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– Qu’est-ce qu’il y a ? demandèrent plusieurs voix.

Harry émergea de derrière sa serviette. Sans ses lunettes, les vestiaires lui paraissaient flous, mais il vit quand même tous les visages tournés vers lui.

– Rien, marmonna-t-il, je me suis mis la serviette dans l’œil, c’est tout.

Mais il adressa à Ron un regard éloquent et tous deux restèrent à la traîne pendant que les autres joueurs de l’équipe sortaient des vestiaires, emmitouflés dans leurs capes, leurs bonnets enfoncés par-dessus leurs oreilles.

– Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda Ron dès qu’Alicia, la dernière de la file, eut franchi la porte. C’était ta cicatrice ?

Harry acquiesça d’un signe de tête.

– Mais…

L’air effrayé, Ron s’approcha de la fenêtre et regarda au-dehors la pluie qui continuait de tomber.

– Il ne peut pas se trouver à proximité ?

– Non, grommela Harry.

Il se laissa tomber sur un banc et frotta sa cicatrice.

– Il est probablement à des kilomètres d’ici. Ça me fait mal parce qu’il est… en colère.

Harry n’avait eu aucune intention de dire cela et il entendit ses propres paroles comme si un étranger les avait prononcées. Pourtant, il sut tout de suite qu’elles étaient vraies. Il ignorait comment, mais il le savait : Voldemort, où qu’il fût, quoi qu’il fît, était d’une humeur massacrante.

– Tu l’as vu ? demanda Ron, horrifié. Tu as eu… une vision ou quelque chose comme ça ?

Harry resta assis immobile, les yeux fixés sur ses chaussures, laissant son esprit et sa mémoire se détendre après l’intensité de la douleur.

Un mélange indistinct de silhouettes, un flot de voix vociférantes…

– Il veut que quelque chose soit fait et ça ne se passe pas assez vite à son goût, dit-il.

À nouveau, il fut surpris d’entendre ces mots sortir de sa bouche et pourtant, il était sûr que c’était vrai.

– Mais… comment tu le sais ? s’étonna Ron.

Harry hocha la tête et se couvrit les yeux de ses mains en appuyant ses paumes contre ses paupières. De petites étoiles apparurent. Il sentit que Ron s’asseyait sur le banc, à côté de lui, et sut qu’il l’observait.

– C’était déjà comme ça, la dernière fois ? demanda-t-il d’une voix étouffée. Lorsque ta cicatrice t’a fait mal, dans le bureau d’Ombrage ? Tu-Sais-Qui était en colère ?

Harry fit non de la tête.

– Alors qu’est-ce qui se passe ?

Harry rassembla ses souvenirs. Il avait regardé le visage d’Ombrage… Sa cicatrice lui avait fait mal… et il avait éprouvé cette étrange sensation… Comme si son estomac avait fait un bond… Une sensation de bonheur… mais bien entendu, il ne l’avait pas interprétée ainsi sur le moment, lui-même s’était senti trop accablé pour cela…

– La dernière fois, c’était parce qu’il était content, dit-il. Vraiment content. Il pensait… qu’une bonne chose allait se produire. Et la veille de notre arrivée à Poudlard…

Il repensa au moment où sa cicatrice lui avait fait tellement mal, dans la chambre du square Grimmaurd…

– … ce jour-là, il était furieux…

Il se tourna vers Ron qui le regardait bouche bée.

– Tu pourrais remplacer Trelawney, dit-il, intimidé.

– Je ne lis pas l’avenir, répliqua Harry.

– Non, tu sais ce que tu fais ? dit Ron qui paraissait à la fois effrayé et impressionné. Harry, tu parviens à lire les pensées de Tu-Sais-Qui !

– Non, répondit Harry en hochant la tête. C’est plutôt… son humeur, j’imagine. Par instants, je ressens son humeur comme dans une sorte d’éclair. Dumbledore a dit que quelque chose dans ce genre-là s’était produit l’année dernière. Lorsque Voldemort était près de moi ou qu’il ressentait de la haine, je le savais. Eh bien, maintenant, je sais aussi quand il est de bonne humeur…

Il y eut un silence. Au-dehors, le vent et la pluie ne faiblissaient pas.

– Il faut que tu le dises à quelqu’un, suggéra Ron.

– J’en ai parlé à Sirius la dernière fois.

– Parle-lui-en encore !

– Je ne peux plus, répondit Harry avec tristesse. Ombrage surveille les hiboux et la cheminée.

– Alors, va voir Dumbledore.

– Je viens de te dire qu’il est déjà au courant, répliqua Harry d’un ton abrupt.

Il se leva, décrocha sa cape et la déploya autour de ses épaules.

– À quoi bon le lui répéter ?

Ron attacha sa propre cape en regardant Harry d’un air songeur.

– Dumbledore préférerait le savoir, dit-il.

Harry haussa les épaules.

– Allez, viens, il faut qu’on s’entraîne à jeter le sortilège de Mutisme.

Sans dire un mot, ils traversèrent le parc plongé dans l’obscurité, glissant et trébuchant sur les pelouses boueuses. Harry réfléchissait. Quelle était donc cette chose qui ne se faisait pas assez vite au goût de Voldemort ?

« Il a d’autres projets… des projets qu’il peut mettre en œuvre très discrètement… Des choses qu’il ne peut obtenir que dans le plus grand secret… Une arme, par exemple. Une arme nouvelle dont il ne disposait pas la dernière fois… »

Depuis des semaines, Harry n’avait plus réfléchi à ces paroles de Sirius. Il avait été trop absorbé par ce qui se passait à Poudlard, trop occupé par les conflits avec Ombrage, l’injustice des interventions du ministère… Mais à présent, ces mots lui revenaient en tête et le faisaient réfléchir… La colère de Voldemort aurait un sens s’il n’avait pas progressé dans la recherche de l’arme, quelle qu’elle soit. L’Ordre avait-il réussi à le freiner, à l’empêcher d’acquérir cette arme ? Où était-elle conservée ? Qui la possédait pour le moment ?

Mimbulus Mimbletonia, dit la voix de Ron.

Harry revint à la réalité juste à temps pour franchir le trou qui donnait accès à la salle commune.

Il apparut qu’Hermione était allée se coucher de bonne heure, laissant Pattenrond lové dans un fauteuil et des chapeaux d’elfes grossièrement tricotés posés sur une table auprès du feu. Harry était plutôt content qu’elle ne soit pas là : il n’avait pas envie de lui parler de sa cicatrice et de l’entendre dire, elle aussi, qu’il devait absolument aller voir Dumbledore. Ron ne cessait de lui jeter des regards inquiets mais Harry se contenta de sortir ses livres de sortilèges et de se mettre à son devoir. Il faisait semblant de se concentrer, cependant, et lorsque Ron lui annonça qu’il allait également se coucher, Harry n’avait quasiment rien écrit.

Minuit arriva tandis qu’il lisait et relisait sans rien y comprendre un passage sur les propriétés du cranson officinal, de la livèche et de l’achillée sternutatoire.

« Ces plantes sont d’une grande utilité pour enflammer le cerveau et entrent ainsi dans la composition des philtres de Confusion et d’Embrouille par lesquels le sorcier désire inciter à des conduites impétueuses et téméraires… »

… Hermione disait que Sirius devenait téméraire depuis qu’il était enfermé square Grimmaurd…

« … d’une grande utilité pour enflammer le cerveau et entrent ainsi dans la composition… »

… La Gazette du sorcier penserait sûrement qu’il avait le cerveau enflammé si elle découvrait qu’il connaissait les sentiments de Voldemort…

« … entrent ainsi dans la composition des philtres de Confusion et d’Embrouille… »

… La confusion, c’était le mot qui convenait. Pour quelle raison savait-il ce que Voldemort ressentait ? Quelle était donc la nature de ce lien étrange qui existait entre eux et dont jamais Dumbledore ne lui avait donné une explication satisfaisante ?