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Il quitta la rue silencieuse avec soulagement et se dirigea vers le bruit de la circulation. Il héla un taxi Cromwell Road.

La soirée printanière avait fait sortir la foule. Sur les trottoirs larges de Knightsbridge et dans Hyde Park, on se serait cru un jour de fête : une profusion d’uniformes, américains ou britanniques, du Commonwealth ou de l’exil — bleu sombre, kaki ou gris — et, partout, les taches de couleurs vives des petites robes d’été.

Elle devait se trouver là, pensa-t-il, ce soir même, quelque part dans Londres. À moins que cela n’ait été considéré comme trop risqué et qu’on l’ait envoyée à l’étranger se mettre au calme en attendant que toute l’affaire ait été oubliée. Il lui vint à l’esprit qu’une grande partie de ce qu’elle lui avait dit pouvait être vrai et qu’il était fort possible qu’elle soit la fille d’un diplomate.

Regent Street, une femme blonde sortit du Café Royal au bras d’un commandant de l’armée américaine.

Jericho dut se forcer à détourner la tête.

RÉUSSITE ALLIÉE DANS L’ATLANTIQUE NORD lisait-on sur l’affiche d’un journal, de l’autre côté de la rue. U-BOOTE NAZIS COULÉS.

Il baissa la vitre et laissa l’air tiède du soir lui caresser le visage.

Quelque chose de très étrange se produisit alors. Il contemplait les rues animées et commença soudain à ressentir une impression très nette de… enfin, il ne pouvait pas appeler ça du bonheur exactement. Délivrance, peut-être, eût mieux convenu.

Il se remémora leur dernière nuit ensemble. Lorsqu’il s’était couché à côté d’elle tandis qu’elle sanglotait. De quoi s’agissait-il alors ? de remords ? Auquel cas elle avait peut-être effectivement éprouvé quelque chose pour lui.

« Elle n’a jamais parlé de vous, avait dit Hester.

— Je suis flatté.

— Vu la façon dont elle parlait des autres, vous devriez l’être… »

Puis il y avait eu la carte d’anniversaire : « Mon cher Tom… te considérerai toujours comme un ami… peut-être à l’avenir… désolée d’apprendre… pressée… je t’embrasse… »

C’était une solution. La meilleure solution qu’il puisse envisager en tout cas.

À la gare de King’s Cross, il acheta une carte postale et un carnet de timbres et envoya un mot à Hester pour lui demander de venir le voir à Cambridge dès qu’elle le pourrait.

Dans le train, il trouva un compartiment vide et regarda son reflet dans la vitre, image qui devint de plus en plus nette à mesure que le soir tombait et que le paysage plat s’estompait, puis il finit par s’endormir.

La grande grille de l’université était fermée. Seule la petite porte ménagée dans la grande demeurait ouverte, et il devait être dix heures lorsque Kite, qui somnolait près du fourneau à charbon, fut réveillé par le bruit qu’elle produisit en s’ouvrant et se refermant. Il souleva le bord de l’épais rideau juste à temps pour voir Jericho pénétrer dans la grande cour.

Kite sortit silencieusement de sa loge pour mieux regarder.

Il faisait étonnamment clair — il y avait beaucoup d’étoiles — et il crut un instant que Jericho l’avait entendu car le jeune homme se tenait debout au bord de la pelouse et semblait tendre l’oreille. Mais il comprit alors que Jericho avait en fait les yeux levés vers le ciel. Comme Kite le raconta par la suite, Jericho dut rester ainsi au moins cinq minutes, tourné d’abord vers la chapelle puis vers la prairie et enfin vers le hall, avant de se diriger d’un pas décidé vers l’escalier et de disparaître dans l’ombre.

REMERCIEMENTS

Je dois énormément à tous les anciens employés de Bletchley Park qui ont accepté de me parler de leur expérience de la guerre. Je voudrais tout particulièrement remercier Sir Harry Hinsley (Section navale, Hutte 4), Margaret Macintyre et Jane Parkinson (salle de Décodage de la Hutte 6), le regretté Sir Stuart Milner-Barry (ancien patron de la Hutte 6), Joan Murray (Hutte 8) et Alan Stripp (chiffres japonais).

Roger Bristow, Tony Sale et leurs collègues du Bletchley Park Trust ont répondu à mes questions avec une grande patience et m’ont permis d’arpenter le site à loisir.

Aucune de ces charmantes personnes ne porte la moindre responsabilité du contenu de cet ouvrage, qui est le fruit de l’imagination et nullement un livre de référence.

Pour les lecteurs qui voudraient en savoir davantage sur les faits qui sous-tendent ce roman, je recommande vigoureusement : Top Secret Ultra de Peter Calvocoressi (Londres, 1980), Codebreakers, sous la direction de F. H. Hinsley et Alan Stripp (Oxford, 1993), Seizing the Enigma de David Kahn (Boston, USA, 1991), The Enigma Symposium de Hugh Skillen (Middlesex, deux volumes, 1992 et 1994), The Hut 8 Story de Gordon Welchman (New York, 1982) et GCHQ de Nigel West (London, 1986).

Le détail de ce qui s’est déroulé dans l’Atlantique Nord est tiré des signaux originaux décryptés des U-Boote qui sont conservés au Public Record Office de Londres, et aussi du Convoy de Martin Middlebrook (Londres, 1976) et de The Critical Convoy Battles of March 1943, de Jürgen Rohwer (traduction anglaise, Londres 1977).

Je voudrais enfin remercier tout spécialement Sue Freestone et David Rosenthal qui n’ont, ni l’un ni l’autre, jamais cessé de croire en Enigma, même lorsque son auteur commençait à le trouver des plus énigmatiques.

Robert Harris
Juin 1995