– À votre époque, Sirius, vous n’étiez que quatre à vous réunir dans la Cabane hurlante, expliqua Hermione. Vous aviez tous la faculté de vous métamorphoser en animaux et j’imagine qu’en vous serrant un peu, vous auriez pu tenir sous une seule cape d’invisibilité en cas de besoin. Mais nous, nous sommes vingt-huit et aucun d’entre nous n’est un Animagus, alors ce n’est pas une cape mais un chapiteau d’invisibilité qu’il nous faudrait.
– Tu as raison, répondit Sirius, un peu dépité. Mais je suis sûr que vous trouverez un endroit. Il y avait un passage secret assez spacieux derrière le grand miroir du quatrième étage, vous auriez peut-être assez de place pour y pratiquer des maléfices.
– Fred et George m’ont dit qu’il n’existe plus, déclara Harry en hochant la tête. Il y a eu un éboulement ou je ne sais quoi.
– Ah…, murmura Sirius avec un froncement de sourcils. Bon, je vais y penser et je reviendrai…
Il s’interrompit, le visage soudain tendu, anxieux. Sa tête pivota sur le côté, le regard apparemment fixé sur le mur en briques de l’âtre.
– Sirius ? s’inquiéta Harry.
Mais il avait disparu. Harry observa les flammes pendant un moment puis se tourna vers Ron et Hermione.
– Pourquoi est-ce qu’il… ?
Hermione laissa alors échapper un gémissement de terreur et se leva d’un bond, les yeux fixés sur la cheminée.
Une main était apparue parmi les flammes, cherchant à saisir quelque chose, une main aux doigts boudinés, surchargés d’horribles vieilles bagues démodées.
Tous trois prirent aussitôt la fuite. Arrivé à la porte du dortoir des garçons, Harry jeta un regard par-dessus son épaule. La main d’Ombrage, léchée par les flammes, continuait à s’ouvrir et à se refermer telle une pince, à l’endroit précis où s’était trouvée la tête de Sirius un instant auparavant, comme si elle cherchait à la saisir par les cheveux.
18. L’ARMÉE DE DUMBLEDORE
– Ombrage a lu ton courrier, Harry. Il n’y a pas d’autre explication.
– Tu crois que c’est elle qui a attaqué Hedwige ? demanda-t-il, scandalisé.
– J’en suis presque certaine, dit Hermione d’un air grave. Surveille ta grenouille, elle s’échappe.
Harry pointa sa baguette magique sur la grenouille-taureau qui sautillait, pleine d’espoir, vers le bord opposé de la table.
– Accio ! dit-il et la grenouille retourna aussitôt dans sa main, visiblement déçue.
Le cours de sortilèges était l’un des plus propices au bavardage. Il y avait en général tant de mouvements et d’activités diverses qu’on ne courait pas grand risque d’être entendu. Ce jour-là, entre les coassements des grenouilles et les croassements des corbeaux, auxquels s’ajoutait le martèlement de la pluie contre les fenêtres, Harry, Ron et Hermione pouvaient parler sans se faire remarquer de la façon dont Ombrage avait failli attraper Sirius.
– J’ai eu des soupçons depuis le jour où Rusard t’a accusé de commander des Bombabouses. C’était tellement stupide, comme mensonge ! murmura Hermione. Il suffisait de lire ta lettre pour s’apercevoir que ce n’était pas vrai et donc, tu n’aurais eu aucun ennui – un peu léger, comme farce, non ? Je me suis alors dit : « Et si quelqu’un cherchait simplement un prétexte pour lire ton courrier ? » Dans ce cas, ce serait le meilleur moyen pour Ombrage d’y arriver : te dénoncer à Rusard, lui laisser le travail peu reluisant de confisquer ta lettre, puis s’arranger pour la lui voler ou même exiger de la voir. Je ne pense pas que Rusard s’y opposerait. Il n’a jamais beaucoup défendu les droits des élèves, non ? Harry, tu écrases ta grenouille.
Il la serrait en effet si fort dans sa main qu’elle en avait les yeux qui lui sortaient de la tête. Harry reposa la grenouille sur la table.
– C’était vraiment moins une, hier soir, reprit Hermione. Je me demande même si Ombrage a réalisé à quel point elle était près du but. Silencio.
La grenouille sur laquelle elle pratiquait le sortilège de Mutisme resta sans voix au beau milieu d’un coassement et lui lança un regard de reproche.
– Si elle avait réussi à attraper Sniffle…
Harry acheva sa phrase pour elle :
– … il serait sans doute de retour à Azkaban, à l’heure qu’il est.
Il agita sa baguette sans vraiment se concentrer et sa grenouille se mit à enfler comme un ballon vert en émettant un sifflement suraigu.
– Silencio ! dit aussitôt Hermione.
Elle pointa sa baguette sur la grenouille qui se dégonfla silencieusement.
– Il ne faut surtout pas qu’il recommence, voilà tout. Mais je ne sais pas comment nous y prendre pour le lui faire savoir. On ne peut pas lui envoyer de hibou.
– Je ne pense pas qu’il prendra de nouveau le risque, dit Ron. Il n’est pas idiot, il se rend bien compte qu’elle a failli l’attraper. Silencio.
L’affreux gros corbeau qui se trouvait sur sa table lança un croassement moqueur.
– Silencio ! SILENCIO !
Le corbeau croassa encore plus fort.
– C’est la façon dont tu bouges ta baguette, dit Hermione en observant Ron d’un œil critique. Il ne faut pas l’agiter comme ça, plutôt donner un coup sec.
– Les corbeaux, c’est plus difficile que les grenouilles, répondit Ron avec mauvaise humeur.
– Très bien, on n’a qu’à échanger, si tu préfères, proposa Hermione qui prit le corbeau de Ron et le remplaça par sa grosse grenouille. Silencio !
Le corbeau continua d’ouvrir et de fermer son bec pointu, mais plus aucun son n’en sortait.
– Très bien, Miss Granger ! s’exclama la petite voix flûtée du professeur Flitwick.
Harry, Ron et Hermione sursautèrent d’un même mouvement.
– À vous d’essayer, Mr Weasley.
– Que… quoi ? oui, bien sûr, dit Ron, pris au dépourvu. Heu… Silencio !
Il fit un mouvement si brusque qu’il donna un coup de baguette dans l’œil de la grenouille. Celle-ci sauta aussitôt de la table en lançant un coassement assourdissant.
Sans surprise, Flitwick imposa comme devoir supplémentaire à Ron et Harry l’obligation de pratiquer leur sortilège de Mutisme.
En raison de la pluie qui continuait à tomber dru, les élèves furent autorisés à rester à l’intérieur pendant la récréation. Harry, Ron et Hermione trouvèrent quelques chaises libres dans une classe du premier étage, bruyante et surpeuplée, où Peeves, l’air rêveur, flottait à côté du lustre en jetant de temps à autre une boulette imbibée d’encre sur la tête de quelqu’un. Ils venaient tout juste de s’asseoir lorsqu’ils virent arriver Angelina qui se frayait un chemin parmi la foule des élèves occupés à bavarder.
– J’ai eu l’autorisation ! s’exclama-t-elle. De reconstituer l’équipe de Quidditch !
– Parfait ! se réjouirent Ron et Harry d’une même voix.
– Oui, dit Angelina, le visage radieux. Je suis allée voir McGonagall et je crois bien qu’elle a demandé à Dumbledore d’intervenir. En tout cas, Ombrage a dû céder. Alors, je veux vous voir tous les deux sur le terrain à sept heures ce soir. Il faut rattraper le temps perdu. On n’est plus qu’à trois semaines de notre premier match, vous vous rendez compte ?
Elle replongea dans la cohue, évita de justesse une boulette d’encre qui atterrit sur la tête d’un élève de première année, puis disparut.
Le sourire de Ron s’effaça quelque peu lorsqu’il regarda la fenêtre rendue opaque par le rideau de pluie.