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— Une jolie femme ! Remarqua le commodore … Curieux qu’elle soit mêlée à cette histoire.

— Une tigresse aussi ! Affirma Kovask.

Le capitaine ayant accepté de conduire son navire jusqu’aux quais de Cristobal, ils quittèrent le Coban à bord de la vedette.

Dans le bureau de la Sécurité, Kovask établit sur papier les grandes lignes de ses interrogatoires. Clayton l’assistait, ainsi que le colonel Hilton. Wouters ne manifesta pas le désir d’assister à la séance. Il devait rendre compte au gouverneur de la réussite des opérations. Le commodore Chisholm était en route pour Panama. Luisa Dominguin comparut la première. Elle s’installa sur la chaise placée au centre de la pièce, croisa haut ses jambes. Elle paraissait très sûre d’elle.

— Je dois vous avertir que je refuse complètement de répondre à une seule question.

Kovask la regarda silencieusement puis inclina la tête.

— Très bien.

Il fit signe à l’inspecteur de service qui entraîna la femme.

Du coup, elle parut inquiète de sa trop facile victoire.

— Vous avez quelque chose à ajouter ? Fit Kovask, ironique.

Elle pivota et passa la porte, le policier dans ses talons.

— Croyez-vous qu’il soit utile d’appeler Dominguin ?

— Pour la régularité de l’instruction, je le crois.

Le gros homme refusa de s’asseoir. Il répéta exactement les mêmes paroles que sa femme. Kovask, très à l’aise, s’inclina et le riche propriétaire eut la même lueur inquiète dans ses yeux.

Clayton apprécia l’attitude de Kovask.

— Ils vont s’imaginer que nous en savons long … Malheureusement, il ne reste plus que le premier-maître Sigmond. Si celui-là se montre réticent, je me demande comment nous démêlerons l’affaire.

Kovask allumait soigneusement une cigarette. Ses cheveux très décolorés brillaient sous la lumière électrique. Ses yeux étaient durs. Il martela chaque mot :

— Sigmond parlera … Même au prix de certains moyens un peu rudes.

Il s’adressa au policier.

— Allez le chercher.

Lentement, il orienta les deux projecteurs de bureau sur la chaise vide.

CHAPITRE XVI

Sigmond entra d’un pas hésitant. Clayton lui désigna la chaise et il s’y laissa choir comme un homme fatigué. Ébloui par les projecteurs, il ferma les yeux puis les ouvrit à nouveau.

Kovask n’avait pas sa fiche signalétique, mais il pensa qu’il avait une quarantaine d’années. C’était un homme robuste, aux cheveux blonds, aux yeux clairs. Son teint était coloré.

— Alcoolique certainement, se dit le lieutenant.

Étonné du silence, Sigmond les regarda à tour de rôle, puis parut s’absorber dans la contemplation de ses souliers.

— Mercedes Llanera est arrêtée. Le saviez-vous ?

— Oui.

— Comment ?

— Dominguin en avait été informé par un de ses agents principaux.

— Son nom ?

— Jorge … Tout simplement.

Kovask soupira de soulagement. Tout continuait de s’enchaîner correctement. Il n’aurait peut-être pas à connaître d’autres personnages, d’autres comparses.

— À quel moment avez-vous agi à bord de l’Evans II ?

— Au jour indiqué.

— La forte houle n’a été qu’un hasard ?

— En effet. Je savais que le radiophare ne fonctionnerait pas.

— Qui l’avait saboté ?

— Un nommé Perez … Il était à l’intérieur en compagnie du pêcheur Morillo, celui qui est mort avec sa femme.

— Explique tout ! Le menaça Kovask, passant brusquement au tu.

Sigmond se concentra quelques secondes.

— La route de l’Evans II était fixée depuis longtemps. Nous devions relâcher deux jours à Puerto-Mensabé. Le 9 et le 10. C’est dans la nuit du 9 que le bâtiment devait couler. S’il n’y avait pas eu la tempête, je devais créer une voie d’eau artificielle.

Le colonel Hilton jura mais ne dit rien.

— J’étais prêt à sauter à l’eau dans ma tenue de combat.

— Doucement. Quand avais-tu saboté les instruments de bord ?

— Un peu avant la tombée de la nuit. Je savais exactement ce que j’avais à faire. Pour l’appareil du laboratoire, ce fut plus difficile, car le chimiste s’y trouvait. Il m’avait vu entrer et ressortir, mais il était tellement occupé qu’il ne prêta pas attention à moi … Au moment où j’allais sauter à l’eau, à la suite du choc, il se cramponna à moi. Nous avons roulé ensemble dans la mer …

L’homme essaya de les convaincre :

— Je n’ai pas eu le courage de l’abandonner … Je l’ai attaché à moi et j’ai nagé vers les signaux lumineux qui venaient du phare.

— Pourquoi t’ont-ils aidé à t’en sortir ? Au fond, tu étais un témoin indésirable ?

Sigmond porta une main à ses yeux, mais un des inspecteurs la lui fit baisser d’un coup rude.

— Pas de ça ou je t’attache !

— Alors ? Demanda Kovask.

— Je ne sais pas … De toute façon, j’étais revêtu de ma tenue d’homme-grenouille, et ils ne tenaient pas à ce que mon cadavre soit retrouvé ainsi équipé … Ils ont fait une drôle de tête quand ils m’ont vu avec Brown. Il s’était évanoui au cours du trajet et était à moitié noyé.

— Dominguin ?

— Il était furieux, mais en apprenant qu’il s’agissait d’un chimiste, il a changé d’avis … Jusqu’à ce qu’on reçoive l’ordre de s’en débarrasser.

— L’ordre de qui ? Sigmond redressa la tête.

— Qu’aurai-je de plus si je vous le dis ? Je sais ce que je risque … La chambre à gaz si je suis jugé en Californie.

Kovask resta impassible. Le silence qui suivit fut long et lourd. Sigmond commençait de se contracter sur sa chaise.

— Pourquoi trahissais-tu ? Pour l’argent ou par idéal ?

Le quartier-maître eut un geste de dédain.

— L’idéal ? L’Unitad, un idéal ?

— Il y a autre chose derrière l’Unitad … Tu le sais bien. Réfléchis. Je te reposerai cette question tout à l’heure et tu devras y répondre. Continue.

Sigmond raconta comment ils étaient restés quelques jours à Puerto-Mensabé avant de partir avec les Dominguin. Ils avaient traversé le pays pour s’embarquer dans un petit port de la côte atlantique, Belen, à bord du Coban.

— Tes explications sont bien rapides. Revenons sur le détail. La mort de Brown ?

— Ils l’ont noyé, puis ont transporté le corps à la pointe de la péninsule.

Kovask se leva et s’approcha de l’homme. Ce dernier pâlit en le voyant avancer. Clayton en faisait autant de l’autre côté, et il sentait les inspecteurs dans son dos. Depuis un moment, son visage ruisselait de transpiration, mais à la suite de la menace de l’attacher, il n’osait s’essuyer.

— Je vous jure ! Hurla-t-il … Je ne suis pour rien dans la mort de Brown …

— Tu en as dix-huit sur la conscience, avec le sabotage de l’Evans II …

Les deux hommes étaient en face de lui. Il ne pouvait plus distinguer les autres, toujours assis derrière la table. Il serra ses poings.

— Je l’avais sauvé … C’était pas pour le descendre ensuite.

— Alors ! Continue, si tu as la conscience tranquille.

— Dominguin donnait des ordres … depuis le bateau.

— Tiens, ricana Kovask, il n’en recevait plus ?

— Non, il n’en recevait plus, c’était lui le grand patron.