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La quatrième nuit après le départ d’Hedwige, Harry était allongé, en proie à l’une de ses phases d’apathie, les yeux fixés au plafond, l’esprit vide, épuisé, lorsque son oncle fit soudain irruption dans la chambre. Harry tourna lentement la tête vers lui. L’oncle Vernon arborait son plus beau costume et une expression d’extrême suffisance.

– Nous sortons, annonça-t-il.

– Pardon ?

– Nous sortons. Nous, c’est-à-dire ta tante, Dudley et moi.

– Parfait, répondit Harry d’un ton morne en regardant à nouveau le plafond.

– Et il t’est interdit de quitter ta chambre pendant notre absence.

– D’accord.

– Interdiction également de toucher à la télévision, à la chaîne stéréo ou à quoi que ce soit qui nous appartienne.

– Très bien.

– Interdiction de voler de la nourriture dans le frigo.

– O.K.

– Je vais fermer ta porte à clé.

– Vas-y.

L’oncle Vernon regarda Harry avec colère, visiblement méfiant devant cette absence de réaction, et quitta la pièce en refermant la porte derrière lui. Harry entendit la clé tourner dans la serrure puis les pas lourds de son oncle qui descendait l’escalier. Quelques minutes plus tard, il entendit également des portières claquer, un moteur ronronner et le bruit caractéristique d’une voiture qui s’éloignait dans l’allée.

Le départ des Dursley n’inspirait à Harry aucun sentiment particulier. Qu’ils soient ou non présents dans la maison lui était indifférent. Il n’avait même plus assez d’énergie pour se lever et allumer la lumière de sa chambre. La pièce devenait de plus en plus sombre tandis que les bruits de la nuit lui parvenaient par la fenêtre toujours ouverte, dans l’attente du moment béni où Hedwige reviendrait.

La maison vide grinçait autour de lui. Les tuyaux de la plomberie gargouillaient. Harry restait allongé dans un état de torpeur, sans penser à rien, comme suspendu dans son infortune.

Soudain, il entendit distinctement, en provenance du rez-de-chaussée, un bruit de vaisselle cassée.

Il se redressa brusquement, tendant l’oreille. Les Dursley ne pouvaient pas être revenus, il était beaucoup trop tôt, et d’ailleurs il n’avait pas entendu leur voiture.

Le silence revint pendant quelques secondes, puis des voix s’élevèrent.

Des cambrioleurs, pensa-t-il, en se levant sans bruit. Mais des cambrioleurs auraient parlé à voix basse. Or, les gens qui se trouvaient au rez-de-chaussée ne se donnaient pas cette peine.

Il attrapa sa baguette magique posée sur la table de chevet et se posta devant la porte de sa chambre, l’oreille aux aguets. Un instant plus tard, il sursauta en entendant la serrure cliqueter bruyamment. La porte s’ouvrit alors devant lui.

Harry resta immobile, observant le couloir obscur, s’efforçant de percevoir le moindre son. Mais il n’entendit plus rien. Après un moment d’hésitation, il sortit de sa chambre et se précipita à pas feutrés vers l’escalier qui descendait au rez-de-chaussée.

Son cœur lui remonta soudain dans la gorge. Dans la pénombre du hall, il distinguait des silhouettes découpées par la lueur des réverbères qui filtrait à travers la porte vitrée. Ils étaient huit ou neuf et, d’après ce qu’il pouvait voir, tous avaient levé les yeux vers lui.

– Baisse ta baguette, mon garçon, tu risques d’éborgner quelqu’un, dit une voix grave, semblable à un grognement.

Le cœur de Harry se mit à cogner furieusement contre sa poitrine. Il connaissait cette voix, mais il n’abaissa pas sa baguette pour autant.

– Professeur Maugrey ? dit-il d’un ton mal assuré.

– Professeur, je ne sais pas, gronda la voix, je n’ai pas eu beaucoup l’occasion d’enseigner, pas vrai ? Descends donc, on aimerait bien te voir de plus près.

Harry abaissa légèrement sa baguette mais il continua de la tenir fermement et ne bougea pas. Il avait d’excellentes raisons de se montrer méfiant. Récemment, il avait passé neuf mois en compagnie de quelqu’un qu’il croyait être Maugrey Fol Œil pour s’apercevoir en définitive qu’il ne s’agissait pas du tout de Maugrey mais d’un imposteur ; un imposteur qui, par surcroît, avait essayé de le tuer avant d’être démasqué. Harry se demandait encore ce qu’il convenait de faire lorsqu’une deuxième voix, légèrement rauque, s’éleva dans l’escalier :

– Ne t’inquiète pas, Harry. Nous sommes venus te chercher.

Le cœur de Harry fit un bond. Cette voix-là aussi, il la connaissait, bien qu’il ne l’ait plus entendue depuis plus d’un an.

– P-professeur Lupin ? dit-il, incrédule. C’est vous ?

– Pourquoi est-ce que nous restons dans le noir ? demanda une troisième voix.

Cette fois, c’était une voix de femme que Harry ne connaissait pas.

Lumos, dit-elle.

L’extrémité d’une baguette s’embrasa, illuminant le hall d’une clarté magique. Harry cligna des yeux. Ses visiteurs se pressaient au pied de l’escalier en le regardant attentivement, certains tendant le cou pour mieux voir.

Remus Lupin était en tête du groupe. Bien qu’il fût encore jeune, Lupin semblait fatigué, malade. Il avait davantage de cheveux blancs que la dernière fois où Harry l’avait vu et sa robe de sorcier paraissait encore plus rapiécée, plus miteuse que jamais. Il adressa un large sourire à Harry qui s’efforça de lui sourire à son tour malgré son état de choc.

– Oooh, il est exactement tel que je l’imaginais, dit la sorcière qui tenait à bout de bras sa baguette allumée.

Elle semblait la plus jeune du groupe. Elle avait un visage pâle en forme de cœur, des yeux sombres et brillants, et des cheveux courts, d’une intense couleur violette, qui se dressaient en mèches pointues.

– Salut, Harry ! lança-t-elle.

– Oui, je vois ce que tu veux dire, Remus, déclara un sorcier chauve qui se tenait un peu plus loin – il parlait d’une voix grave, lente, et portait à l’oreille un unique anneau d’or –, c’est le portrait de James.

– Sauf pour les yeux, fit remarquer un autre sorcier aux cheveux argentés et à la voix sifflante. Ce sont ceux de Lily.

Maugrey Fol Œil, qui avait de longs cheveux gris et un nez dont il manquait une bonne partie, observait Harry avec méfiance de ses yeux dissymétriques. L’un d’eux était petit, sombre, perçant, l’autre grand, rond et d’un bleu électrique – un œil magique qui voyait à travers les murs, les portes et derrière la propre tête de Maugrey.

– Tu es vraiment sûr que c’est lui, Lupin ? gronda-t-il. On aurait l’air fin si on ramenait un Mangemort qui aurait pris son apparence. Il faudrait lui demander quelque chose que seul le vrai Potter peut savoir. À moins que quelqu’un ait apporté du Veritaserum ?

– Harry, quelle forme prend ton Patronus ? interrogea Lupin.

– La forme d’un cerf, répondit Harry, d’un ton nerveux.

– C’est bien lui, Fol Œil, assura Lupin.

Très conscient d’être l’objet de tous les regards, Harry descendit l’escalier en rangeant sa baguette magique dans la poche arrière de son jean.

– Ne mets pas ta baguette là, mon garçon ! rugit Maugrey. Imagine qu’elle s’enflamme toute seule. Des sorciers plus expérimentés que toi se sont retrouvés avec une fesse en moins !

– Tu as déjà vu quelqu’un qui a perdu une fesse ? demanda d’un air intéressé la sorcière aux cheveux violets.

– Peu importe, ne mets pas ta baguette dans ta poche arrière, c’est tout ! grogna Fol Œil. Question de sécurité élémentaire, mais personne ne s’en soucie plus.