Выбрать главу

– Souviens-toi de ma dernière, Pétunia.

La tante Pétunia semblait sur le point de s’évanouir. La tête entre les mains, elle se laissa tomber sur la chaise à côté de Dudley. Dans le silence, l’enveloppe acheva de se consumer, se transformant en un petit tas de cendres.

– Qu’est-ce que c’est que ça ? dit l’oncle Vernon d’une voix rauque. Que… Je ne… Pétunia ?

Elle ne répondit pas. Dudley regardait sa mère d’un air stupide, la bouche grande ouverte. Un silence horrible, vertigineux, s’installa. Abasourdi, Harry observait sa tante avec l’impression que sa tête douloureuse allait exploser.

– Pétunia, ma chérie ? dit timidement l’oncle Vernon. P-Pétunia.

Elle leva les yeux, toujours tremblante, puis déglutit avec difficulté.

– Ce… ce garçon doit rester ici, Vernon, dit-elle d’une voix faible.

– Qu-quoi ?

– Il doit rester, répéta-t-elle en regardant Harry.

Elle se leva à nouveau.

– Il… Mais… Pétunia…

– Si nous le mettons dehors, les voisins vont jaser, dit-elle.

Bien qu’elle fût toujours très pâle, elle retrouva très vite sa brusquerie habituelle et ses manières cassantes.

– Ils vont poser des questions embarrassantes, ils voudront savoir où il est parti. Nous devons le garder chez nous.

L’oncle Vernon sembla se dégonfler comme un vieux pneu.

– Mais Pétunia, ma chérie…

La tante Pétunia ne lui prêta aucune attention. Elle se tourna vers Harry.

– Tu vas rester dans ta chambre, dit-elle. Interdiction de quitter la maison. Et maintenant, va te coucher.

Harry ne bougea pas.

– Qui t’a envoyé cette Beuglante ?

– Ne pose pas de questions, répliqua-t-elle sèchement.

– Tu es en contact avec des sorciers ?

– Je t’ai dit d’aller te coucher !

– Qu’est-ce que ça signifiait ? Souviens-toi de ma dernière quoi ?

– File au lit !

– Comment se fait-il que… ?

– TU AS ENTENDU CE QUE T’A DIT TA TANTE ? VA TE COUCHER !

3. LA GARDE RAPPROCHÉE

« Je viens d’être attaqué par des Détraqueurs et on va peut-être me renvoyer de Poudlard. Je veux savoir ce qui se passe et quand je pourrai enfin sortir d’ici. »

Dès qu’il fut remonté dans sa chambre mal éclairée, Harry s’installa à son bureau et recopia ces mots sur trois parchemins différents. Il adressa le premier à Sirius, le deuxième à Ron et le troisième à Hermione. Hedwige, sa chouette, était partie chasser. Sa cage vide était posée sur le bureau. Harry fit les cent pas dans la pièce en attendant son retour. Son cœur cognait contre sa poitrine et il pensait à trop de choses à la fois pour songer à dormir, même si la fatigue lui picotait les yeux. Porter son cousin lui avait fait mal au dos et les deux bosses sur sa tête, l’une due au battant de la fenêtre, l’autre au coup de poing de Dudley, le lançaient douloureusement.

Il arpentait sa chambre en tous sens, rongé par la colère et la contrariété, dents et poings serrés, jetant des regards furieux vers le ciel étoilé et vide chaque fois qu’il passait devant la fenêtre. On lui avait envoyé des Détraqueurs, Mrs Figg et Mondingus Fletcher le suivaient en secret, on l’avait suspendu de Poudlard et enfin il devait comparaître en audience au ministère de la Magie – mais il ne se trouvait toujours personne pour lui expliquer ce qui se passait.

Et que signifiait donc cette Beuglante ? À qui appartenait cette voix si horrible, si menaçante qui avait résonné dans la cuisine ?

Pourquoi était-il toujours coincé ici sans rien savoir ? Pourquoi tout le monde le traitait-il comme un gamin pris en faute ? « Ne fais plus usage de magie, ne sors plus de la maison… »

En passant, il donna à sa valise un grand coup de pied qui ne soulagea nullement sa colère. C’était même pire car il éprouvait à présent dans son gros orteil une douleur aiguë qui venait s’ajouter à toutes les autres.

Tandis qu’il s’approchait de la fenêtre en boitillant, Hedwige s’engouffra dans la pièce avec un léger bruissement d’ailes, comme un petit fantôme.

– Il était temps ! grogna Harry lorsqu’elle se fut posée sur sa cage. Laisse tomber ce que tu as rapporté, j’ai du travail pour toi !

Une grenouille morte dans le bec, Hedwige lui adressa de ses grands yeux ronds et ambrés un regard de reproche.

– Viens là, dit-il.

Harry prit les trois petits rouleaux de parchemin ainsi qu’une lanière de cuir et les attacha à la patte rugueuse d’Hedwige.

– Dépêche-toi d’apporter ça à Sirius, Ron et Hermione et ne reviens pas sans avoir obtenu des réponses détaillées. S’il le faut, donne-leur des coups de bec jusqu’à ce qu’ils se décident à écrire des lettres d’une longueur convenable. Compris ?

Hedwige, le bec toujours plein de grenouille, émit un hululement étouffé.

– Alors, vas-y, dit Harry.

Elle s’envola aussitôt. Dès qu’elle fut partie, Harry se jeta sur le lit sans se déshabiller et fixa le plafond obscur. Pour ajouter à ses malheurs, il se sentait coupable à présent d’avoir été désagréable avec Hedwige. Elle était pourtant sa seule amie au 4, Privet Drive. Mais il se rattraperait lorsqu’elle reviendrait avec les réponses de Sirius, Ron et Hermione.

Ils allaient certainement lui écrire très vite. Impossible d’ignorer une attaque de Détraqueurs. Lorsqu’il se réveillerait le lendemain matin, il trouverait trois bonnes grosses lettres débordantes d’affection et un plan de bataille pour son transfert immédiat au Terrier. Ces certitudes rassurantes en tête, il se laissa submerger par un sommeil qui étouffa toute autre pensée.

Mais le lendemain matin, Hedwige n’était toujours pas revenue. Harry passa toute la journée dans sa chambre qu’il ne quittait que pour aller aux toilettes. À trois reprises ce jour-là, la tante Pétunia lui glissa de quoi manger à travers la petite trappe que l’oncle Vernon avait aménagée dans la porte, trois ans auparavant. Chaque fois qu’il entendait sa tante approcher, Harry essayait de l’interroger au sujet de la Beuglante mais il aurait pu tout aussi bien s’adresser à la poignée de la porte. Le reste du temps, les Dursley restaient soigneusement à l’écart de sa chambre et il n’avait aucune raison de leur imposer sa compagnie. Une autre dispute n’aboutirait qu’à un nouvel accès de colère qui pourrait l’inciter une fois de plus à faire un usage illégal de sa baguette magique.

Il en alla ainsi pendant trois jours entiers. Parfois, Harry débordait d’une énergie frénétique qui l’empêchait de se concentrer sur quoi que ce soit – il arpentait alors sa chambre de long en large, furieux contre tous ceux qui le laissaient mijoter dans cette lamentable situation. À d’autres moments, il sombrait dans une léthargie telle qu’il pouvait rester étendu sur son lit une heure durant, le regard vide, à songer avec une appréhension douloureuse au jour où il devrait comparaître devant les instances disciplinaires du ministère de la Magie.

Et si leur décision lui était défavorable ? S’il était vraiment expulsé, si on brisait sa baguette magique ? Que ferait-il, où irait-il ? Il ne pourrait pas revenir habiter toute l’année chez les Dursley, maintenant qu’il avait connu l’autre monde, celui auquel il appartenait véritablement. Pourrait-il déménager chez Sirius, comme celui-ci le lui avait suggéré un an plus tôt, avant qu’il soit contraint de prendre la fuite ? Harry serait-il autorisé à vivre là-bas tout seul, compte tenu de son jeune âge ? Ou bien déciderait-on à sa place de l’endroit où il devrait aller ? Son infraction au Code international du secret magique était-elle suffisamment grave pour qu’on l’envoie dans une cellule d’Azkaban ? Chaque fois que cette pensée lui venait en tête, il se levait de son lit et se remettait à faire les cent pas.