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Kovask sourit légèrement mais enchaîna :

— Ne pourrait-on pas retrouver le nom du bâtiment qui a dû transporter la poudre abrasive ? Il n’a pu balancer des tonnes de cette cochonnerie par-dessus bord sans que cela se remarque. À moins qu’il n’ait été pourvu d’une installation spéciale en dessous de la ligne de flottaison et des pompes.

Soudain, une autre idée lui vint.

— Le Coban est un vapeur, n’est-ce pas ?

— Oui … Ce n’est pas un navire très moderne.

— Pourquoi n’auraient-ils pas utilisé les eaux à la sortie du condenseur ? Tout au long de la traversée ils pouvaient ainsi abandonner leur poussière abrasive sans gros risques.

Les marins présents paraissaient de cet avis. Kovask consulta sa montre. Il était minuit moins le quart. Il fit un signe au commander Tucker qui sortit de la pièce.

— Nous allons embarquer à bord d’une vedette, annonça le commodore.

Le colonel Hilton paru suffoqué :

— Comptez-vous l’arraisonner en dehors des eaux territoriales ?

— Il n’en est nullement question. D’abord, il s’ensuivrait certainement une poursuite, cela nous entraînerait trop loin et enfin ces gens se défendront jusqu’au bout. Je ne veux pas qu’il y ait trop de dégâts.

Dans le port, un remorqueur manœuvrait, tirant un L.T.C. qui paraissait plein à ras-bord. Dans les projecteurs, ils purent voir que le château-arrière était en partie démantelé et qu’il ne restait que le poste de navigation.

— Trente mille gallons de fuel, dit Kovask à Clayton … Il enfonce jusqu’à la rambarde.

L’inspecteur regarda le chaland avec surprise.

— Vous allez foutre le feu au Coban ?

— Pas question ! Nous tenons trop à mettre notre nez dans l’installation de ce méchant cargo. Et je suis certain que nous allons trouver des gens très intéressants à bord.

La vedette démarra lentement, parallèlement au sillage laissé par le remorqueur. Ils étaient en pleine baie de Limon quand le « Caroline » signala que des émissions d’ultrasons venaient d’être enregistrées. Elles étaient d’une puissance peu commune.

— Ça commence.

À l’approche des digues de protection, la vedette ralentit encore et ils virent s’éloigner les feux du remorqueur.

— Nous le laissons filer seul ?

— Dans quelques instants nous stopperons même complètement.

Clayton mâchonnait sa cigarette.

— Vous me faites mijoter, Kovask.

Ils se trouvaient dans le carré minuscule à l’avant du bâtiment. Kovask lui donna du feu, alluma sa propre cigarette. Tout le monde se pressait contre les vitres épaisses.

— Pas du tout … Le remorqueur va faire le tour du Coban à distance raisonnable … Puis il reviendra au port, mais tout seul.

— Il abandonnera le L.T.C. ?

— Oui … Ce dernier est occupé par deux hommes. Deux volontaires. L’un est à la barre, l’autre aux vannes de vidange. Il a même à sa disposition une pompe électrique qui refoulera le fuel dans la mer. Cela formera une immense tache en forme de U. À un moment précis, une mise à feu télécommandée sera actionnée.

— Les deux hommes ?

— Ils auront eu le temps de revenir à bord du remorqueur.

Kovask soupira.

— Ça coûte un vieux chaland et trente mille gallons de fuel à la Navy, mais ce n’est pas de trop. L’administration du Canal en remboursera une bonne partie, trop heureuse d’en être quitte à si bon compte.

— Le feu cernera le Coban ?

— Pas complètement. Ils auront juste la place pour manœuvrer et revenir vers nous, c’est-à-dire dans les eaux territoriales où le « Caroline » les arraisonnera. Cela n’ira pas tout seul mais ils seront trop affolés pour résister longtemps. Il y a un commando de marines à bord de l’escorteur. Des gars choisis un par un. Matériel de choix, canots pneumatiques à moteur et grappins. Ils seront sur le Coban avant que le « Caroline » ait tiré son premier coup de semonce.

Il haussa les épaules.

— Chisholm m’a refusé le plaisir d’en faire partie. J’aurais bien aimé être dans les premiers à poser les pieds sur le pont. Le spectacle vaudra certainement le coup.

— Vous êtes certain qu’ils n’ont rien de prévu pour fuir ? Hélicoptère ? …

— Pourquoi pas un sous-marin ? Non, les avions de la Navy n’ont rien repéré de semblable. Le pont est paraît-il passablement encombré. Du moins pendant la journée. Certainement le fameux portique qui ne doit être déployé qu’à la nuit tombée.

Un haut-parleur nasilla au-dessus de la porte d’entrée.

— Astyx signale qu’il accomplit la boucle autour du Coban et que l’expulsion de fuel se poursuit normalement. Plus de la moitié des trente mille gallons flotte actuellement dans un quart de cercle d’un demi-mille de rayon. Le vent, Sud-Nord approximativement, bien que très faible sera excellent pour la propagation du feu.

Le commodore demanda qu’on les branche directement sur la radio de l’escorteur. Un quart d’heure plus tard, une voix s’éleva.

— Escorteur Caroline à navire inconnu, stoppé par 79°52 minutes de longitude Ouest et 4°31 minutes latitude Nord attention, message d’extrême urgence … Un chaland-citerne, à la suite d’une avarie, vient de perdre la totalité de sa charge en fuel. Risque immédiat d’incendie. Rejoignez d’urgence Cristobal … Nous répétons …

Clayton grimaçait de plaisir.

— Ils ne vont pas être dupes.

— Non … S’il s’agissait d’une avarie, le fuel mettrait un certain temps à remonter à la surface de l’océan. Tandis que nous l’y avons déposé avec précaution.

La voix nasillarde s’éleva à nouveau.

— Escorteur Caroline à C.T. Navire inconnu ne répond pas …

— Maintenant, c’est la station terrestre de sécurité qui va s’en mêler. De la comédie évidemment, qui ne dupe personne mais produit son petit effet psychologique.

Soudain, ils distinguèrent des feux de position légèrement sur la droite.

— Astyx revient … Dans quelques minutes, ce sera la mise à feu.

Une nouvelle fois, l’escorteur répéta son message d’alerte, puis avertit C.T. que le Coban ne répondait toujours pas.

— Aucune manœuvre à bord ? Demanda le commodore.

La réponse fut rapide.

— L’écran radar laisse voir une modification de sa superstructure. Ils doivent replier leur portique.

— J’y suis, dit le commander Tucker … Ce gros engin leur interdit certainement la manœuvre. Ils ont dû remonter la parabolique pour mettre en route leurs machines.

Kovask opina du chef.

— Ils vont foncer vers le large malgré le danger. Tant que la nappe n’est pas en feu, ils croient qu’il s’agit d’un coup de bluff.

— Regardez …

Une immense étincelle venait de jaillir de la mer, puis la nuit retomba, plus épaisse.

— Raté ! Jura Clayton.

Mais, en même temps, un embrasement général de la mer éclata. On distingua alors parfaitement la silhouette du cargo très haut sur les flots, celle du remorqueur qui revenait vers le port. Sur la gauche, le « Caroline » se déplaçait rapidement, perpendiculairement à l’embouchure de la baie de Limon, tandis que la deuxième vedette rapide convergeait vers le trou noir dans lequel se trouvait le Coban.

Les flammes couraient à grande vitesse de la mer, formaient bientôt une demi-couronne fantastique.

— Quarante mètres de haut au moins ! Supputa Clayton.

Le Coban bougeait. Il pivotait lentement vers la gauche. Son capitaine espérait certainement longer la limite des eaux et s’enfuir de la sorte. Mais les flammes allaient trop vite, et bientôt il se trouva étroitement encerclé.