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— Cinquante kilos !

— Très bien. Cinquante moins seize...

— Ça fait trente-quatre, répondit Susan, mais je ne crois pas que...

— Poussez-vous ! lança Jabba en se ruant sur le clavier.

C’est forcément l’antidote ! Trente-quatre !

— Pas de précipitation, intervint Susan, penchée au-dessus de l’épaule de Soshi. Il y a un tas d’autres données possibles. Le poids des atomes, le nombre de neutrons. Les taux de concentration...

Elle lisait le tableau en diagonale.

— L’uranium se scinde en baryum et krypton, mais la fission du plutonium produit autre chose.... L’uranium contient quatre-vingt-douze protons et cent quarante-six neutrons, mais le plutonium...

— Nous cherchons la différence la plus évidente, l’interrompit Midge. La différence principale, nous dit Tankado...

— Nom de Dieu ! jura Jabba. Ça peut être n’importe quoi !

On n’est pas devin !

— En fait, rectifia David, les termes exacts sont : différence

« première », pas « principale »...

Susan chancela sous le choc, comme si elle venait de recevoir une gifle...

— Première..., bredouilla-t-elle. Première !

Elle fit volte-face et se planta devant Jabba :

— L’antidote est un nombre premier ! Bien sûr ! Ça tombe sous le sens !

Jabba sut d’instinct que Susan avait raison. Ensei Tankado avait bâti toute sa carrière grâce aux nombres premiers. Ils étaient les briques élémentaires de la cryptologie moderne : des nombres uniques en leur genre, qui ne pouvaient être divisés que par un ou par eux-mêmes. Ils intervenaient dans nombre de systèmes de codage parce que l’une des tâches les plus ardues, même pour un supercalculateur, restait la décomposition des grands nombres en facteurs premiers.

Soshi abonda dans leur sens :

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— Mais oui ! Ça colle parfaitement... les nombres premiers sont omniprésents dans la culture japonaise ! Dans les haïkus, par exemple. Trois lignes, respectivement de cinq, sept et cinq syllabes. Que des nombres premiers. Les temples de Kyoto, aussi... Ils ont tous...

— C’est bon ! trancha Jabba. Admettons que l’antidote soit un nombre premier, nous voilà bien avancés !

Jabba avait raison. L’ensemble des nombres premiers était infini... Entre zéro et un million, il y en avait déjà près de quatre-vingt mille. La taille du nombre en question était cruciale. Plus il serait grand, plus il serait difficile à deviner.

— Et connaissant Tankado, grogna Jabba, il a dû choisir du lourd !

Une voix cria du fond de la salle :

— Plus que deux minutes !

Jabba regarda la RV d’un air abattu. Le dernier rempart achevait de s’écrouler. Les techniciens s’affairaient dans tous les sens. Mais Susan sentait qu’ils touchaient au but.

— Nous pouvons y arriver ! De toutes les différences qui existent entre l’uranium et le plutonium, je parie qu’il n’y en a qu’une seule qui donne un nombre premier ! L’indice de Tankado n’est pas là pour rien.

Jabba parcourut des yeux le tableau du plutonium et de l’uranium et leva les bras en signe d’impuissance,

— Il y a des centaines de données ! Nous n’aurons jamais le temps de faire toutes les soustractions et de vérifier si le résultat est premier !

— Beaucoup d’entre elles ne sont pas numériques, l’encouragea Susan. On peut les laisser de côté L’uranium est naturel, le plutonium est fabriqué par l’homme. La réaction en chaîne de l’uranium est déclenchée par insertion au moyen d’un canon, celle du plutonium par implosion. Tout ça réduit le champ des possibilités...

— Très bien, tentez le coup, ordonna Fontaine.

Sur le graphique, le dernier rempart avait presque disparu.

Jabba s’épongea le front.

— Au point où nous en sommes, nous n’avons rien à perdre.

Commençons les soustractions. Je m’occupe du premier tiers.

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Susan, attaquez le milieu. Les autres, partagez-vous le tiers restant. Nous cherchons un nombre premier !

Mais, en quelques secondes, ils comprirent que l’opération était vouée à l’échec. Les chiffres étaient colossaux et, dans la plupart des cas, les unités étaient incompatibles.

— On ne mélange pas des torchons avec des serviettes ! se lamenta Jabba. D’un côté, j’ai des rayons gamma, de l’autre des impulsions électromagnétiques. Du pouvoir fissible contre du pouvoir absorbant. Parfois des valeurs absolues, parfois des pourcentages. Un vrai bordel !

— Ce nombre existe pourtant, il doit être là, affirma Susan.

Il y a une différence qui nous échappe ! Quelque chose de simple ! Il faut chercher encore...

— Euh... j’ai quelque chose à vous dire..., annonça Soshi.

La jeune technicienne avait ouvert une seconde fenêtre dans le document qu’elle lisait attentivement.

— Quoi ? s’enquit Fontaine. Vous avez trouvé quelque chose ?

— Si l’on veut, répondit-elle mal à l’aise. Tout à l’heure, je vous ai dit que la bombe lâchée sur Nagasaki était une bombe au plutonium...

— Oui, et alors ? répondirent-ils à l’unisson.

— Eh bien... (Soshi prit une grande respiration.) Apparemment, je me suis trompée.

— Quoi ? ! s’écria Jabba, le souffle coupé. Vous voulez dire que, depuis tout à l’heure, on cherche dans la mauvaise direction ?

Soshi désigna un paragraphe du doigt. Tous s’agglutinèrent autour de l’écran :

... contrairement à une idée reçue, la bombe utilisée sur Nagasaki contenait très peu de plutonium, mais une importante quantité d’uranium. De ce point de vue, elle était la grande sœur de la bombe d’Hiroshima...

— Mais... hoqueta Susan. S’il y a de l’uranium dans les deux cas, comment peut-on trouver une différence ?

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— Tankado s’est peut-être trompé ? avança Fontaine. Il ignorait peut-être lui aussi ce détail...

— Non, répliqua Susan. Ces bombes sont responsables de ses malformations... on peut être certain qu’il sait tout à leur sujet.

126.

— Une minute ! avertit un technicien.

Jabba leva les yeux sur la RV.

— Le portail d’authentification disparaît à vue d’œil. C’est notre ultime ligne de défense. Et derrière, ça se bouscule au portillon !

— Restez concentrés ! ordonna Fontaine.

Soshi lisait le contenu du site Internet à haute voix :

... en outre, le plutonium de la bombe de Nagasaki était produit artificiellement en bombardant de neutrons de l’U238.

— Bon sang ! enragea Brinkerhoff. Deux bombes à l’uranium. Les éléments responsables de Hiroshima et Nagasaki sont les mêmes. Pas de différence !

— Nous sommes foutus, marmonna Midge.

— Une seconde, dit Susan. Relisez-moi la fin, Soshi :

— ... produit artificiellement en bombardant de neutrons de l’U238.

— U238 ! Je crois me souvenir que la bombe d’Hiroshima fonctionnait avec une autre sorte d’uranium... j’ai lu ça, quelque part plus haut...

Tous échangèrent des regards interloqués. Soshi remonta le document, à toute vitesse, et retrouva le passage en question.

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— Bien vu ! La bombe larguée sur Hiroshima utilisait un autre isotope. C’est écrit là !

Midge n’en croyait pas ses oreilles.