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Oh! oui: nous deux, Béru et moi, devant le frigo contenant les restes atroces d’un petit garçon à demi dépecé.

Je pense à Toinet qui, s’il ne m’avait montré le scénario porno, aurait probablement fini dans cette garde-robe-sépulcre. Des chandelles me dégoulinent au-dessus des étiquettes.

— Tu regrettes toujours que ton pote le sadique soye clamsé? grommelle l’Arrondi.

— Oui, réponds-je, car j’aurais aimé lui arracher la gueule avec mes ongles!

FAIS PAS DANS LA NUANCE!

— Entrez, j’vous prille, chère maâme, et faites-vous pas d’souci: ça va bien s’passer.

Le Potelé prend une gigantesque gomme et s’efface pour laisser passer la concierge de feu René-Louis Blérot.

Elle fait pas cerbère le moindre, cette personne. Je comprends pourquoi Alexandre-Benoît prend sa voix galantine avec elle et décrit des rotations du buste qui fileraient la colique à un matador.

— Assoyez-vous, chère maâme. J’vous présente le commissaire Santantonio.

J’accueille le témoin d’un sourire engageant. C’est une dame d’une quarantaine damnée, bien en formes et peinte au Ripolin express. Elle a mis une veste de tailleur bleu sur une robe imprimée rouge, soucieuse, sans doute, d’en atténuer la vigueur agressive.

Elle dépose sur le fauteuil râpé un cul qui ne l’est pas encore et dont Béru, visiblement, ferait ses beaux dimanches, voire même ses beaux samedis après-midi. Quand il s’en ressent pour une personne du sexe, ses pensées polissonnes défilent sur sa frite comme la liste des programmes sur ton écran de télé. Ainsi, je lis clairement que, s’il arrivait à ses chères fins, il commencerait par basculer cette dame sur le plume. Dès lors il retrousserait sa robe juste pour pouvoir gagner son intimité la tête la première et lui ôterait sa culotte avec les dents, quitte à l’épiler un peu dans sa fougue. Ce serait le préambule de son entreprise. Ayant du pain sur la planche à repasser, je néglige la suite de ses perspectives.

L’arrivante prétend s’appeler Yvette Bonatout, 42 ans. Mariée à un gardien de la paix. Mère d’une petite fille. Concierge rue de Rennes.

— Parlez-moi de votre locataire René-Louis Blérot, madame.

Elle paraît surprise. Ne s’attendait pas à une telle question. Parce qu’il convient de t’informer, Dédé, qu’on n’a pas ébruité l’affaire. Elle sortira plus tard, après que j’aurai déblayé le terrain. Tu m’objecteras sans doute que le sadique étant mort, l’action de la Justice est éteinte, mais je pense que le passé de ce misérable doit être jalonné d’horribles forfaits et je voudrais fouinasser dedans avant que ne se déclenche le grand patacaisse qui consécutera à la terrible nouvelle.

Elle murmure, la chère dame:

— M. Blérot?

— Oui.

— Je peux vous demander pourquoi vous voulez que je vous cause de lui?

— Non.

Elle reste interdite. Se tourne vers Bérurier, si tant tellement plein de mansuétude à son endroit (et à son envers également pour peu qu’elle le souhaite).

Le Gros prend une chaise qu’il va planter près du fauteuil du témoin. S’assied tout contre l’appétissante pipelette, pose sa large main sur son genou gracieux et déclare:

— Faut pas qu’vous êtes intimidée, ma petite dame. Du moment qu’vot’bonhomme est d’la police, vous êtes légalement un peu des nôt’aussi. Répondez gentillement aux questions à m’sieur l’commissaire. Je reste près de vous pour vous soutenir.

Comme preuve, il coule sa main entre ses jambes, lui démontrer à quel point il soutient bien une dame dans l’épreuve.

— Alors, fais-je, d’un ton engageant, ce René-Louis Blérot?

Elle s’enhardit.

— C’est un homme très gentil, très doux.

— Que fait-il?

— Il écrit.

— Vous savez quoi?

— Il fait des films, des livres. Il m’en a dédicacé un, l’an dernier; j’ai pas tout compris, mais ça m’a paru beau.

— Il vit seul?

Elle hésite.

— Presque.

— Qu’entendez-vous par là?

Elle reste indécise. Pour l’inciter, Béru plonge sa main libre dans son décolleté.

— Disez, disez bien tout, pâme le Pesant en promenant son pif sur sa nuque dodue.

La concierge hausse les épaules, non pour chasser le baiser qui se prépare sur ses arrières, mais pour marquer la délicatesse de la réponse qu’elle va devoir fournir.

— A vrai dire, il recevait de temps en temps quelqu’un qui passait la nuit à l’appartement.

Je lâche étourdiment:

— Un petit garçon?

— Oui, avec sa maman, répond la balayeuse d’escaliers, très naturellement.

— Avec sa maman! nous écrions-nous d’une même voix, le Gonflé et moi.

— Ben oui. Pourquoi?

— Attendez, chaque fois un petit garçon venait et sa mère l’accompagnait?

— Si vous voulez, moi je dirais plutôt que la dame arrivait avec son gosse.

— La dame!

On va de surprise en stupeur comme d’autres de Charybde en Scylla ou de la Porte Maillot à celle de Pantin.

— Voulez-vous dire que c’était chaque fois la même femme?

— Bien sûr! répond-elle, de plus en plus étonnée de notre étonnement.

Ce qui est étonnant, non?

— Et chaque fois le même petit garçon? insisté-je.

Là, elle va pour affirmater, puis s’arrête, comme déconcertée.

— Eh bien… A vrai dire… Heu, je… je n’en suis pas certaine. Je croyais, mais franchement je ne pourrais le jurer, d’autant que la dernière fois, le gosse m’avait paru plus grand que la fois précédente. Je m’étais dit qu’il avait beaucoup grandi. Faut admettre, aussi, que je ne faisais que les apercevoir.

— Racontez-moi la «mère». Elle est comment cette visiteuse épisodique?

— Une jeune femme très chic. Trente-cinq ans environ. Brune, assez grande. Elle a des manteaux de fourrure l’hiver et des différents: vison, panthère, lynx. Bref, c’est probablement quelqu’un de riche.

On la sent impressionnée par ces peaux d’animaux morts.

— Vous m’avez dit que la dame et l’enfant venaient «de temps en temps», essayez de mieux préciser.

Nouvelle méditation d’Yvette Bonatout. Béru a retiré sa main du décolleté pour mieux se consacrer à l’entrejambe car il est malaisé de pratiquer les deux explorations simultanément; or, mieux vaut s’acquitter parfaitement d’une entreprise que d’en bâcler deux par manque de liberté de mouvements.

— S’il fallait donner une fréquence, je dirais tous les mois, un peu moins peut-être. D’autant que je ne la voyais pas fatalement arriver à chacune de ses visites; pourtant, même si je la ratais, j’avais un repère.

— Quel était-il?

— Lorsqu’elle venait. M. Blérot mettait de la musique une bonne partie de la nuit. Même qu’une fois, sa voisine s’est plainte et y a fallu que je monte lui dire de baisser le son.

— Quand il était seul, il ne faisait pas ronfler son électrophone?

— Non, jamais. Je pense que c’était la dame qui était mélomane, lui ne pensait qu’à ses écritures.

— Maintenant, écoutez bien ma question, madame Bonatout, et étudiez-la à fond avant de me répondre…

Je me recueille. Puis, détachant chaque syllabe à l’essence de térébenthine, y vais de mon voyage:

— Vous voyiez repartir la dame, le lendemain?

— Rarement, car je fais des ménages dans le quartier, tous les matins. Mais ça m’est arrivé, notamment un samedi.

— Etait-elle en compagnie du petit garçon?

— Oui…

— Réfléchissez: vous avez vu l’enfant?