– Tu me troubles, je me débrouillais très bien tout à l’heure ! dit Cho, la mine piteuse.
– C’était pas mal du tout, mentit Harry, mais lorsqu’il la vit hausser les sourcils il rectifia : Non en fait, c’était nul mais je sais que tu peux y arriver, je te regardais de là-bas.
Elle éclata de rire. Son amie Marietta les observa d’un air aigre et s’éloigna.
– Ne fais pas attention à elle, murmura Cho. Elle n’avait pas vraiment envie de venir mais j’ai quand même réussi à l’emmener avec moi. Ses parents lui ont interdit de faire quoi que ce soit qui puisse contrarier Ombrage. Sa mère travaille au ministère, tu comprends ?
– Et tes parents à toi ? demanda Harry.
– Moi aussi, ils m’ont interdit de me mettre mal avec Ombrage, répondit Cho en se redressant fièrement. Mais s’ils s’imaginent que je ne vais pas combattre Tu-Sais-Qui après ce qui est arrivé à Cedric…
Elle s’interrompit, un peu désorientée, et un silence gêné s’installa entre eux. La baguette de Terry Boot siffla aux oreilles de Harry et vint frapper Alicia Spinnet en plein sur le nez.
– Moi, mon père soutient toutes les actions contre le ministère ! dit Luna Lovegood avec fierté.
Elle était juste derrière Harry et, de toute évidence, elle avait écouté leur conversation pendant que Justin Finch-Fletchley essayait de se dépêtrer de sa robe qui lui était passée par-dessus la tête.
– Il dit toujours qu’il s’attend à tout de la part de Fudge, poursuivit Luna. Le nombre de gobelins que Fudge a assassinés ! Et, bien sûr, il utilise le Département des mystères pour mettre au point des poisons terrifiants qu’il fait boire à leur insu à tous ceux qui ne sont pas d’accord avec lui. Et puis il y a aussi le Tranchesac Ongubulaire…
– Ne demande pas ce que c’est, chuchota Harry à Cho lorsqu’il la vit ouvrir la bouche d’un air interrogateur.
Cho pouffa de rire.
– Hé, Harry, appela Hermione à l’autre bout de la pièce. Tu as vu l’heure ?
Il regarda sa montre et fut stupéfait de voir qu’il était déjà neuf heures dix, ce qui signifiait qu’ils devaient rentrer tout de suite dans leurs salles communes respectives s’ils ne voulaient pas être punis par Rusard pour vagabondage dans les couloirs. Il donna un nouveau coup de sifflet. Les Expelliarmus s’interrompirent aussitôt et l’on entendit encore deux baguettes magiques tomber sur le sol.
– C’était très bien, annonça Harry, mais nous avons un peu dépassé l’horaire et il vaudrait mieux s’arrêter maintenant. Même heure, même endroit la semaine prochaine, d’accord ?
– Plus tôt que ça ! lança Dean Thomas avec enthousiasme.
Il y eut de nombreux signes de tête approbateurs, mais Angelina s’empressa d’intervenir :
– La saison de Quidditch est sur le point de commencer, il faut aussi penser à nous entraîner !
– Alors, disons mercredi prochain, proposa Harry. Nous pourrons décider à ce moment-là d’organiser des réunions supplémentaires. Venez, on ferait bien d’y aller.
Il ressortit sa carte du Maraudeur et vérifia qu’il n’y avait pas de professeurs dans les couloirs du septième étage. Puis il les laissa partir par groupes de deux ou trois en suivant leurs petits points noirs avec inquiétude pour s’assurer qu’ils étaient retournés sans encombre dans leurs dortoirs : les Poufsouffle dans leur couloir du sous-sol, par lequel on accédait également aux cuisines, les Serdaigle dans une tour de l’aile ouest du château et les Gryffondor dans le passage qui menait au portrait de la grosse dame.
– C’était vraiment très, très bien, Harry, dit Hermione lorsqu’ils ne furent plus que tous les trois.
– Ça, c’est vrai, approuva Ron avec enthousiasme.
Ils sortirent de la pièce et virent la porte disparaître derrière eux en se fondant dans le mur de pierre.
– Tu as vu quand j’ai désarmé Hermione, Harry ?
– Oh, une fois seulement, répliqua Hermione, vexée. La plupart du temps, c’était moi la plus rapide.
– Une fois seulement ? Je t’ai désarmée au moins trois fois, protesta Ron.
– Ah, évidemment, si tu comptes le moment où tu t’es pris les pieds dans ta robe en tombant sur moi et en m’arrachant ma baguette des mains…
Ils se disputèrent ainsi tout au long du chemin qui les séparait de la salle commune mais Harry ne les écoutait pas. Il gardait un œil sur la carte du Maraudeur et repensait à Cho quand elle lui avait dit qu’il la troublait.
19. LE LION ET LE SERPENT
Dans les deux semaines qui suivirent, Harry eut l’impression de porter dans sa poitrine une sorte de talisman, un secret flamboyant qui l’aidait à supporter les cours d’Ombrage et lui permettait même d’afficher un sourire aimable lorsqu’il croisait le regard de ses horribles yeux globuleux. L’A.D. lui résistait sous son nez en faisant précisément ce que le ministère redoutait le plus et, chaque fois qu’il était censé lire la prose de Wilbert Eskivdur, Harry repensait plutôt aux meilleurs moments de leurs séances d’entraînement : Neville avait réussi à désarmer Hermione, Colin Crivey était enfin parvenu à maîtriser le maléfice d’Entrave après trois séances de rudes efforts, et Parvati Patil avait jeté un sortilège de Réduction si efficace que la table sur laquelle étaient posés les Scrutoscopes s’était trouvée réduite en poussière.
Harry avait vite compris qu’il était quasiment impossible de choisir un jour fixe pour leurs réunions de l’A.D. en raison des horaires qu’imposait l’entraînement de trois équipes de Quidditch, et que le mauvais temps venait souvent modifier. Mais cela ne le gênait pas. Bien au contraire, il estimait préférable que la date de leurs rendez-vous soit imprévisible. Si quelqu’un les surveillait, il lui serait impossible d’en déduire un emploi du temps régulier.
Hermione conçut bientôt une méthode très efficace pour communiquer la date et l’heure de la prochaine réunion à tous les membres de l’A.D. en cas de changement imprévu. Il aurait semblé suspect, en effet, que des élèves de différentes maisons traversent trop souvent la Grande Salle pour aller se parler. À la fin de leur quatrième séance, Hermione donna à chacun un faux Gallion. (Ron sembla très excité lorsqu’il vit le panier et fut convaincu qu’elle distribuait bel et bien des pièces d’or.)
– Vous voyez les chiffres, sur la tranche de la pièce ? dit-elle en tenant l’un des Gallions entre le pouce et l’index.
À la lumière des torches, la pièce d’or scintillait d’un bel éclat jaune vif.
– Sur les vrais Gallions, il s’agit simplement d’un numéro de série désignant le gobelin qui a frappé la monnaie. Sur ces fausses pièces, en revanche, les chiffres changent et indiquent le jour et l’heure de la prochaine réunion. Si la date est modifiée, la pièce chauffe et vous la sentirez dans votre poche. Nous aurons chacun un faux Gallion. Lorsque Harry fixera la date de la prochaine séance, il changera les chiffres de son propre Gallion et comme j’ai soumis toutes les pièces à un sortilège Protéiforme, les autres indiqueront automatiquement les mêmes chiffres.
Un silence total suivit les paroles d’Hermione. Déconcertée, elle regarda les visages levés vers elle.
– Enfin je… j’ai pensé que c’était une bonne idée, dit-elle d’une voix mal assurée. Même si Ombrage nous demande de vider nos poches, elle ne verra rien de suspect dans un simple Gallion… Mais heu… si vous ne voulez pas de mon système…
– Tu arrives à jeter un sortilège Protéiforme ? s’étonna Terry Boot.