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Le colonel Hilton avança sa grosse figure.

— J’ai vu des photographies de Ponomé … Ce n’est pas tout à fait ça.

— Dominguin se cache depuis des années. Il souffre de fièvres et se drogue. Son aspect physique a pu changer.

Kovask attaqua durement.

— De qui recevait-il certaines instructions ? Seul il ne pouvait réussir. Il avait une sorte de conseiller. Un homme qui travaille pour une puissance étrangère. Les Russes.

Sigmond eut un petit sourire suffisant.

— Tu connais cet homme ?

Il ricana, les regardant les uns après les autres.

— Écoute-moi, Sigmond.

Le ton grave du lieutenant le surprit. Il le fixa avec inquiétude.

— Ces gens se sont ignoblement conduits avec toi. Ils ont tué ta femme et ta fille. C’est Mercedes Llanera qui les a assassinées sur l’ordre de Jorge, lequel avait reçu des instructions de Dominguin.

Sigmond se dressa lentement et cette fois aucun des policiers n’intervint pour le faire asseoir.

— Nancy, Lissy ? Lieutenant …

C’était une sorte d’appel au secours. Kovask hocha la tête, répondit :

— Oui Sigmond. Elles sont mortes.

L’homme se figea au milieu de la pièce. Tous étaient suspendus à ses gestes, ses paroles.

— Lieutenant …

Il eut une sorte de rire douloureux :

— Vous connaissez cet homme …

CHAPITRE XVII

La même nuit, une équipe de spécialistes fouilla le Coban de fond en comble. Les documents s’amoncelèrent dans une pièce de la Sécurité. Un premier tri avait permis d’établir que Gregory Sigmond n’avait nullement menti. On retrouva des preuves écrites sur la double identité de Dominguin.

— Un graphologue amateur trouverait la similitude des deux écritures, dit Clayton en tendant deux lettres, l’une signée Dominguin, l’autre Ramon Ponomé.

Le capitaine du cargo fut à nouveau interrogé, et il reconnut sans trop de difficultés que ses officiers naturalisés guatémaltèques avaient des origines tchèques et polonaises. Lui seul était latin avec ses matelots.

À quatre heures du matin environ, Kovask était à même d’interroger une nouvelle fois Dominguin. Ce dernier fut arraché à son sommeil, poussé dans le bureau.

Il commença de répéter qu’il ne voulait répondre à aucune question et que son arrestation était arbitraire.

— Reconnaissez-vous être Ramon Ponomé ? Lui demanda brutalement Kovask.

L’homme encaissa mal le coup. Il paraissait souffrant et fatigué. Il resta silencieux, tandis que le colonel Hilton brossait rapidement un tableau des faits reprochés au chef de l’Unitad depuis plusieurs années. Plusieurs tentatives de sabotage ayant entraîné la mort de soldats ou marins américains, tentatives de corruption de fonctionnaires.

— Votre procès sera long, mais vous serez jugé chez nous en Amérique du Nord. Et ce sera certainement la chaise électrique.

L’homme resta indifférent. Finalement, il fut reconduit dans sa cellule.

— Il faudra lui faire avouer qu’il est Ponomé. Avec les gens du Panama il faut prouver, sinon ils continueront de penser qu’il est vivant, et ils en feront une légende. Le premier apprenti-dictateur venu endossera sa personnalité et tout sera à recommencer.

Kovask buvait une tasse de café. On en avait apporté plusieurs thermos. Il avait les yeux rouges et songeait aux délices d’une douche et d’un lit. Mais tout n’était pas fini. Il restait le dernier homme. Celui dont Sigmond avait donné le nom à la surprise générale.

— Nous allons pouvoir rentrer à Panama mon colonel, dit-il en se tournant vers le chef de la Section spéciale.

— Qu’avez-vous fait de votre chimiste ? Demanda Clayton d’une voix pâteuse.

Kovask eut un rire bref.

— Il dormait dans la timonerie, au milieu des appareils les plus divers. Il n’a pas fini ses examens. Nous reprendrons le même avion demain soir.

Hilton était affalé dans un fauteuil. Son visage aussi était marqué par la fatigue.

— Quand allez-vous vous occuper de l’autre ?

— Pas avant le jour, mon colonel. Inutile de nous signaler par notre arrivée à une heure aussi matinale.

Le retour s’effectua par la route. Clayton était au volant et le colonel Hilton se trouvait à ses côtés. À l’arrière, Kovask faisait des efforts pour ne pas s’endormir et fumait sans arrêt.

Le colonel se tourna vers lui un peu avant Gamboa :

— Croyez-vous que nous découvrions d’autres complicités parmi le personnel américain ?

— Ce n’est pas impossible dit Kovask. Jusqu’à présent nous comptons, outre le captain Dikson et Sigmond, Mercedes Llanera. Je ne crois pas qu’à San Diego où à la Jolla ils aient contaminé d’autres personnes, et principalement à Balboa, centre administratif, ce n’est pas impossible. Hilton soupira.

— C’est terriblement ennuyeux … Pour nous tous. Les grandes purges sont néfastes, même pour les fonctionnaires innocents. On nous reprochera notre négligence …

Clayton toussa, gêné. Kovask resta silencieux.

C’était tout le drame des hommes envoyés à des milliers de kilomètres de leur pays, dans un climat épuisant. Ils finissaient par faire la part des choses, par oublier la plus élémentaire vigilance. Il avait connu Clayton quelques années plus tôt. Il n’était pas aussi gras. Il ne gémissait pas constamment parce qu’il devait veiller, s’activer, prendre des responsabilités. Lui-même avait hâte de retourner à Washington. Là-bas il faisait froid, les saisons étaient normales.

— La trahison paraît plus facile dans ce sacré pays, continua le colonel. On en arrive à oublier les valeurs morales les plus élémentaires. Voyez Dikson.

Dans le bureau de Clayton, Kovask s’allongea sur un lit de camp tandis que l’inspecteur s’étendait sur celui d’un collègue dans le bureau proche.

Il était neuf heures du matin quand ils se présentèrent à l’Hôpital de la Navy. Ils furent conduits jusqu’à la chambre 17, devant laquelle veillaient deux policiers de la N.P. Il y en avait deux autres sous la fenêtre du malade.

Dikson était en train de se raser devant la glace du lavabo quand ils entrèrent. Il coupa le courant, se tourna vers eux. Il ne portait que son pantalon de pyjama. Le géant avait un torse musclé, recouvert de poils poivre et sel.

Il s’approcha d’une chaise, se laissa tomber dessus d’un air excédé. Sa voix monotone s’éleva.

— Je n’ai plus rien à vous dire. Tout ce que je savais, je l’ai répété je ne sais combien de fois.

Kovask s’adossa contre la porte, tandis que Clayton s’approchait de la fenêtre.

— Je venais vous demander si vous aviez une idée des sanctions qui vous attendent à la suite de votre trahison.

Dikson fronça ses épais sourcils, puis haussa les épaules d’un air fataliste.

— La dégradation certainement … Cinq ans de réclusion ?

Kovask jeta un regard amusé en direction de Clayton. Ce dernier eut un rire bref.

— C’était le moins que vous espériez … Malheureusement, nous avons un supplément d’informations en ce qui concerne votre cas.

Le captain bougonna :

— Qu’essayez-vous de me mettre sur le dos ? Kovask prit une cigarette, l’alluma puis lança le paquet à Clayton.

— D’abord l’assassinat de Paula Tedou. Dikson parut catapulté de son siège.

— Vous êtes fou ou quoi ?

— C’est vous qui avez fait semblant de le devenir quand vous avez vu la tête de votre maîtresse dans ce paquet que vous vous étiez adressé.