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– En effet, Sire. Je l’ai dit et le répète, car ma source est des plus sûres...

– Une servante, semble-t-il ? Une ancienne esclave qui aurait eu... des bontés pour vous ?

– C’est de Khatoun que vous parlez ? s’écria Fiora incapable de se contenir. De Khatoun que vous avez failli massacrer à Florence et qui serait à présent votre maîtresse ?

Le sourire railleur de Tornabuoni lui donna envie de lui sauter à la gorge :

– Pourquoi pas ? Elle est charmante et experte aux jeux de l’amour. Je l’ai rencontrée un jour par ici, fort dolente car vous l’aviez abandonnée pour courir les routes avec un valet. Seulement, elle savait pourquoi vous alliez à Paris...

– Elle le savait, en effet, mais elle savait aussi que je n’avais pas rencontré mon époux depuis deux ans. J’ignore pourquoi elle a fait ce mensonge...

– Mensonge ? Il vous plaît à le dire, belle Fiora. Pour ma part...

– Pour votre part, reprit le roi d’une voix tout à coup sévère, nous espérons que vous êtes prêt à soutenir votre... vérité les armes à la main et contre tout champion qui se présentera pour défendre la cause de la dame de Selongey...

– Un duel ? mais je suis un ambassadeur, Sire !

– Un ambassadeur qui s’est mêlé de ce qui ne le regarde pas doit subir nos lois comme nos sujets. De toute façon, nous comptons bien prévenir notre bon cousin le seigneur Lorenzo de Médicis de notre intention de vous envoyer soutenir vos dires en champ clos.

– Sire !

– Rassurez-vous ! vous n’irez pas seul. J’ai parlé de deux personnages et je pense, messire Olivier le Daim, que vous aurez à cœur, vous aussi, de soumettre au jugement divin cette fameuse lettre que vous nous avez vous-même remise en certifiant son authenticité... et en réclamant certain manoir pour prix de ce service.

A son tour, le barbier effaré apparut sur le devant de la scène :

– Mais, Sire notre roi... je ne suis pas chevalier et ne saurais me battre !

– Pas chevalier ? Vous dont j’avais fait mon ambassadeur auprès de la ville de Gand ? Voilà une faute grave que nous nous reprocherons longtemps, mais, soyez en repos, nous avons le temps de vous adouber avant la rencontre...

– Le Roi veut vraiment... m’envoyer en lice ?

– En compagnie de messire Tornabuoni. Vous serez deux contre un champion unique. Nous faisons ce choix étrange justement parce que vous êtes peu expérimenté à l’épée...

– En revanche, au poignard et de préférence dans le dos, il ne craint personne ! clama Douglas Mortimer qui, abandonnant son poste de garde, vint se placer devant Fiora. Avec votre gracieuse permission, Sire, je serai le champion de donna Fiora ! Et je tuerai ces deux misérables aussi vrai que je m’appelle Douglas Mortimer des Mortimer de Glenlivet... Et davantage encore s’il plaît au Roi de m’envoyer cinq ou six ribauds de cette sorte !

Oh ! la joie de sentir auprès de soi cette force tranquille, cet ami sûr ! Fiora leva vers Louis XI un regard plein d’espérance... mais celui-ci fronça les sourcils :

– Paix, Mortimer ! Pâques-Dieu, vous êtes à notre service, pas à celui des dames ! Votre sang ne doit couler que pour la France. Aussi récusons-nous votre proposition... Il faudra qu’un autre champion se présente. De l’issue du combat dépendra le sort de la dame de Selongey... Restez à votre place !

D’un geste impérieux, Louis XI arrêtait net l’élan de Philippe de Commynes, visiblement prêt à offrir ses armes...

– Dans une affaire aussi grave, reprit le roi, il ne faut pas de précipitation. Celui qui se présentera devant nous, dans un mois jour pour jour, devra savoir que, s’il est vaincu, la dame de Selongey sera exécutée, et que le combat sera à outrance. Ainsi donc, messeigneurs, examinez et pesez bien votre décision...

– C’est tout décidé, marmotta Mortimer entre ses dents. Aucune force humaine ne m’empêchera de combattre pour elle, même si je dois donner ma démission !

Proche cependant de l’Ecossais, le roi, comme s’il n’avait rien entendu, reprit :

– Que l’on ramène la dame de Selongey dans sa prison ! Personne n’est autorisé à lui parler.

Le silence était encore plus profond qu’à l’entrée de Fiora lorsqu’elle se dirigea vers la porte au milieu de ses gardes. Un silence où entrait sans doute beaucoup d’étonnement devant une aussi étrange décision : un duel judiciaire dans lequel un seul homme devrait affronter deux adversaires ? Même peu habiles, c’était tout de même comprendre de curieuse façon l’égalité des chances, sans parler du Seigneur qui, dans cette affaire, voyait son rôle quelque peu diminué.

La seule consolation de Fiora, avant de quitter la salle, fut d’entendre le roi ordonner que Tornabuoni et Olivier le Daim fussent gardés nuit et jour en leurs logis jusqu’au matin du combat. Consolation bien mince, car si ni Mortimer ni Commynes n’étaient autorisés à se battre pour elle, il ne lui restait plus qu’un mois à vivre...

CHAPITRE XII

LE DERNIER JOUR

Le roi, néanmoins, semblait accorder quelque pitié à sa captive. Le lendemain, après que le geôlier Grégoire eut enlevé le plateau du premier repas – auquel Fiora n’avait guère touché – il revint, tout joyeux :

– Je vous annonce une visite ! s’écria-t-il. Une bonne visite...

Rouvrant en grand la porte qu’il avait simplement rabattue derrière lui, il s’effaça pour livrer passage à Léonarde, portant dans ses bras le petit Philippe. Le cri de joie de la prisonnière fit monter à ses yeux de brave homme une larme d’attendrissement et il resta un instant à contempler le joli tableau que formait Fiora serrant son fils dans ses bras.

– Mon tout petit ! Mon amour !... Mon petit trésor ! Elle couvrait de baisers passionnés le petit visage, les menottes et les courts cheveux bruns qui bouclaient autour de la tête ronde de Philippe, lui donnant l’air d’un angelot... ce qu’il n’était pas tout à fait car, peu habitué à des effusions aussi intenses, il se mit à protester. Fiora s’affola :

– Est-ce que je lui ai fait mal ?

– Non, dit Léonarde en riant, mais vous êtes en train de l’étouffer... Là, posez-le par terre à présent ! ... Et vous, messire Philippe, saluez donc votre mère comme je vous ai appris à le faire !

L’enfant prit un solide appui sur ses petites jambes et esquissa une sorte de révérence assez maladroite qui enchanta Fiora.

– Le bonjour, Madame ma mère, fit-il avec gravité. Allez-vous bien ?

Mais, comme Fiora s’était accroupie pour être à sa hauteur, le petit garçon se jeta dans ses bras en criant :

– Maman, maman ! ... Je m’ennuyais tellement de vous !

– Il me connaît bien peu, pourtant ! dit Fiora pardessus la tête de son fils.

– Il vous connaît bien mieux que vous ne pensez. On lui a parlé de vous tous les jours et, dans ses prières, il ne manque jamais de demander à Dieu de lui rendre sa maman...

– Mon papa aussi ! rectifia l’enfant. Quand pensez-vous qu’il viendra, maman ?

– Je n’en sais rien, mon chéri. Ton papa est parti pour un long voyage, mais tu as raison de prier le bon Dieu pour qu’il en revienne...

– Ne nous attendrissons pas ! fit Léonarde. Et d’abord, laissez un peu ce jeune homme pour m’embrasser. Vous n’y avez pas encore songé !

Les deux femmes s’embrassèrent chaleureusement, d’autant plus que la vieille demoiselle apportait une autre bonne nouvelle : le petit Philippe et elle étaient autorisés à venir chaque jour visiter Fiora dans sa prison, et même à prendre en sa compagnie le repas du milieu du jour.