Elle s’assit à côté de Ginny et tous trois regardèrent Harry.
– Comment tu te sens ? demanda Hermione.
– Très bien, assura Harry avec raideur.
– Ne mens pas, Harry, répliqua-t-elle d’un ton agacé. Ron et Ginny m’ont dit que tu te cachais de tout le monde depuis ton retour de Ste Mangouste.
– Ah, ils ont dit ça ?
Harry jeta à Ron et à Ginny un coup d’œil furieux. Ron baissa les yeux, mais Ginny ne manifesta aucun embarras.
– En tout cas, c’est ce que tu as fait ! dit-elle. Et tu ne nous regardes même plus !
– C’est vous qui ne me regardez plus ! dit Harry avec colère.
– Peut-être que vous vous regardez à tour de rôle mais jamais en même temps, suggéra Hermione, les coins de sa bouche frémissant en un sourire.
– Très drôle, dit Harry d’un ton sec en se détournant.
– Arrête de jouer les incompris, lança Hermione. Écoute, les autres m’ont raconté ce que vous avez entendu l’autre jour avec les Oreilles à rallonge…
– Ah ouais ? grogna Harry.
Les mains enfoncées dans les poches, il regardait la neige tomber à gros flocons.
– Alors, comme ça, vous parlez tous de moi ? Remarquez, je commence à m’y habituer.
– C’est à toi qu’on voulait parler, Harry, dit Ginny, mais comme tu n’arrêtes pas de te cacher depuis qu’on est rentrés…
– Je n’avais pas envie qu’on me parle, répondit-il de plus en plus irrité.
– C’est quand même un peu bête de ta part, s’emporta Ginny. La seule personne que tu connaisses qui ait jamais été possédée par Tu-Sais-Qui, c’est moi. J’aurais pu te dire quel effet ça fait.
Harry resta immobile, frappé par les paroles de Ginny. Puis il tourna sur lui-même pour la regarder en face.
– J’avais oublié, dit-il.
– Tu as bien de la chance, répliqua-t-elle avec froideur.
– Je suis désolé, dit sincèrement Harry. Alors… vous pensez que je suis possédé, hein ?
– Est-ce que tu te souviens de tout ce que tu as fait ? demanda Ginny. Est-ce que tu as l’impression qu’il y a de longues périodes de blanc pendant lesquelles tu ne sais plus ce qui s’est passé ?
Harry fouilla sa mémoire.
– Non, dit-il.
– Dans ce cas, Tu-Sais-Qui ne t’a jamais possédé, répondit simplement Ginny. Quand il a pris possession de moi, il m’arrivait de ne plus savoir ce que j’avais fait pendant plusieurs heures d’affilée. Tout d’un coup, je me retrouvais quelque part sans savoir comment j’y étais arrivée.
Harry osait à peine la croire, pourtant, presque malgré lui, il se sentait le cœur plus léger.
– Mais quand j’ai rêvé de ton père et du serpent…
– Harry, tu as déjà eu des rêves dans ce genre-là avant, l’interrompit Hermione. L’année dernière, tu voyais parfois ce que Voldemort était en train de faire.
– C’était différent, répondit Harry en hochant la tête. Cette fois-ci, j’étais à l’intérieur du serpent. C’est comme si c’était moi le serpent… Et si Voldemort avait réussi à me transporter à Londres ?
– Un jour, dit Hermione au comble de l’exaspération, tu te décideras peut-être à lire L’Histoire de Poudlard, et tu te souviendras alors qu’il est impossible de transplaner à Poudlard, ni pour y venir, ni pour en sortir. Même Voldemort ne parviendrait pas à t’arracher à ton dortoir, Harry.
– Tu n’as pas quitté ton lit, mon vieux, assura Ron. Je t’ai vu t’agiter pendant au moins une minute dans ton sommeil avant qu’on arrive à te réveiller.
Harry se remit à faire les cent pas dans la pièce. Il réfléchissait. Ce qu’ils disaient n’était pas seulement rassurant, c’était aussi logique… Sans même y penser, il prit un sandwich dans l’assiette posée sur le lit et le fourra avidement dans sa bouche.
« Finalement, ce n’est pas moi, l’arme », songea-t-il. Il sentit une vague de bonheur et de soulagement le submerger et il eut presque envie de chanter avec Sirius lorsque celui-ci, en passant devant leur porte pour aller voir Buck, entonna à pleins poumons De bon matin, j’ai rencontré l’hippogriffe.
Comment avait-il pu songer à passer Noël à Privet Drive ? Le plaisir qu’éprouvait Sirius à voir sa maison à nouveau pleine, et surtout Harry de retour sous son toit, était contagieux. Ce n’était plus l’hôte renfrogné qu’ils avaient connu l’été dernier. À présent, au contraire, il semblait décidé à ce qu’ils s’amusent autant, sinon plus, que s’ils étaient restés à Poudlard. Les jours suivants, avec leur aide, il travailla sans relâche au nettoyage et à la décoration et lorsqu’ils allèrent se coucher à la veille de Noël, la maison était à peine reconnaissable. Sur les lustres ternis, des guirlandes or et argent entremêlées de branches de houx avaient remplacé les toiles d’araignée. Une neige magique scintillait en couches épaisses sur les tapis usés et Mondingus s’était procuré un grand sapin de Noël, décoré de fées vivantes, qui cachait avantageusement l’arbre généalogique de la famille de Sirius. Même les têtes d’elfes empaillées, sur le mur du hall, portaient des barbes et des chapeaux de père Noël.
En se réveillant le matin de Noël, Harry trouva une pile de cadeaux au pied de son lit. Ron avait déjà ouvert la moitié de son propre tas, d’une taille appréciable.
– Bonne pêche, cette année, annonça-t-il à travers un nuage de papiers froissés. Merci pour la boussole de balai, c’est une excellente idée, bien meilleure que celle d’Hermione… Elle m’a offert un planning de devoirs…
Harry regarda ses cadeaux et trouva un paquet avec l’écriture d’Hermione. À lui aussi, elle avait donné un carnet qui ressemblait à un agenda mais chaque fois qu’il l’ouvrait, une voix forte lui assenait des conseils du genre : « Fais-le aujourd’hui si tu ne veux pas d’ennuis. »
Sirius et Lupin lui avaient offert une série d’excellents livres intitulés La Défense magique appliquée et son usage contre les forces du Mal, comportant des illustrations animées et en couleurs de tous les contre-maléfices et ensorcellements décrits dans l’ouvrage. Harry feuilleta avidement le premier tome et vit tout de suite qu’il lui serait très utile pour le programme de l’A.D. Hagrid lui avait envoyé un portefeuille recouvert de fourrure et muni de crocs destinés sans doute à dissuader les voleurs, mais qui empêchèrent Harry d’y mettre la moindre pièce sans risquer de se faire arracher un doigt. Tonks lui avait offert un modèle réduit d’Éclair de feu que Harry regarda voler autour de la pièce en regrettant de ne plus posséder la version grandeur nature. Ron lui avait donné une énorme boîte de Dragées surprises de Bertie Crochue et le paquet de Mr et Mrs Weasley contenait l’habituel pull-over tricoté main ainsi que quelques gâteaux de Noël. Enfin, Dobby lui avait fait parvenir une horrible peinture dont il soupçonnait l’elfe d’être l’auteur. Alors qu’il la retournait pour voir si elle ne serait pas mieux à l’envers, un craquement sonore retentit et Fred et George transplanèrent au pied de son lit.
– Joyeux Noël ! lança George. Ne descendez pas tout de suite.
– Et pourquoi ? demanda Ron.
– Maman est encore en train de pleurer, dit Fred d’un ton lourd. Percy lui a renvoyé son pull de Noël.