– Oui, répondit Hermione.
– Mais c’est… c’est du niveau des A.S.P.I.C., ça, dit-il d’une voix timide.
– Oh, dit Hermione en s’efforçant d’avoir l’air modeste, oui, heu… c’est possible…
– Comment se fait-il que tu ne sois pas à Serdaigle ? demanda-t-il en regardant Hermione avec une expression proche de l’émerveillement. Avec un cerveau comme le tien ?
– Oh, il est vrai que le Choixpeau a sérieusement envisagé de m’y envoyer au moment de ma Répartition, répondit-elle d’un air radieux, mais finalement, il s’est décidé pour Gryffondor. Alors, vous êtes d’accord pour utiliser les Gallions ?
Il y eut un murmure d’approbation et chacun s’avança pour prendre une pièce dans le panier. Harry lança à Hermione un regard en biais.
– Tu sais ce que ça me rappelle ?
– Non, quoi ?
– La marque des Mangemorts. Il suffit que Voldemort touche l’une d’elles pour que toutes les autres marques deviennent douloureuses. Ils savent alors qu’ils doivent le rejoindre.
– En fait… oui, admit Hermione à voix basse. C’est ce qui m’a donné l’idée… Mais tu auras quand même remarqué que j’ai gravé les chiffres sur des morceaux de métal pas sur la peau.
– Oui… Je préfère ta méthode, dit Harry avec un sourire en glissant son Gallion dans sa poche. Le seul ennui, avec ces pièces, c’est qu’on risque de les dépenser par inadvertance.
– Aucun danger, dit Ron qui contemplait son propre Gallion d’un air un peu triste. Je n’ai aucun vrai Gallion avec lequel je puisse le confondre.
À l’approche du premier match de la saison, Gryffondor contre Serpentard, les réunions de l’A.D. se trouvèrent suspendues car Angelina insistait pour qu’ils s’entraînent presque chaque jour. Le fait que la Coupe de Quidditch n’ait pas eu lieu depuis si longtemps ne faisait qu’ajouter à la passion et à la fébrilité qui entouraient cette première rencontre. Les Serdaigle et les Poufsouffle s’intéressaient de très près au résultat du match car eux-mêmes auraient à affronter chacune des deux équipes au cours de l’année. Et les directeurs des maisons en compétition, tout en s’efforçant de prétendre que seul l’esprit sportif les animait, étaient bien décidés à voir leur camp l’emporter. Harry comprit à quel point le professeur McGonagall tenait à ce qu’ils battent les Serpentard lorsqu’elle s’abstint de leur donner des devoirs dans la semaine qui précéda le match.
– Je crois que vous avez suffisamment à faire pour le moment, dit-elle d’un air hautain.
Personne n’en crut ses oreilles jusqu’à ce qu’elle tourne son regard vers Harry et Ron en ajoutant avec gravité :
– Je me suis habituée à voir la coupe de Quidditch dans mon bureau, jeunes gens, et il me serait très désagréable de devoir la remettre au professeur Rogue, alors utilisez votre temps libre pour vous entraîner.
Rogue ne se montrait pas moins partial. Il avait retenu si souvent le terrain de Quidditch pour l’entraînement des Serpentard que les Gryffondor avaient du mal à y jouer eux-mêmes. Il faisait par ailleurs la sourde oreille chaque fois qu’on lui rapportait que des Serpentard tentaient de jeter des mauvais sorts aux joueurs de Gryffondor lorsqu’ils les croisaient dans les couloirs. Lorsque Alicia Spinnet s’était retrouvée à l’infirmerie avec des sourcils si longs et si épais qu’ils lui obscurcissaient la vue et lui entraient dans la bouche, Rogue avait affirmé qu’elle avait dû essayer de s’appliquer un sortilège de Cheveux Drus. Il refusa d’écouter les quatorze témoins qui affirmaient avoir vu Miles Bletchley, le gardien de Serpentard, lui lancer un maléfice par-derrière alors qu’elle travaillait à la bibliothèque.
Harry était optimiste sur les chances de Gryffondor de remporter la victoire. Après tout, jamais encore ils n’avaient été battus par l’équipe de Malefoy. Il fallait reconnaître que Ron n’était pas au niveau de Dubois mais il faisait de gros efforts pour améliorer son jeu. Sa plus grande faiblesse, c’était de perdre confiance en lui chaque fois qu’il commettait une erreur. Encaisser un but le mettait dans un tel état de nerfs qu’il risquait fort de recommencer la même faute la fois suivante. D’un autre côté, Harry avait vu Ron bloquer des tirs d’une manière spectaculaire quand il était en forme. Au cours d’une séance mémorable, il s’était suspendu d’une seule main à son balai et avait donné un tel coup de pied dans le Souafle que la balle avait survolé le terrain sur toute sa longueur pour finir sa course à travers l’anneau central des buts adverses. Les autres joueurs avaient estimé que ce coup méritait la comparaison avec celui réalisé récemment par Barry Ryan, le gardien de l’équipe d’Irlande, lorsqu’il avait bloqué une attaque de Ladislaw Zamojski, le poursuiveur-vedette de l’équipe polonaise. Même Fred avait déclaré que George et lui finiraient par être fiers de Ron. Ils envisageaient même de reconnaître qu’il avait un lien de parenté avec eux, ce qu’ils avaient toujours essayé de nier depuis quatre ans.
La seule chose qui inquiétait vraiment Harry, c’était de savoir jusqu’à quel point Ron se laisserait affecter par la tactique des Serpentard pour le déstabiliser. Harry avait supporté leurs quolibets pendant plus de quatre ans, aussi accueillait-il par un éclat de rire les réflexions du genre : « Hé, petit pote Potter, on m’a dit que Warrington a juré de te faire tomber de ton balai samedi. » Il répondait du tac au tac : « Warrington est incapable de tirer juste, je serais beaucoup plus inquiet s’il visait le joueur à côté de moi », ce qui amusait beaucoup Ron et Hermione et effaçait le sourire narquois du visage de Pansy Parkinson.
Mais Ron n’avait jamais eu à affronter une campagne inlassable d’insultes, de sarcasmes et d’intimidation. Lorsque des Serpentard, parfois des élèves de septième année beaucoup plus forts que lui, murmuraient sur son passage : « Tu as réservé ton lit à l’infirmerie, Weasley ? », il ne riait pas du tout et son teint se colorait d’une délicate nuance verdâtre. Quand Drago Malefoy imitait Ron laissant tomber le Souafle (et il ne se privait pas de le faire chaque fois qu’il le croisait), les oreilles de Ron devenaient rouge vif et il tremblait si fort que ses mains auraient lâché tout ce qu’elles tenaient à ce moment-là.
Octobre s’éloigna sous la pluie battante et les rugissements du vent et novembre s’installa, avec sa froideur d’acier, ses matins de givre et ses courants d’air glacés qui mordaient les mains et le visage. Le ciel et le plafond de la Grande Salle avaient pris une teinte gris perle, le sommet des montagnes qui entouraient Poudlard s’était couvert de neige et la température dans le château était tombée si bas que nombre d’élèves mettaient leurs gants en peau de dragon pour parcourir les couloirs entre deux classes.
Le matin du match, le ciel était clair et froid. Lorsque Harry se réveilla, il se tourna vers le lit de Ron et le vit assis droit et raide, les bras autour des genoux, le regard fixé dans le vide.
– Ça va ? lui demanda Harry.
Ron fit un signe de tête affirmatif mais resta silencieux. Harry ne put s’empêcher de repenser au jour où Ron s’était accidentellement jeté à lui-même un sort de Crache-Limaces. En cet instant, il avait la même pâleur, le même visage luisant de sueur et la même répugnance à ouvrir la bouche.
– Tu as besoin d’un bon petit déjeuner, dit Harry d’un ton énergique. Allez, viens.
La Grande Salle se remplissait rapidement lorsqu’ils arrivèrent. Les conversations étaient plus bruyantes et l’humeur plus exubérante qu’à l’ordinaire. Quand ils passèrent devant la table des Serpentard, le vacarme s’amplifia. Harry leur jeta un coup d’œil et vit qu’en plus des habituels écharpes et chapeaux vert et argent, chaque élève de Serpentard portait un badge argenté qui avait apparemment la forme d’une couronne. Pour une mystérieuse raison, ils furent nombreux à adresser à Ron des signes de la main en riant aux éclats. Harry essaya de lire ce qui était écrit sur les badges mais il n’en eut pas le temps, l’important étant d’éloigner Ron de leur table le plus vite possible.