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Le visage de son parrain était plongé dans l’obscurité. Il n’en distinguait qu’une toute petite partie.

– C’était sans doute un effet de ta vision, rien de plus, répondit Sirius. Tu pensais toujours à ton rêve, ou je ne sais pas comment il faut l’appeler, et…

– Non, ce n’était pas ça, coupa Harry en hochant la tête. C’était comme si quelque chose s’était soudain dressé en moi, comme s’il y avait eu un serpent dans mon corps.

– Tu as besoin d’aller dormir, dit fermement Sirius. Tu vas prendre un petit déjeuner et monter te coucher. Cet après-midi, tu pourras aller voir Arthur avec les autres. Tu es en état de choc, Harry. Tu t’accuses toi-même de quelque chose dont tu n’as été que le témoin et heureusement que tu as été ce témoin, sinon Arthur en serait peut-être mort. Cesse de t’inquiéter.

Il donna à Harry une tape amicale sur l’épaule et sortit du garde-manger en le laissant seul dans le noir.

À part Harry, tout le monde passa le reste de la matinée à dormir. Il monta dans la chambre qu’il avait partagée avec Ron au cours des dernières semaines de l’été mais, alors que Ron se glissait dans le lit et s’endormait aussitôt, Harry resta assis tout habillé, recroquevillé contre les barres de métal glacées de sa tête de lit, dans une position volontairement inconfortable. Il était bien décidé à ne pas s’endormir, terrifié à l’idée de redevenir un serpent dans son sommeil et de s’apercevoir à son réveil qu’il avait attaqué Ron ou qu’il avait rampé dans la maison à la recherche d’une autre victime…

Lorsque Ron se réveilla, Harry feignit d’avoir fait lui aussi un bon petit somme. Leurs bagages arrivèrent de Poudlard pendant le déjeuner pour qu’ils puissent se rendre à Ste Mangouste habillés en Moldus. Tout le monde, sauf Harry, bavardait et riait dans un joyeux tapage en revêtant les jeans et les pulls qui devaient leur permettre de passer inaperçus. Lorsque Tonks et Fol Œil arrivèrent pour les escorter à travers Londres, ils furent accueillis par des cris d’allégresse. De grands éclats de rire saluèrent le chapeau melon que Fol Œil portait de travers pour cacher son œil magique et on lui assura que Tonks, qui avait à présent des cheveux courts d’un rose éclatant, attirerait beaucoup moins l’attention que lui dans le métro.

Tonks s’intéressait beaucoup à la vision qu’avait eue Harry mais celui-ci n’avait pas la moindre envie d’en parler.

– Il n’y a jamais eu de voyant dans ta famille ? demanda-t-elle avec curiosité, alors qu’ils étaient assis côte à côte dans une rame de métro bringuebalante qui les emmenait vers le centre de la ville.

– Non, répondit Harry qui pensa au professeur Trelawney et se sentit insulté.

– Non, répéta Tonks d’un air songeur. Non, je pense qu’il ne s’agit pas vraiment d’une prophétie. Je veux dire par là que tu ne vois pas l’avenir, tu vois le présent… Étrange, non ? Mais utile quand même…

Harry ne répondit pas. Heureusement, ils descendirent à l’arrêt suivant, une station située en plein cœur de Londres. Dans la cohue, Harry s’arrangea pour que Fred et George viennent se placer entre lui et Tonks qui menait la marche. Tout le monde la suivit dans l’escalier roulant, Maugrey boitant à l’arrière du groupe. Sa main noueuse, glissée entre deux boutons de sa veste, serrait sa baguette magique et Harry crut sentir l’œil caché fixé sur lui. S’efforçant d’éviter toute autre question sur son rêve, il demanda à Fol Œil où était dissimulé Ste Mangouste.

– Pas très loin d’ici, grommela Maugrey.

Ils sortirent dans le froid hivernal et se retrouvèrent sur une large avenue bordée de magasins et grouillante de Londoniens qui faisaient leurs achats de Noël. Maugrey poussa Harry devant lui et le suivit de son pas claudicant. Harry savait que, sous le chapeau melon posé de travers, l’œil magique aux aguets pivotait dans toutes les directions.

– Pas facile de trouver un bon endroit pour un hôpital. Il n’y avait pas assez de place sur le Chemin de Traverse et impossible de le mettre sous terre, comme le ministère, ce ne serait pas bon pour la santé. Finalement, ils ont réussi à se procurer un bâtiment ici. L’idée, c’était que les sorciers malades pouvaient ainsi aller et venir en se mêlant à la foule.

Il prit Harry par l’épaule pour éviter qu’ils ne soient séparés par un troupeau de badauds qui n’avaient d’autre intention que de se ruer sur un magasin proche, rempli de gadgets électroniques.

– Voilà, on y est, dit Maugrey, un instant plus tard.

Ils étaient arrivés devant un bâtiment de briques rouges qui abritait un grand magasin à l’ancienne dont la façade indiquait : Purge & Pionce Ltd. L’endroit avait un aspect miteux, misérable. Les vitrines présentaient quelques mannequins écaillés, la perruque de travers, disposés au hasard et affublés de vêtements qui auraient déjà été démodés dix ans plus tôt. Sur les portes poussiéreuses, des écriteaux signalaient : « Fermé pour rénovation ». Harry entendit une grosse femme chargée de sacs en plastique dire à son amie :

– Ce n’est jamais ouvert, ici…

– Bon, dit Tonks en leur faisant signe d’approcher d’une vitrine dans laquelle un mannequin de femme particulièrement laid, les faux cils décrochés, présentait une robe-chasuble en nylon vert. Tout le monde est prêt ?

Ils acquiescèrent d’un signe de tête en se regroupant autour d’elle. Maugrey poussa à nouveau Harry entre les omoplates pour le faire avancer et Tonks se pencha tout près de la vitrine, le regard fixé sur l’horrible mannequin, son souffle dessinant un cercle de buée sur le verre.

– Salut, dit-elle, on vient voir Arthur Weasley.

Harry trouvait absurde de s’imaginer que le mannequin allait entendre Tonks parler si bas à travers une vitrine, dans le grondement des bus qui passaient derrière eux et le vacarme d’une rue surpeuplée. Il songea d’ailleurs que les mannequins étaient de toute façon incapables d’entendre quoi que ce soit. Un instant plus tard, cependant, il resta bouche bée lorsqu’il vit le mannequin hocher très légèrement la tête et faire un petit signe de ses doigts joints. Tonks prit alors Ginny et Mrs Weasley chacune par un bras, puis toutes trois avancèrent d’un pas en traversant la vitrine et disparurent.

Fred, George et Ron les suivirent. Harry jeta un coup d’œil à la foule qui se bousculait autour de lui. Personne ne semblait disposé à accorder le moindre regard à des vitrines aussi laides que celles de Purge & Pionce Ltd. Et personne n’avait remarqué que trois femmes et trois hommes venaient de se volatiliser sous leur nez.

– Viens, grogna Maugrey.

Il poussa à nouveau Harry dans le dos et tous deux franchirent la vitrine qui avait la consistance d’un rideau d’eau fraîche. Lorsqu’ils se retrouvèrent de l’autre côté, ils étaient secs et bien au chaud.

Il n’y avait plus trace de l’horrible mannequin ni de l’espace où il était exposé. Ils étaient à présent dans un hall d’accueil bondé où des rangées de sorciers et de sorcières attendaient, assis sur des chaises de bois branlantes. Certains paraissaient parfaitement normaux et lisaient de vieux numéros de Sorcière-Hebdo, d’autres présentaient d’effroyables malformations, telles des trompes d’éléphant ou des mains supplémentaires qui sortaient de leur poitrine. La salle était à peine moins bruyante que la rue au-dehors en raison des bruits insolites qu’émettaient de nombreux patients : au milieu du premier rang, une sorcière au visage luisant de sueur s’éventait vigoureusement avec un numéro de La Gazette du sorcier en laissant échapper un sifflement aigu tandis que des jets de vapeur jaillissaient de sa bouche. Dans un coin, un sorcier d’une propreté douteuse tintait comme une cloche chaque fois qu’il faisait un geste et sa tête se mettait alors à vibrer horriblement, l’obligeant à la saisir par les oreilles pour la maintenir immobile.