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Il referma la porte derrière eux et se hâta de tirer les rideaux, mais Hermione continuait de le regarder d’un air horrifié.

Du sang coagulé collait ses cheveux et son œil gauche n’était plus qu’une fente au milieu de chairs enflées d’une couleur qui oscillait entre le noir et le violet. Son visage et ses mains étaient recouverts de nombreuses plaies, dont certaines saignaient encore, et il se déplaçait avec précaution, ce qui laissait penser qu’il avait des côtes cassées. De toute évidence, il venait tout juste de rentrer. Une épaisse cape de voyage était accrochée au dossier d’une chaise et un sac à dos suffisamment grand pour y promener plusieurs enfants en bas âge était posé contre le mur, à côté de la porte. Hagrid lui-même, qui avait deux fois la taille d’un homme normal, s’approcha en boitillant de la cheminée et mit sur le feu une bouilloire de cuivre.

– Qu’est-ce qui vous est arrivé ? demanda Harry, tandis que Crockdur leur faisait la fête en essayant de leur lécher le visage.

– Vous l’ai dit, rien du tout, répondit Hagrid d’un ton ferme. Voulez une tasse de thé ?

– N’essayez pas de nous faire croire ça, dit Ron. Vous êtes dans un état épouvantable !

– Je vous dis que je vais très bien, insista Hagrid.

Il se redressa et se tourna vers eux pour leur adresser un grand sourire, mais il fit la grimace.

– Alors, là, vous pouvez dire que ça fait plaisir de vous revoir tous les trois… Vous avez passé de bonnes vacances ?

– Hagrid, quelqu’un vous a attaqué ! dit Ron.

– Pour la dernière fois, c’est rien du tout ! assura Hagrid d’un ton sans réplique.

– Vous diriez que ce n’est rien si l’un d’entre nous venait vous voir avec une livre de steak haché à la place du visage ? demanda Ron.

– Vous devriez aller voir Madame Pomfresh, Hagrid, dit Hermione d’un air anxieux. Vous avez quelques blessures qui paraissent inquiétantes.

– Je m’en occupe, d’accord ? répondit Hagrid d’une voix autoritaire.

Il s’avança vers l’énorme table de bois qui occupait le milieu de la pièce et écarta d’un geste vif une serviette qui y était posée. Au-dessous, il y avait un steak cru, sanguinolent, verdâtre par endroits, et un peu plus grand qu’un pneu de voiture.

– Vous n’allez pas manger ça, Hagrid ? s’exclama Ron en se penchant pour voir de plus près. Ça paraît empoisonné.

– Normal, c’est de la viande de dragon, expliqua Hagrid. Et je l’ai pas achetée pour la manger.

Il prit le steak qu’il plaqua brutalement sur la partie gauche de son visage. Des gouttes de sang verdâtre coulèrent dans sa barbe et il laissa échapper un grognement de satisfaction.

– Ah, ça va mieux. C’est bon pour calmer la douleur, vous comprenez ?

– Alors, vous allez nous raconter ce qui vous est arrivé ? demanda Harry.

– Peux pas, Harry. Top secret. Si je vous le disais, ça me coûterait plus que mon poste.

– Ce sont les géants qui vous ont battu, Hagrid ? demanda Hermione à voix basse.

Les doigts de Hagrid laissèrent échapper le steak de dragon qui glissa avec un bruit de succion sur sa poitrine.

– Les géants ? répéta-t-il.

Il rattrapa le steak avant qu’il ne tombe plus bas et l’appliqua à nouveau sur son visage.

– Qui vous a parlé de géants ? Qui vous avez vu ? Qui vous a dit ce que j’ai… ? Qui a raconté que j’avais été… hein ?

– On a deviné, répondit Hermione sur un ton d’excuse.

– Ah, c’est ça, deviné ? dit Hagrid en la regardant avec sévérité de l’œil qui n’était pas recouvert par le steak.

– D’une certaine manière, c’était… évident, ajouta Ron.

Harry approuva d’un signe de tête.

Hagrid leur lança un regard noir. Il émit un grognement, jeta le steak sur la table et s’avança à grands pas vers la bouilloire qui s’était mise à siffler.

– Jamais vu des mômes aussi doués pour en savoir plus que ce qu’ils devraient, marmonna-t-il en versant de l’eau bouillante dans trois de ses énormes tasses de la taille d’un seau. Et c’est pas un compliment. On appelle ça des fouineurs. Des gens qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas.

Mais un frémissement dans sa barbe vint contredire le ton de sa voix.

– Alors, vous êtes parti à la recherche des géants ? dit Harry avec un grand sourire en s’asseyant à la table.

Hagrid posa une tasse de thé devant chacun d’eux, s’assit à son tour, et reprit son steak de dragon qu’il appliqua à nouveau sur son visage.

– Oui, bon, d’accord, grogna-t-il, c’est ça.

– Et vous les avez trouvés ? demanda Hermione d’une voix étouffée.

– Bah, franchement, ils sont pas très difficiles à trouver. On les voit de loin.

– Où sont-ils ? demanda Ron.

– Dans les montagnes, répondit Hagrid sans plus de précisions.

– Alors, comment se fait-il que les Moldus… ?

– Oh, si, ils les voient, dit Hagrid d’un air sombre. Mais quand on les retrouve morts, on dit que c’est un accident de montagne.

Il déplaça un peu le steak pour qu’il recouvre ses contusions les plus douloureuses.

– Allez, Hagrid, racontez-nous ce qui vous est arrivé ! dit Ron. Racontez-nous l’attaque des géants et Harry vous racontera l’attaque des Détraqueurs…

Hagrid s’étouffa dans sa tasse et lâcha son steak. Une impressionnante quantité de salive, de thé et de sang de dragon se répandit sur la table tandis que Hagrid toussait, crachait et que le steak glissait par terre en tombant avec un bruit mou.

– Qu’est-ce que ça veut dire, l’attaque des Détraqueurs ? grogna Hagrid.

– Vous n’êtes pas au courant ? s’étonna Hermione, les yeux ronds.

– Je ne sais rien de ce qui s’est passé depuis que je suis parti. J’étais en mission secrète, je ne voulais pas que des hiboux me suivent partout… Fichus Détraqueurs ! Vous me faites une farce, ou quoi ?

– Pas du tout, ils sont arrivés à Little Whinging et nous ont attaqués, mon cousin et moi. Là-dessus, le ministère de la Magie m’a renvoyé de Poudlard…

– QUOI ?

– … et je suis passé devant le tribunal, mais racontez-nous d’abord l’histoire des géants.

– Tu as été renvoyé ?

– Racontez-nous votre été et je vous raconterai le mien.

Avec un mélange d’innocence et de détermination, Harry soutint le regard noir que Hagrid lui lança de son unique œil ouvert.

– Oh bon, d’accord, dit enfin Hagrid, résigné.

Il se pencha et arracha le steak de dragon de la gueule de Crockdur.

– Oh, Hagrid, ne faites pas ça, ce n’est pas hygién…, commença Hermione, mais Hagrid avait déjà remis la viande sur son œil enflé.

Il but une nouvelle gorgée de thé pour se donner du courage et reprit :

– Voilà, on est partis dès la fin du trimestre…

– Madame Maxime est allée avec vous ? l’interrompit Hermione.

– Ouais, c’est ça, dit Hagrid, et une expression attendrie apparut sur la toute petite partie de son visage qui n’était pas recouverte de barbe ou de steak. Oui, on était tous les deux, et je vais vous dire une chose : elle n’a pas peur de vivre à la dure, Olympe. Vous comprenez, c’est une belle femme, bien habillée, et comme je savais où on allait je me suis demandé, qu’est-ce qu’elle va faire quand elle verra qu’il faut grimper dans les rochers, dormir dans des grottes et tout ça, mais elle ne s’est jamais plainte une seule fois.

– Vous saviez où vous alliez ? demanda Harry. Vous connaissiez le pays des géants ?

– Dumbledore le connaissait et il nous a dit où c’était, répondit Hagrid.

– Est-ce qu’ils se cachent ? interrogea Ron. C’est un secret, l’endroit où ils habitent ?