– Alors… Où est-ce que tu veux aller ? demanda Harry lorsqu’ils arrivèrent à Pré-au-Lard.
La grand-rue était pleine d’élèves qui flânaient en regardant les vitrines ou chahutaient sur les trottoirs.
– Oh, ça m’est égal, répondit-elle avec un haussement d’épaules. On pourrait peut-être aller voir les magasins ?
Ils se dirigèrent vers la boutique de Derviche et Bang. Quelques villageois qui regardaient une affiche collée dans la vitrine s’écartèrent en voyant approcher Harry et Cho. Et une fois de plus, Harry se retrouva face aux photos des dix Mangemorts évadés. L’affiche, « par ordre du ministère de la Magie », offrait mille Gallions de récompense à quiconque fournirait des informations pouvant conduire à la capture des fugitifs.
– C’est drôle, dit Cho à voix basse en regardant les Mangemorts, tu te souviens quand Sirius Black s’est échappé et qu’il y avait des Détraqueurs partout à Pré-au-Lard pour le rechercher ? Aujourd’hui, dix Mangemorts sont en fuite et on ne voit aucun Détraqueur nulle part…
– Oui, répondit Harry.
Il détacha son regard du visage de Bellatrix Lestrange et jeta un coup d’œil des deux côtés de la rue.
– Oui, tu as raison, c’est bizarre.
Il ne regrettait pas le moins du monde qu’il n’y ait pas de Détraqueurs à proximité mais, maintenant qu’il y pensait, leur absence était en effet très significative. Non seulement ils avaient laissé les Mangemorts s’échapper mais ils ne se souciaient même pas de les retrouver… Apparemment, ils avaient bel et bien échappé au contrôle du ministère.
Les dix Mangemorts en fuite les regardaient chaque fois qu’ils passaient devant une vitrine. Lorsqu’ils arrivèrent à la hauteur du magasin de plumes Scribenpenne, la pluie commença à tomber à grosses gouttes glacées qui s’écrasaient sur le visage et la nuque de Harry.
– Heu… Tu veux qu’on aille prendre un café ? demanda timidement Cho alors que l’averse s’intensifiait.
– Oui, d’accord, répondit Harry en jetant un coup d’œil alentour. Où ça ?
– Il y a un endroit très agréable un peu plus loin là-bas. Chez Madame Pieddodu, tu connais ? dit-elle d’un ton enjoué.
Elle le conduisit dans une rue latérale, devant un petit salon de thé que Harry n’avait encore jamais remarqué. Dans la salle exiguë et embuée, tout semblait décoré de petits nœuds et de fanfreluches diverses qui rappelaient désagréablement à Harry le bureau d’Ombrage.
– C’est mignon, non ? dit Cho, l’air joyeux.
– Heu… oui, mentit Harry.
– Regarde, elle a fait une décoration spéciale pour la Saint-Valentin.
Elle lui montra des angelots dorés qui voletaient au-dessus de chacune des petites tables rondes et jetaient de temps à autre sur les clients des poignées de confettis roses.
– Aaah…
Ils s’installèrent à la dernière table encore libre, près de la vitrine couverte de buée. Roger Davies, le capitaine de l’équipe de Quidditch de Serdaigle, était assis à cinquante centimètres d’eux en compagnie d’une jolie blonde à qui il tenait la main. Cette vision mit Harry d’autant plus mal à l’aise qu’en jetant un regard dans la salle, il ne vit que des couples qui se tenaient la main. Peut-être Cho s’attendait-elle à ce que lui aussi prenne sa main dans la sienne.
– Qu’est-ce qui vous ferait plaisir, mes enfants ? demanda Madame Pieddodu, une très forte femme au chignon noir et brillant, en se glissant avec beaucoup de difficultés entre la table de Davies et la leur.
– Deux cafés, s’il vous plaît, dit Cho.
Pendant le temps que mirent leurs cafés à arriver, Roger Davies et sa petite amie commencèrent à s’embrasser par-dessus le sucrier. Harry aurait préféré qu’ils s’en abstiennent. Davies donnait le ton et Cho s’attendait sans doute à ce que Harry l’imite. Il sentit son visage s’embraser et essaya de regarder au-dehors mais il y avait tant de buée sur la vitrine qu’il ne voyait rien du tout. Pour retarder le moment où il devrait à nouveau se tourner vers Cho, il leva les yeux au plafond comme s’il s’intéressait aux peintures qui le décoraient et reçut en plein visage une poignée de confettis lancée par l’angelot voletant au-dessus de leur table.
Quelques pénibles minutes plus tard, Cho prononça le nom d’Ombrage. Soulagé, Harry sauta sur l’occasion et ils passèrent un agréable moment à en dire le plus grand mal mais le sujet avait été si abondamment traité au cours des réunions de l’A.D. qu’il fut vite épuisé. Le silence retomba entre eux. Harry entendait les bruits mouillés qui provenaient de la table voisine et cherchait frénétiquement un nouveau sujet de conversation.
– Heu… dis-moi, est-ce que tu veux venir avec moi aux Trois Balais à l’heure du déjeuner ? Je dois retrouver Hermione Granger, là-bas.
Cho haussa les sourcils.
– Tu as rendez-vous avec Hermione Granger ? Aujourd’hui ?
– Oui, enfin, c’est elle qui me l’a demandé, alors j’ai dit oui. Tu veux m’accompagner ? Elle a dit que tu pouvais venir, si tu voulais.
– Ah bon ? Eh bien… C’est très aimable à elle.
Mais à en juger par le ton de Cho, elle ne voyait rien d’aimable là-dedans. Sa voix était glaciale et elle afficha soudain une mine rébarbative.
Plusieurs minutes s’écoulèrent dans un silence total. Harry buvait son café si vite qu’il lui faudrait bientôt en commander une autre tasse. À côté d’eux, Roger Davies et sa petite amie semblaient collés l’un à l’autre par les lèvres.
La main de Cho était posée sur la table, à côté de son café, et Harry sentait monter en lui un désir grandissant de la prendre dans la sienne. « Vas-y, fais-le, se disait-il, tandis qu’un mélange de panique et d’excitation jaillissait comme une fontaine dans sa poitrine, prends-lui la main. » Étonnant de voir à quel point il était plus difficile de tendre le bras d’une trentaine de centimètres pour lui prendre la main que d’attraper un Vif d’or en pleine course…
Mais au moment même où il avançait enfin sa main, Cho retira la sienne. Elle regardait à présent avec une expression vaguement intéressée Roger Davies embrasser sa petite amie.
– Tu sais qu’il m’a demandé de sortir avec lui ? dit-elle à voix basse. Il y a une quinzaine de jours. Roger. Mais j’ai refusé.
Harry, qui avait pris le sucrier pour justifier le geste qu’il venait de faire en tendant la main, ne comprenait pas pourquoi elle lui racontait ça. Si elle avait préféré être assise à la table voisine et se faire embrasser passionnément par Roger Davies, pourquoi avait-elle accepté de sortir avec lui ?
Il resta silencieux. Leur angelot attitré leur jeta une nouvelle poignée de confettis dont certains tombèrent dans les dernières gouttes de café froid que Harry s’apprêtait à boire.
– Je suis venue ici avec Cedric, l’année dernière, poursuivit Cho.
Dans la seconde qui lui fut nécessaire pour assimiler ce qu’elle venait de dire, Harry sentit ses entrailles se glacer. Il ne parvenait pas à croire qu’elle veuille lui parler de Cedric maintenant, alors qu’ils étaient entourés de couples en train de s’embrasser et qu’un chérubin flottait au-dessus de leur tête.
La voix de Cho était un peu plus aiguë lorsqu’elle reprit la parole :
– Il y a une question que j’ai toujours voulu te poser… Est-ce que Cedric… est-ce qu’il a… dit quelque chose sur moi avant de mourir ?
C’était le dernier sujet dont Harry avait envie de parler, surtout avec Cho.
– Heu… non…, répondit-il à mi-voix. Il… Il n’a pas eu le temps de dire quoi que ce soit. Et… heu… tu vas souvent voir des matches de Quidditch pendant les vacances ? Ce sont les Tornades, ton équipe préférée, je crois ?