de rire, et du fait, il y aurait plein de vilaines taches sur le tapis.