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Brinkerhoff déglutit avec difficulté.

— Et alors, qu’est-ce que vous en concluez ?

— Cela signifie, intervint Susan, qu’il ne s’agit probablement pas de l’antidote.

– 365 –

— Bien sûr que c’est la formule ! s’emporta Brinkerhoff, à bout de nerfs. Que voulez-vous que ce soit ? Pourquoi, sinon, Tankado aurait-il voulu s’en débarrasser avant de mourir ? Qui serait assez tordu pour faire graver sans raison une suite de signes aléatoire sur un anneau ?

Fontaine fit taire son assistant d’un regard assassin.

— Euh... les amis..., intervint Becker, qui hésitait à s’en mêler. Vous parlez d’une suite aléatoire. Je crois qu’il faut que je vous dise... ces lettres... elles ont un sens.

Tous les gens présents sur l’estrade s’exclamèrent à l’unisson :

— Quoi ?

Becker était mal à l’aise.

— Je suis désolé, mais elles forment des mots. J’admets qu’ils sont presque collés les uns aux autres, et qu’au premier coup d’œil, ça peut sembler ne rien vouloir dire. Mais si on y regarde de plus près, on s’aperçoit que c’est du latin.

Jabba était bouche bée.

— Vous vous payez ma tête ?

— Non. C’est écrit « Quis custodiet ipsos custodes ». En gros, ça peut se traduire par...

— Qui gardera les gardes ! compléta Susan à la place de David.

Becker la regarda avec de grands yeux.

— Susan, j’ignorais que tu...

— C’est une phrase tirée des Satires de Juvenal, reprit-elle.

Qui gardera les gardes ? Qui surveillera la NSA pendant que la NSA surveillera le monde ? C’était la maxime fétiche de Tankado !

— Alors, demanda Midge. C’est la formule, oui ou merde ?

— Bien sûr que c’est la formule ! s’entêta Brinkerhoff.

Fontaine restait silencieux, analysant ce nouvel élément.

— Je doute qu’il s’agisse de la clé, Midge, répondit Jabba.

Une suite logique... Jamais Tankado n’aurait pris un tel risque.

— Enlevez donc les espaces ! brailla Brinkerhoff. Et entrez ce foutu code !

Fontaine se tourna vers Susan.

— Quelle est votre opinion, mademoiselle Fletcher ?

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Quelque chose clochait, mais elle ne parvenait pas à mettre le doigt dessus... Tankado, en programmation, recherchait la simplicité lumineuse, l’épure. Ses programmes étaient toujours des diamants parfaitement ciselés. Le fait qu’il soit nécessaire de supprimer les espaces ne collait pas avec le personnage.

C’était certes un détail, mais néanmoins un défaut, un accroc choquant à sa réputation d’orfèvre.

— Ça ne tient pas debout, répondit-elle finalement. Je ne pense pas non plus que ce soit l’antidote.

Fontaine prit une profonde respiration et plongea ses yeux noirs dans ceux de Susan.

— Mademoiselle Fletcher, si ce n’est pas la clé, dans ce cas pourquoi pensez-vous que Tankado ait voulu s’en débarrasser ?

Sachant qu’on l’avait assassiné, son seul moyen de se venger était de la faire disparaître...

Une voix l’interrompit :

— Excusez-moi... monsieur le directeur...

Tous les regards se tournèrent vers l’écran. C’était l’agent Smith, à Séville... Il se tenait penché au-dessus de l’épaule de Becker et parlait dans le micro.

— Je ne sais pas si ça a une importance quelconque, mais je ne crois pas que Tankado ait su qu’il s’agissait d’un meurtre.

— Comment ça ? lâcha Fontaine.

— Hulohot était un professionnel. Nous avons assisté à la scène, postés à cinquante mètres à peine de là. A l’évidence, Tankado ne s’est douté de rien.

— Ah oui ? railla Brinkerhoff. Vous en avez la preuve ?

Tankado a donné la bague, c’est bien le signe qu’il avait compris !

— Agent Smith, coupa Fontaine. Qu’est-ce qui vous fait penser que Tankado n’a rien vu venir ?

Smith s’éclaircit la gorge.

— Hulohot a utilisé une balle furtive : c’est une ogive de caoutchouc à haute vélocité qui, en touchant la poitrine, se désintègre et propage une onde de choc mortelle. C’est parfaitement silencieux. Du travail propre. M. Tankado a dû ressentir une grande douleur sur le coup, juste avant que survienne la crise cardiaque.

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— Une balle en caoutchouc, murmura Becker pour lui-même. Voilà qui explique l’hématome sur le torse...

— Je doute fort que Tankado ait associé cette sensation au tir d’une arme à feu, ajouta Smith.

— Et pourtant, il a donné la bague, dit Fontaine.

— C’est exact, monsieur. Mais à aucun moment il n’a cherché le tueur des yeux. Une victime cherche toujours à voir qui lui a tiré dessus. C’est un réflexe instinctif.

Fontaine était déconcerté.

— Tankado n’a vraiment pas regardé vers Hulohot ?

— Non, monsieur. Nous avons filmé la scène et si vous voulez...

— Les filtres X-11 cèdent ! s’écria un technicien. Le ver est à mi-chemin !

— Laissez tomber le film, déclara Brinkerhoff. Entrons ce maudit code et finissons-en !

Jabba soupira. À présent, c’était lui l’élément zen du groupe.

— Chef, si nous entrons la mauvaise formule...

— Monsieur le directeur..., intervint Susan. Si Tankado a cru mourir de mort naturelle, cela remet pas mal de choses en question.

— Combien de temps nous reste-t-il, Jabba ? s’enquit Fontaine.

Le géant leva les yeux vers le graphique.

— Vingt minutes. Mettons ce temps à profit. Nous n’avons pas droit à l’erreur.

Fontaine poussa un soupir.

— Très bien. Visionnons cette scène.

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117.

— Transmission vidéo dans dix secondes, annonça la voix de l’agent Smith. On garde toutes les autres fenêtres ouvertes, ainsi que le retour audio, pour que nous puissions continuer à communiquer en direct.

Sur l’estrade, tout le monde attendait en silence. Jabba, en quelques clics, fit le ménage sur l’écran mural. Le message de Tankado s’inscrivit à l’extrême gauche :

SEULE LA VÉRITÉ POURRA VOUS SAUVER

À droite se trouvait une vue de l’intérieur de la camionnette, avec Becker et les deux agents regroupés devant l’objectif. Au centre, un cadre empli de neige s’ouvrit. Puis le noir se fit, et enfin une image en noir et blanc apparut – des arbres, un bassin, une vaste esplanade.

— Je lance la transmission, annonça l’agent Smith.

L’image saccadée évoquait celle des vieux films, un effet secondaire du traitement du signal, qui supprimait une trame sur deux pour augmenter la rapidité de la transmission.

Un panoramique montrait une grande place, fermée d’un côté par un grand bâtiment semi-circulaire. Au premier plan, des arbres. Le parc était désert.

— Les filtres X-11 sont tombés ! annonça un technicien. Ce maudit ver est un vrai glouton !

Smith commentait les images, avec un détachement tout professionnel.

— Ces images ont été prises depuis la camionnette, à environ cinquante mètres du lieu du crime. Tankado va arriver sur la droite. Hulohot est à couvert sous les arbres, à gauche.

— Notre temps est compté, le pressa Fontaine. Au fait ! Au fait !

L’agent Coliander passa en avance rapide. Tous les gens présents sur l’estrade regardèrent avec intensité leur ancien