À peine avaient-ils atteint la porte de son bureau qu’ils entendirent le professeur McGonagall s’avancer derrière eux dans le couloir. Elle portait l’écharpe de Gryffondor qu’elle arracha de son cou avec des mains tremblantes, le visage livide.
– Entrez ! dit-elle d’un ton furieux en montrant la porte.
Harry et George obéirent. Elle contourna son bureau et se posta face à eux, frémissante de rage tandis qu’elle jetait par terre son écharpe de Gryffondor.
– Alors ? dit-elle. Je n’ai jamais vu une exhibition aussi indigne. Deux contre un ! J’exige des explications !
– Malefoy nous a provoqués, répondit Harry avec raideur.
– Vous a provoqués ? s’écria le professeur McGonagall.
Elle tapa du poing sur son bureau avec une telle violence que sa boîte de biscuits aux motifs écossais glissa et tomba en répandant sur le sol ses tritons au gingembre.
– Il venait de perdre, non ? Bien sûr qu’il avait envie de vous provoquer ! Mais qu’a-t-il bien pu dire pour justifier que tous les deux, vous…
– Il a insulté mes parents, grogna George. Et la mère de Harry.
– Et au lieu de demander à Madame Bibine d’intervenir, vous avez décidé de vous donner en spectacle en vous livrant à un duel de Moldus ! vociféra le professeur McGonagall. Vous n’avez donc aucune idée de ce que…
– Hum, hum.
Harry et George firent aussitôt volte-face. Dolores Ombrage se tenait dans l’encadrement de la porte, enveloppée dans une cape de tweed vert qui accentuait considérablement son allure de crapaud. Elle avait cet horrible sourire, nauséeux et menaçant, que Harry associait désormais à d’imminentes catastrophes.
– Puis-je vous apporter de l’aide, professeur McGonagall ? demanda le professeur Ombrage de son ton le plus suavement venimeux.
Le sang afflua au visage du professeur McGonagall.
– De l’aide ? répéta-t-elle d’une voix étranglée. Qu’entendez-vous par de l’aide ?
Le professeur Ombrage s’avança dans le bureau, sans se départir de son sourire écœurant.
– Je pensais que vous pourriez avoir besoin d’un petit surcroît d’autorité.
Harry n’aurait pas été étonné de voir des étincelles jaillir des narines du professeur McGonagall.
– Eh bien, vous pensiez mal, répliqua-t-elle en tournant le dos à Ombrage. Et maintenant, tous les deux, écoutez-moi attentivement. Peu m’importe ce que Malefoy vous a dit pour vous provoquer. Peu m’importe qu’il ait insulté chaque membre de votre famille, votre comportement a été détestable et je vous donne à chacun une semaine entière de retenue ! Ne me regardez pas comme ça, Potter, vous l’avez mérité ! Et si l’un de vous deux s’avise…
– Hum, hum…
Le professeur McGonagall ferma les yeux comme si elle priait le ciel de lui accorder une infinie patience et se tourna à nouveau vers le professeur Ombrage.
– Oui ?
– Je pense qu’ils méritent plus que de simples retenues, dit Ombrage avec un sourire encore plus large.
Les yeux du professeur McGonagall se rouvrirent aussitôt.
– Malheureusement, dit-elle, en essayant d’afficher à son tour un sourire qui lui donnait l’air d’avoir attrapé le tétanos, ce qui compte, c’est ce que je pense moi, car ces élèves appartiennent à ma maison, Dolores.
– Eh bien, en fait, Minerva, minauda le professeur Ombrage, vous allez vous apercevoir que ce que je pense compte également. Voyons, où est-il ? Cornelius vient de me l’envoyer… je veux dire – elle émit un petit rire faux en fouillant dans son sac –, le ministre vient de me l’envoyer… Ah, voilà…
Elle sortit un morceau de parchemin qu’elle déroula et s’éclaircit la gorge d’un petit air affecté avant d’en donner lecture :
– Hum, hum… Décret d’éducation numéro vingt-cinq.
– Encore un ! s’exclama violemment le professeur McGonagall.
– Eh bien, oui, répondit Ombrage, toujours souriante. En réalité, Minerva, c’est vous qui m’avez fait comprendre que nous avions besoin d’un amendement supplémentaire… Vous vous rappelez comment vous êtes passée au-dessus de ma tête quand je ne voulais pas permettre que l’équipe de Gryffondor se reconstitue ? Comment vous êtes allée demander l’arbitrage de Dumbledore qui a insisté pour qu’on autorise cette équipe à jouer ? Eh bien, maintenant, ce ne serait plus possible. J’ai aussitôt contacté le ministre et il a été entièrement d’accord pour estimer que la Grande Inquisitrice devait avoir le pouvoir de retirer aux élèves leurs privilèges, sinon, elle – c’est-à-dire moi – aurait moins d’autorité que les simples professeurs ! Et aujourd’hui, vous voyez bien, Minerva, comme j’avais raison d’essayer d’empêcher la reconstitution de l’équipe de Gryffondor ? Ils ont un tempérament épouvantable… Quoi qu’il en soit, j’étais en train de vous lire le nouvel amendement… Hum, hum… « Le Grand Inquisiteur aura dorénavant l’autorité suprême pour infliger toute sanction, punition et retrait de privilèges aux élèves de Poudlard, ainsi que le pouvoir de modifier les sanctions, punitions et retraits de privilèges qui auraient été décidés par des membres du corps enseignant. Signé : Cornelius Fudge, ministre de la Magie, Ordre de Merlin, première classe, etc. etc. »
Toujours souriante, elle roula le parchemin et le remit dans son sac.
– Je pense donc que je vais devoir interdire définitivement à ces deux-là de rejouer au Quidditch, dit-elle en regardant alternativement Harry et George.
Harry sentit le Vif d’or se débattre avec fureur au creux de sa main.
– Nous interdire ? dit-il d’une voix qui semblait étrangement lointaine. Définitivement… de rejouer au Quidditch ?
– Oui, Mr Potter, je crois qu’une interdiction à vie devrait faire l’affaire, dit Ombrage.
Son sourire s’élargit encore davantage quand elle vit les efforts que devait déployer Harry pour saisir toute l’ampleur de ce qu’elle venait de lui annoncer.
– Cette interdiction s’appliquera à vous et à Mr Weasley, ici présent. Pour plus de sûreté, le frère jumeau de ce jeune homme devrait également être exclu. Si ses coéquipiers ne l’avaient pas retenu, je suis certaine qu’il aurait lui aussi attaqué le jeune Malefoy. Bien entendu, je veux que leurs balais soient confisqués. Je les conserverai dans mon bureau pour être sûre que l’interdiction ne sera pas contournée. Mais je resterai mesurée, professeur, poursuivit-elle en se tournant vers le professeur McGonagall qui la regardait fixement, avec l’immobilité d’une statue de glace. Le reste de l’équipe pourra continuer à jouer, je n’ai vu aucun signe de violence chez les autres. Eh bien, au revoir, je vous souhaite un bon après-midi.
Avec un air d’extrême satisfaction, Ombrage quitta alors le bureau, en laissant derrière elle un silence horrifié.
– Interdits à vie, dit Angelina d’une voix caverneuse.
Ils s’étaient retrouvés le soir, dans la salle commune.
– Interdits à vie. Plus d’attrapeur, plus de batteurs… Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire ?